Article publié le 06/01/2008 Dernière mise à jour le 07/01/2008 à 14:25 TU
L'ancien président libérien Charles Taylor, devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
(Photo : AFP)
De notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas
L’audition du premier témoin, Ian Smillie, devrait donner la couleur du procès intenté contre l’ancien président du Liberia Charles Taylor : celle des diamants de sang. Expert canadien, spécialiste de l’industrie du diamant en Afrique, Ian Smillie est en tête d’une liste de 144 témoins qui déposeront dans un procès qui devrait s’étendre jusqu’à fin 2009. Premier président africain à répondre de ses crimes devant des juges internationaux, Charles Taylor est accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour assassinats, violences sexuelles, traitements cruels, enlèvements, travail forcé et pillages, commis durant la guerre civile qui avait ravagé la Sierra Leone de 1991 à 2002.
« Charles Taylor affiche un visage de marbre dans le box des accusés. Assis dans un coin de la salle, derrière ses avocats, il écoute. Visiblement concentré, il prend des notes. »
Le procès de Charles Taylor sera complexe. Le procureur devra prouver la responsabilité du président libérien dans une guerre conduite hors de ses frontières, au Sierra Leone voisin, par les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) auquel il s’était allié pour « déstabiliser le pouvoir » et « s’emparer des richesses diamantifères du pays », selon son acte d’accusation.
Des repentis à la barre des témoins
Parmi les 144 témoins convoqués, le parquet a annoncé l’audition de 59 d’entre eux, dont des hommes de l’intérieur de la machine Taylor, aujourd’hui repentis, pour prouver les liens entre Charles Taylor et les rebelles du RUF, avec lesquels il s’était allié dans les camps d’entraînement de Libye de Mouammar Kadhafi, dans les années 80. Par ailleurs, huit experts déposeront ainsi que 77 victimes directes des crimes de Sierra Léone.
La défense de Charles Taylor présentera ensuite ses propres témoins. Son équipe a déjà emporté une première victoire, tactique. Le procès s’était ouvert le 4 juin 2007, mais avait dû être reporté : Charles Taylor protestait contre les moyens qui lui étaient alloués. Depuis, l’ancien président libérien dispose d’une équipe d’avocats chevronnés à La Haye, où le procès a été délocalisé à la demande du Liberia qui craignait des risques de déstabilisation dans toute l’Afrique de l’Ouest. Ses avocats ont demandé le gel de deux résolutions des Nations unies qui imposent des restrictions de circulation et le gel des avoirs des comparses de Charles Taylor, mais ont pour l’instant été déboutés. Les juges ont en revanche refusé au parquet de s’emparer des archives personnelles de Charles Taylor, dont l’existence avait été révélée par son avocat, le britannique Courtenay Griffith. Il évoquait notamment « une lettre de l’ancien président Jimmy Carter à l’accusé », et sans se prononcer plus avant, donnait déjà la couleur : Charles Taylor est engagé dans un procès politique.
La bataille procédurale qui débute s’annonce donc rude. En démarrant son enquête, en 2002, le procureur voulait s’attaquer aux liens entre le commerce du diamant et le terrorisme. Faute de moyens, il a dû revoir ses ambitions à la baisse. Mais néanmoins, le procès pourrait apporter bien des révélations, tant du côté de la défense que de l’accusation, sur le sinistre commerce des diamants et ses ramifications internationales.
« Pour Stéphanie, Taylor doit être jugé et s'il est déclaré coupable qu'il ait ce qu'il mérite. Ce procès va permettre de lui faire comprendre que ce qu'il a fait est mal. »
Spécialiste des questions de justice internationale à l'organisation Human Rights Watch
Ce procès est un test pour la justice internationale. C'est une chance de montrer qu'elle peut faire ce type de procès pour d'anciens chefs d'Etat, dans des délais raisonnables et de façon efficace.
07/01/2008 par Sarah Tisseyre