G8 : Etats-Unis/Russie
La solution de Poutine pour le bouclier antimissile
(Photo : Reuters)
C’était le premier tête-à-tête de George W. Bush et Vladimir Poutine depuis novembre 2006. Dans les murs du prestigieux hôtel Kempinski à Heiligendamm en Allemagne, les deux chefs d’Etat ont profité, ce jeudi, du cadre du sommet du G8 pour s’expliquer sur la crise qui met à rude épreuve des relations américano-russes : le projet antimissile américain en Europe.
Le chef du Kremlin a invité son homologue de la Maison Blanche à collaborer ouvertement et d’une manière transparente sur la question de la défense antimissile. Et Vladimir Poutine a une idée précise. Il sait à quoi une telle collaboration pourrait ressembler : le président russe propose à George W. Bush l’utilisation commune d’installations construites à l’époque soviétique en Azerbaïdjan pour contrer la menace balistique représentée par des Etats voyous. Cette solution remplacerait - toujours selon l’idée de M. Poutine - le projet des Etats-Unis d’installer un radar et des missiles intercepteurs en République tchèque et en Pologne.
«J'ai parlé hier à ce sujet avec le président azerbaïdjanais et l'accord en cours nous permet de faire cela», a déclaré le président russe à l’issue de son entretien avec M. Bush, devant la presse, avant d’ajouter : «Tout le système que nous pourrons créer couvrira non seulement une partie de l'Europe, mais toute l'Europe sans exception».
Alors que George W. Bush a préféré ne pas préciser immédiatement lui-même ce qu’il pense de la proposition russe, soulignant seulement qu’il est «bien mieux de travailler ensemble plutôt que de créer des tensions» entre Washington et Moscou, Vladimir Poutine a été, lui, beaucoup plus explicite : «Nous nous sommes mis d'accord avec George (Bush) sur le fait que nos spécialistes devraient s'atteler à ce travail au plus vite. Cela éliminera la nécessité de placer nos complexes de frappe à proximité des frontières européennes. Et cela permet d'éviter l'installation de systèmes offensifs américains dans le cadre de la défense antimissile dans l'espace».
C’est seulement après cette déclaration qu’un responsable de la Maison Blanche a fait connaître l’opinion du président américain : Selon Steve Hadley, proche conseiller de George W. Bush, ce dernier a jugé «intéressante» la proposition de son homologue russe. M. Hadley a également précisé que les deux présidents sont en effet convenus de créer un groupe d'experts pour étudier les «options».
«Il est vraiment trop tôt pour dire où cela va»
Le but de cette rencontre bilatérale semble tout de même atteint : ce jeudi, au bord de la mer Baltique, le ton a été plus conciliant. Un certain soulagement s’est alors répandu au sommet du G8 en Allemagne, après des tensions palpables entre Washington et Moscou.
Le projet américain antimissile avait suscité, ces derniers mois, une vive opposition des autorités russes. Les Etats-Unis avaient beau répéter que l’extension du bouclier antimissile était destinée à protéger leurs alliés européens de la menace balistique d’Etats «voyous», comme l’Iran, la Russie y voyait une menace contre sa sécurité.
En février dernier, le président Poutine avait lancé, lors de la Conférence internationale sur la sécurité à Munich, une attaque en règle contre les Etats-Unis, les accusant de vouloir imposer à tout prix une vision unipolaire du monde. Depuis, les bruits de bottes s’étaient multipliés : la Russie avait effectué un tir d’essai d’un nouveau missile balistique intercontinental, Vladimir Poutine avait menacé de pointer ses armes sur l’Europe et George W. Bush avait, de son côté, reproché à la Russie ses déficits en matière de démocratie.
Après ces échanges musclés - qui commençaient, par ailleurs, à inquiéter la communauté internationale - le président Poutine a estimé ce jeudi, que les Etats-Unis et son pays n’auraient aucune difficulté à s’entendre, si le dialogue bilatéral se déroulait dans un climat d’ouverture réciproque.
Le président des Etats-Unis aura bientôt l’occasion de faire preuve de sa bonne volonté : les 1er et 2 juillet prochain il recevra son homologue russe dans sa résidence familiale de Kennebunkport, sur la côte est américaine. Et George W. Bush espère bien impressionner Vladimir Poutine par cette intimité affichée. En effet, le chef de Kremlin sera le premier dirigeant étranger à avoir droit à un tel honneur.
par Stefanie Schüler
Article publié le 07/06/2007 Dernière mise à jour le 07/06/2007 à 17:47 TU