Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Environnement

Des baleines pour les aborigènes

Le spectre de la reprise active de la chasse menace les baleines. 

		(Photo : AFP)
Le spectre de la reprise active de la chasse menace les baleines.
(Photo : AFP)
La 59e session annuelle de la Commission baleinière internationale (CBI) s’est ouverte, ce lundi 28 mai, à Anchorage, capitale de l’Etat d’Alaska. Elle regroupe 75 Etats membres. Jusqu’au 31 mai, les pays favorables à la chasse à la baleine, le Japon en tête, vont maintenir leur pression sur les pays protecteurs pour obtenir la levée du moratoire sur la chasse commerciale institué en 1986. Selon Greenpeace, Tokyo «menace plus que jamais le moratoire» après l’adoption, l’an dernier, d’une résolution symbolique favorable à la reprise de la pêche.

Lors de la réunion annuelle du 18 juin 2006, et suite à un intense effort de lobbying pour obtenir le soutien des petits Etats insulaires des Caraïbes ou du Pacifique, le Japon et les autres pays baleiniers (Norvège, Islande, Danemark) ont obtenu une résolution jugeant que le moratoire «temporaire» sur la chasse commerciale n’était «dorénavant plus nécessaire».

L’Australie et la Nouvelle-Zélande, farouches défenseurs du moratoire, aux côtés d’autres pays tels la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont dénoncé avec virulence ces votes obtenus en échange d’aides financières.

La pêche scientifique comme alibi

Officiellement, le Japon dit observer le moratoire sur la chasse commerciale. Il est cependant accusé de le contourner en usant de son droit d’objection dont dispose chaque pays membre, conformément à l’article 5 du texte fondateur. Tout comme l’Islande et la Norvège, le Japon effectue la pêche de baleines sous couvert de «recherche scientifique», au grand dam des écologistes, alors qu’il est désormais reconnu que les recherches peuvent être menées sur des baleines vivantes. Chaque année, le Japon  tue des centaines de baleines de Minke, la plus petite des baleines. Il prévoit désormais d’étendre ses prises aux rorquals communs et baleines à bosse, deux espèces réputées menacées par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

Chasse traditionnelle maintenue

Sous la houlette des Etats-Unis et du camp des protecteurs, le maintien de l’autorisation pour les populations indigènes de pêcher un quota de baleines du Groenland (bowhead whales) sera au centre des débats de la réunion d’Anchorage. En Alaska, au Groenland ou en Sibérie, ce type de chasse, traditionnel, est jugé légitime, parce qu’il permet d’assurer la subsistance de la population. Il obéit à une logique totalement différente de la chasse industrielle. Et c’est au titre de cette même dérogation que, depuis 20 ans, le Japon demande que ce droit  de pêcher un nombre non déterminé de baleines de Minke soit étendu à quatre de ses communautés côtières. «Nous nous attendons à obtenir le même traitement à toute proposition du Japon visant à obtenir un quota de pêche pour ses communautés côtières. Les baleines seraient pêchées, dépecées, distribuées et consommées localement», a affirmé à l’AFP Joji Morishita, membre japonais suppléant auprès de la CBI.

Les quotas sont accordés pour 5 ans. Washington a besoin du soutien des trois quarts des 75 membres de la CBI pour assurer le maintien des droits de pêche aux populations indigènes d’Alaska, mais le Japon et ses alliés disposent d’assez de voix pour bloquer.

Quant au processus d’évaluation prévu par le moratoire de 1986, deux versions s’affrontent. D’une part, les pays qui considèrent que les stocks ont eu suffisamment de temps pour se reconstituer et permettre la reprise de la chasse commerciale et, d’autre part, les pays protecteurs, les «like-minded». Arguant du principe de précaution, ces derniers soulignent qu’en l’état actuel de la science, trop d’incertitudes planent encore sur les estimations de population de cétacés

Les quotas de chasse scientifique échappent à tout contrôle puisqu’ils sont décidés de manière discrétionnaire par le pays chasseur, selon la réglementation de la CBI

La faute à la baleine

Les pays chasseurs font valoir que le moratoire sur la chasse à des fins commerciales a un effet nuisible sur les stocks de poissons pêchés, dans la mesure où les baleines mangent de larges quantités de poissons d’intérêt commercial. Cinq fois plus que les industries de la pêche n’en prélèvent.

Raisonnement infondé pour le camp des anti-chasse. De nombreux experts du Comité scientifique de la CBI critiquent cette théorie qui ne tient pas compte des multiples interactions entre les différentes espèces de l’écosystème et de la complexité des chaînes alimentaires. Tout d’abord, nombreuses sont les baleines qui ne consomment pas de poissons, notamment les baleines à fanon qui se nourrissent essentiellement de crustacés. Par ailleurs, tous les poissons mangés par les baleines n’ont pas de valeur commerciale. Pour les experts, la principale chute des stocks de poissons est due à la surexploitation par l’industrie de la pêche.

La Commission baleinière internationale a été créée par la Convention de Washington en 1946 pour lutter contre la surexploitation des grands cétacés. Initialement, il s’agissait de contrôler le développement de l’industrie baleinière. Progressivement, la CBI s’est donné pour mission la conservation des cétacés. Face à la menace d’extinction de certaines espèces -la plupart ont vu leurs populations réduites de plus de 80%, durant l’ère de la chasse industrielle- la CBI interdit provisoirement, en 1982, l’exploitation commerciale des grands cétacés.

Les pays protecteurs, dont la France qui siège à la CBI depuis sa création, ont permis la création de sanctuaires marins, vastes zones protégées pour faciliter l’étude des comportements et de la taille des cétacés. Les sanctuaires baleiniers existants se situent dans l’Antarctique et dans l’océan Indien. En cas de reprise de la chasse commerciale, de nouveaux sanctuaires sont prévus dans le Pacifique Sud-Ouest et dans le Sud-Atlantique.



par Françoise  Dentinger

Article publié le 28/05/2007 Dernière mise à jour le 28/05/2007 à 16:44 TU