Article publié le 07/12/2007 Dernière mise à jour le 08/12/2007 à 18:25 TU
Des protestataires portant des masques aux effigies des présidents français, allemand, zimbabwéen et soudanais, à Lisbonne, ce vendredi 7 décembre.
(Photo : Reuters)
De notre correspondante à Bruxelles, Anne-Marie Mouradian
Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a donné le ton en qualifiant les APE d’inacceptables et en déclarant que son pays ne les signera pas. Les signer reviendrait, selon lui, à « consacrer et accentuer un déséquilibre de fait et à livrer totalement les marchés africains aux produits européens subventionnés ». En revanche, la Côte d’Ivoire vient d’accepter, le 7 décembre, de conclure un accord économique avec l’Europe « pour préserver ses intérêts majeurs ». Les APE qui doivent promouvoir l’intégration régionale en Afrique, semblent pour le moment du moins, plutôt porteurs de zizanie.
Alors que l’Europe a ouvert sans réciprocité, depuis plus de trente ans, son marché à la presque totalité des produits des pays ACP (Afrique - Caraïbes - Pacifique), la dérogation de l’Organisation mondiale du commerce qui autorise ce système préférentiel vient à expiration le 1er janvier prochain. Pour être compatibles avec l’OMC, les APE prévoient l’ouverture progressive, sur une période de 15 à 20 ans, des marchés ACP à 80% des produits européens.
Devant la résistance de ses partenaires, l’Europe a promis des aides financières substantielles pour accompagner la libéralisation et améliorer leur compétitivité. Elle a aussi mis de l’eau dans son vin en proposant une approche en deux étapes : la conclusion d’accords partiels, portant sur les seules marchandises, d’ici le 31 décembre, et la poursuite des négociations en vue d’accords complets en 2008.
Sa proposition a provoqué de profondes divisions au sein même des quatre régions africaines sensées signer des accords par bloc. Car tous les membres d’une même région ne sont pas logés à la même enseigne. Les pays les moins avancés (PMA) comme le Sénégal, auraient moins à perdre à ne pas signer car ils continueront à bénéficier de l'initiative « Tout sauf les armes » qui leur garantit un libre accès au marché européen. En revanche, Bruxelles serait obligé d'imposer des droits de douane sur les exportations des pays à revenus intermédiaires qui n’auront pas signé d’APE d’ici la fin de l’année. Pourtant, certains Etats de l’UE, à commencer par les Pays-Bas, estiment qu’aucun pays ACP ne devrait voir sa situation se détériorer après le 1er janvier 2008. La Commission européenne leur reproche de donner de faux espoirs.
A 3 semaines de l’échéance, une minorité de signataires
Quatre pays d’Afrique australe (Botswana, Lesotho, Swaziland, Mozambique) et cinq pays d’Afrique orientale (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Rwanda et Burundi) ont été les premiers à conclure des APE. L’Afrique du Sud rechigne et le Nigeria refuse catégoriquement. Faute de pouvoir signer avec des régions entières, l’UE cherche aujourd’hui à obtenir un maximum d’accords avec des pays séparés, dans l’espoir d’un effet « boule de neige ». C’est le cas en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale où la CEDEAO et la CEMAC jugent prématuré de conclure un APE cette année.
Bruxelles avait mis la pression sur la Côte d’Ivoire, pays à revenus intermédiaires et grand exportateur de cacao, en évaluant à 700 millions d’euros par an, le montant des taxes qu’Abidjan aurait dû payer sur ses exportations vers l’UE à partir de l’an prochain, en l’absence d’accord. Les efforts européens ont porté leurs fruits. La signature d’un APE intérimaire séparé par la Côte d’Ivoire a suscité les critiques de ses voisins qui lui reprochent de briser la solidarité régionale. D’autres pays de la région pourraient suivre l’exemple d’Abidjan.