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Tchad

Affaire Arche de Zoé : place aux diplomates

Les femmes tchadiennes ont manifesté considérant qu'il s'agit d'un véritable trafic d'enfants. 

		(Photo : Reuters)
Les femmes tchadiennes ont manifesté considérant qu'il s'agit d'un véritable trafic d'enfants.
(Photo : Reuters)

Dix-neuf personnes - dont neuf Français, sept Espagnols, deux Tchadiens et un Belge – ont été inculpées par les autorités judiciaires tchadiennes dans le cadre de l’opération que l’association française l'Arche de Zoé avait l’intention de réaliser, en voulant transférer 103 enfants du Tchad vers la France. Les autorités tchadiennes accusent cette ONG de vouloir faire du « trafic d’enfants », tandis que l’Arche de Zoé affirme qu’il s’agissait de « sauver de la mort » des orphelins affectés par la guerre au Darfour. Des contacts sont en cours entre Paris et N'Djamena pour éclaircir les zones d’ombre dans cette affaire et permettre, éventuellement, que les Français inculpés puissent être jugés en France. Le président français, Nicolas Sarkozy s'est entretenu au téléphone avec son homologue tchadien, Idriss Deby, et lui a demandé la libération des trois journalistes français arrêtés avec les membres de l'association l'Arche de Zoé. Cette affaire, initiée le 25 octobre dernier, agite considérablement l’opinion publique et les milieux politiques en France, tout comme au Tchad.


Plusieurs centaines de personnes, notamment des femmes, ont manifesté mercredi matin devant les bureaux du gouverneur de la ville d’Abéché, à l’est du Tchad, pour protester contre ce qu'elles appellent un « trafic d'enfants », faisant référence à ces « petits » que l'association  l'Arche de Zoé avait l'intention d'emmener en France. Manifestation encadrée par la police tchadienne, en présence du gouverneur, du ministre de la Sécurité publique et du ministre en charge des Droits de l'homme. Des centaines de femmes ont crié leur colère contre l’affaire de l’Arche de Zoé, des femmes bien décidées à se faire entendre.

Manifestation des femmes tchadiennes

«Non à la traite négrière! Non au trafic des enfants!»

Dix-neuf personnes  sont désormais inculpées et écrouées dans cette affaire. Outre les neuf Français et le pilote belge, l'équipage espagnol du Boeing 757 qui devait transporter les enfants en France, est inculpé de complicité d'enlèvement, de même que deux responsables locaux tchadiens. Les Français sont poursuivis pour « enlèvement et escroquerie », les Espagnols pour « complicité d'enlèvement ». Ils doivent maintenant être transférés à la prison de N'Djamena où a été écroué le pilote belge Jacques Wilmart, inculpé de « complicité d’enlèvement de mineurs en vue de compromettre leur état civil ». Wilmart, 75 ans, ancien pilote de la compagnie nationale belge Sabena, avait acheminé, entre la frontière tchado-soudanaise et Abéché, une partie des 103 enfants que l’Arche de Zoé entendait emmener en France.

Zones d’ombre

Il est question aussi de deux Tchadiens, eux aussi accusés de « complicité d'enlèvement ». Il s'agit d'un sous-préfet et d'un chef de quartier de la localité de Tiné à la frontière entre le Tchad et le Soudan. Visiblement, ce sous-préfet et ce chef de quartier sont soupçonnés d'avoir aidé les membres de l'Arche de Zoé à regrouper des enfants dans la région de Tiné. Y a-t-il des chefs de village qui sont susceptibles également d'avoir collaboré avec l'ONG française ? C'est la question que posent aujourd'hui les défenseurs de cette ONG, notamment Maître Collard. Seule certitude, cinq jours avant leur arrestation à Abéché, plusieurs membres de l'Arche de Zoé ont du quitter précipitamment la ville frontière d'Adré pour échapper à un contrôle de police. Ce qui prouve que tout le monde n'était pas complice, loin s'en faut.

Il reste maintenant à savoir pourquoi l'aviation civile tchadienne a donné son feu vert à l'Arche de Zoé pour faire venir un Boeing 757 en provenance de Madrid jusqu'à Abéché pour embarquer plus de cent personnes à destination de la France. « Cet avion n'a été autorisé à venir que pour faire une  évacuation sanitaire », confie un responsable de l'aviation civile à l'AFP. Bref, il y aurait eu tromperie de la part de l'ONG française. Cela dit, un 757 à Abéché, c'est extrêmement rare. La piste est juste assez longue pour accueillir cet avion de 200 places. Bref, on n'était plus dans la routine humanitaire, et certains fonctionnaires tchadiens ont peut-être fait preuve de négligence. Pour le moins.

Sarkozy en contact avec Deby

Un conseiller du ministre français des Affaires étrangères a affirmé mardi que les 103 enfants sont en majorité tchadiens avec des parents tchadiens. Le Quai d'Orsay, bien avant que n'éclate cette affaire, avait lancé des mises en garde.

Du coup, on peut se demander comment l'armée française a pu transporter des membres de l'association l'Arche de Zoé à deux reprises, en août et septembre dernier ? Pour le ministre français de la Défense, en fait, l'ONG française opérait sous un autre nom, celui de « Children Rescue » et avait toutes les autorisations, y compris celle du ministère de l'Intérieur tchadien.

Hervé Morin, ministre de la Défense

Sur France 3

«Rien ne permettait à l'armée française de suspecter que cette ONG, qui avait les autorisations d'un Etat souverain et indépendant qu'est le Tchad, qu'il y avait autrechose derrière tout ça. »

Mercredi matin à Ajaccio, en Corse, où s’est tenu un conseil de ministres extraordinaire, le président français est revenu sur cette affaire. Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il allait appeler son homologue tchadien Idriss Deby pour « le sensibiliser à la présomption d'innocence ».

Nicolas Sarkozy

A propos de l'affaire de l'Arche de Zoé

«Je veux sensibiliser Idriss Déby au respect de la présomption d'innocence.»

Mercredi soir, le président français a téléphoné au président tchadien pour lui demander de libérer « dans les meilleur délais » les journalistes français « dans le respect de la législattion tchadienne ». Idriss Déby lui a répondu qu'il ferait tout son possible pour obtenir leur libération, a annoncé l'Elysée.

La France avait annoncé mardi avoir saisi le président tchadien du cas des trois journalistes arrêtés. Paris a, par ailleurs, écarté une offre de médiation du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, expliquant être « en contact direct » avec les autorités tchadiennes. Le directeur de cabinet du président Déby a indiqué à RFI que le Tchad n’avait pas de position arrêtée sur le lieu d’un éventuel procès.

L'affaire fait aussi des vagues en France

Certains hommes politiques français s'étonnent que Paris n'ait pas pu empêcher l'opération de l'Arche de Zoé. Ils s'étonnent aussi que Paris ait affirmé que les inculpés français répondraient de leurs actes au Tchad, alors que des accords judiciaires entre les deux pays ouvrent la possibilité d'un jugement en France.

En effet, les français de l'Arche de Zoé pourraient être jugés en France. Une convention judiciaire entre le Tchad et la France le permet. C’est ce qu'affirment les avocats des membres de l'association humanitaire. En matière judiciaire, la collaboration franco-tchadienne est ancienne. Le 6 mars 1976, les deux pays ont signé des accords bilatéraux, qui prévoient les cas classiques d'entraide, allant de la transmission d'actes à la communication de casiers judiciaires.

Mais cet accord prévoit aussi des possibilités réciproques d'extraditions de personnes poursuivies ou condamnées par les autorités judiciaires de l'autre Etat.

Seulement, pour le moment, cette disposition ne peut pas s'appliquer puisque les membres de l'Arche de Zoé ne sont pas poursuivis en France. La justice française n'a donc aucune raison de les réclamer.

Une situation qui pourrait vite évoluer : le parquet de Paris vient d'ouvrir une information judiciaire et a saisi un juge d'instruction. Ce magistrat, après avoir lancé une commission rogatoire, pourrait invoquer les accords bilatéraux afin de demander le rapatriement en France des neuf Français mis en examen.

Il reste à savoir si cette affaire ne va pas  prendre une tournure plus politique que judiciaire. Les autorités tchadiennes affirment qu’elles n’ont pas l’intention de « se servir » de cette affaire et que cela n’empêchera dans les semaines à venir le déploiement de la force européenne, à forte composante française, dans l’est du Tchad.



par RFI (avec AFP)

Article publié le 31/10/2007 Dernière mise à jour le 31/10/2007 à 18:59 TU

Audio

Mahamat Hissene

Directeur de cabinet du président tchadien Idriss Deby

«Pour comprendre la colère du president Deby, il faut se mettre dans le contexte africain où l'adoption n'existe pas.»

[31/10/2007]

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