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Environnement

Baleines : coup de canif dans le moratoire

Des baleines à bosse dans l'océan Pacifique. Durant l'hiver austral, environ 500 de ces mammifères marins viennent se reproduire dans les eaux chaudes du lagon de La Nouvelle-Calédonie. 

		(Photo : AFP)
Des baleines à bosse dans l'océan Pacifique. Durant l'hiver austral, environ 500 de ces mammifères marins viennent se reproduire dans les eaux chaudes du lagon de La Nouvelle-Calédonie.
(Photo : AFP)
La réunion annuelle de la Commission baleinière internationale a permis cette année au Japon de faire progresser son camp au sein de cette organisation et de pousser vers une reprise probable de la chasse commerciale. Une motion adoptée à une courte majorité indique que le moratoire « n’est plus nécessaire ».

Depuis vingt ans, jamais un vote de la Commission baleinière internationale (CBI) n’avait été aussi favorable à la reprise de la chasse. Même si la résolution adoptée au cours de cette réunion n’était pas formulée de manière aussi claire, l’abolition du moratoire est désormais du domaine du possible. Les instances dirigeantes de la CBI ont cependant pris des précautions pour donner de la force à l’interdiction de chasser. Elles avaient décidé que pour la levée de l’interdiction, la décision doit être prise par 75% des voix. Mais l’idée n’est plus écartée. Elle va faire son chemin parmi les représentants des 70 pays membres de cette organisation créée en 1946 pour réguler la pêche aux mammifères marins.

Lever le moratoire devient possible  

Une partie des pays membres de la Commission baleinière internationale (CBI) souhaite depuis longtemps la reprise de la chasse aux cétacés. A l’occasion de la réunion annuelle de cette organisation, ces pays ont remporté une victoire symbolique. Le Japon, pays le plus engagé dans la lutte contre le moratoire instauré il y a tout juste vingt ans, a réussi à faire voter une résolution d’un esprit très nouveau dans les instances de la CBI. Ce texte indique que le moratoire «temporaire » pour protéger les baleines au bord de l’extinction, n’est « plus nécessaire ».

Même si le Japon estime qu’il s’agit d’un «grand pas », cette résolution n’est pas encore une victoire pour les partisans de la reprise de la chasse. Le texte a en effet été voté par 33 voix pour et 32 voix contre, plus une abstention. Le scrutin a été très serré. Son résultat montre que les pays impliqués, soit dans la protection, soit dans la reprise de la chasse, sont très partagés. L’intérêt pour le Japon et les pays qui le soutiennent, c’est d’avoir réussi à mettre le moratoire en discussion, quitte à attendre quelques années pour obtenir sa disparition.

Le Japon s’est montré satisfait de cette évolution. « Ce n’est plus qu’une question de temps avant de le faire  disparaître (le moratoire) complètement », a estimé Glenn Inwood, le porte-parole de la délégation japonaise à cette réunion de la CBI aux Antilles, sur l’île de St Kitts et Nevis. Poussant leur avantage, les Japonais ont même demandé à leurs partenaires de discuter d’une éventuelle réforme de la Commission. « Nous vous invitons à vous joindre au processus de normalisation. Travaillons ensemble à remettre la CBI en piste pour une chasse à la baleine durable », a lancé Minoryu Morimoto, autre responsable japonais. Cette réforme concerne les statuts de la CBI. Il serait notamment question de supprimer cette clause des deux-tiers.

Les poissons contre les baleines ?

Les pays opposés à la chasse, parmi lesquels l’Australie et la Grande-Bretagne, ont rejeté catégoriquement l’invitation à se lancer dans cette voie. Dans le camp des protectionnistes, la réaction la plus virulente est venue de Wellington. Helen Clark, le Premier ministre néo-zélandais, a qualifié la résolution de « très pro-chasse ». Pour le chef du gouvernement néo-zélandais, il est « particulièrement insoutenable » que cette résolution stipule que les cétacés représentent une menace pour les ressources halieutiques. Helen Clark a également dénoncé le Japon « pour avoir dépensé d’importantes sommes d’argent afin d’obtenir le soutien de certains pays et, malgré tant d’efforts et d’années, de ne remporter qu’un seul des quatre votes ». Les délégués ont en effet voté sur d’autres sujets sur lesquels le Japon a été mis en échec. « Le Japon n’a pas réussi à lever les mesures de protection des petits cétacés comme le rorqual, ni obtenu l’autorisation d’en pêcher 150 de plus comme il le souhaitait, ni obtenu le vote à bulletin secret », a expliqué Aurèle Clémencin, représentant de Greenpeace à cette réunion.

Il est de notoriété publique que pour consolider leur position, les Japonais achètent, depuis plusieurs années, les voix de petits pays : on évoque surtout les petits Etats des Caraïbes. L’association Transparency International a d’ailleurs publié un communiqué dans lequel elle s’inquiète des « allégations de corruption via le commerce des votes au sein de la Commission baleinière internationale ».

Réfutant l’accusation, ces petits pays se sont rangés aux côtés du Japon, de la Norvège et de l’Islande. Partisans de la reprise de la chasse, ils ont accusé les pays occidentaux (anti-chasse) d’hypocrisie et de discrimination aux relents colonialistes.

« Bien sûr, s’il (le moratoire) était éliminé, nous serions ravis. Mais cela prendra encore du temps », a déclaré, à Tokyo, Hideki Moronuki, responsable de la section baleinière de l’agence de pêche japonaise. Cette volonté japonaise d’augmenter les captures est difficile à comprendre car il semble que les stocks de viande de baleine s’accumulent au Japon.

Pour les écologistes, il s’agit d’un revers car l’instauration du moratoire international pour sauver les baleines avait été un combat plutôt réussi. « Il s’agit du recul le plus significatif depuis que le moratoire a été mis en place », a estimé Kitty Block, avocate de l’association américaine de défense des animaux Humane Society. La CBI qui, au départ, était un organisme de régulation de la pêche, était devenue une association de protection.

La Norvège, l’Islande et le Japon constituent le noyau dur des pays favorables à la chasse qu’ils pratiquent sous couvert de recherche scientifique.  



par Colette  Thomas

Article publié le 20/06/2006Dernière mise à jour le 20/06/2006 à TU