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Pakistan

Pervez Musharraf cherche à calmer le jeu

Article publié le 02/01/2008 Dernière mise à jour le 03/01/2008 à 04:03 TU

Le président pakistanais Pervez Musharraf lors de son discours à la nation ce mercredi à Islamabad.(Photo : Reuters)

Le président pakistanais Pervez Musharraf lors de son discours à la nation ce mercredi à Islamabad.
(Photo : Reuters)

Dans un discours à la Nation, le président Musharraf a affirmé que l'ex-Premier ministre Benazir Bhutto avait été « tuée par des terroristes » et annoncé qu'il avait sollicité l'aide de la Grande-Bretagne, dont une équipe d'experts en médecine légale de Scotland Yard devrait arriver à la fin de la semaine prochaine. Selon Washington, une enquête des Nations unies sur l'assassinat de l'ex-Premier ministre n'est pas nécessaire car l'équipe des enquêteurs britanniques de Scotland Yard va « diriger » l'enquête pakistanaise.

A Islamabad, Nadia Blétry et Eric de Lavarène

Une semaine après la mort de la politicienne, le calme semble revenu au Pakistan. Un calme que certains jugent pourtant relatif : « c'est vrai que la situation se calme petit à petit, mais c'est encore assez tendu et il suffirait d'une étincelle pour remettre le feu aux poudres. D'ailleurs on a tous eu peur que l'annonce du report des législatives par la Commission électorale soit le prétexte à une nouvelle flambée de violence », explique une dirigeante d'entreprise installée à Islamabad, avant d'ajouter : « mais visiblement les choses devraient rentrer dans l'ordre ». Des craintes justifiées par une semaine d'émeutes, qui ont coûté la vie à près de 60 personnes et fait des dizaines de blessés, à la suite de l'assassinat de Benazir Bhutto. Pourtant les partis de l'opposition, le PPP en tête, ont donné des signes d'apaisement en annonçant, à contrecœur, qu'ils participeraient aux élections prévues pour le 18 février prochain, soit un mois et demi après la date initialement fixée.

Ce qui n'empêche pas la colère de gronder, un peu partout dans le pays. Et particulièrement dans les quartiers pauvres de Karachi où les morts ont été nombreux la semaine dernière. « On va devoir accepter des règles du jeu truquées. Le pouvoir a encore une fois bien manœuvré. Il n'y a plus d'obstacle, plus de justice. La mohatma Bhutto est morte. Et maintenant les élections sont repoussées. On a finalement tout perdu », affirme Ali Khan, chauffeur dans la grande mégalopole du sud du pays. Même écho pour le docteur Soheil qui ne vient pourtant pas de la région natale de la politicienne exécutée. « Le report des législatives, c'est une plaisanterie, le gouvernement a dit que ce n'était pas possible d'organiser le scrutin pour des raisons de sécurité. Mais le véritable motif n'est pas celui-là : les autorités jouent la montre, elles veulent que l'émotion retombe et redoutent l'élan de sympathie dont bénéficie le PPP depuis l'assassinat de sa dirigeante ».

Pervez Musharraf tente de donner des gages de sa bonne volonté

De son côté le gouvernement tente de négocier une sortie de crise. « Le temps de la réconciliation politique est venu, ce n'est  plus l'heure des conflits », a affirmé, mercredi soir, le président Pervez Musharraf, dans un discours télévisé très attendu : le premier depuis l'assassinat de Benazir Bhutto. Le chef de l'Etat a annoncé qu'une équipe de Scotland Yard allait arriver très rapidement de Londres à Islamabad pour épauler la police pakistanaise dans son enquête sur les conditions de la mort de la politicienne, « pour lever tous les doutes », a-t-il ajouté. Des doutes qui déstabilisent le pouvoir en place depuis une semaine. Pour les plus modérés, les autorités d'Islamabad n'auraient pas accordé une pleine sécurité à Benazir Bhutto. Pour les plus radicaux, le gouvernement serait impliqué dans le meurtre de celle qu'on appelle encore ici la fille du pays. Ces derniers avancent pour preuve la liste de noms remise par Mme Bhutto elle-même au président, quelques jours avant son retour au Pakistan, le 18 octobre dernier. Elle indiquait que si elle était assassinée, les investigations devraient être menées du côté du pouvoir en place. 

Pour sa part, le président s'est dit persuadé que les assassins de Benazir Bhutto étaient des militants extrémistes proches des réseaux al-Qaïda. Il a par ailleurs réaffirmé son engagement dans la lutte contre le terrorisme et expliqué à quel point son combat était proche de celui de la politicienne. Il s'est insurgé contre l'instrumentalisation de cette tragédie par « certains éléments » pour le déstabiliser. La crise politique attisée par la mort de la principale figure de l'opposition ne s'est pas refermée pour autant mais. Pervez Musharraf tente de donner à l'intérieur comme à l'extérieur du pays des gages de sa bonne volonté. Tout en rappelant que le gouvernement ne tolèrera aucun débordement.

Faire tomber l'émotion pour pouvoir organiser des élections libres et équitables, c'est donc la volonté affichée d'un gouvernement de plus en plus contesté par la rue. Pourtant beaucoup, encore endeuillés, estiment que les six semaines de report des élections ne suffiront pas à faire oublier une « perte historique ». Benazir Bhutto est morte, mais elle reste malgré tout très présente dans l'esprit des Pakistanais. Comme le souligne l'intellectuel Pir Zubair Shah : « Benazir Bhutto est morte mais ce qu'elle représente symboliquement est toujours en vie. Et vous verrez, report ou non des élections, nous voterons tous pour Benazir ».

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