Article publié le 26/01/2008 Dernière mise à jour le 26/01/2008 à 09:19 TU
Face à face tendu entre policiers égyptiens et Gazaouis au point de passage de Salah Eddine.
(Photo : Catherine Monnet/RFI)
De notre envoyé spécial à Rafah, Karim Lebhour
Matraques électriques contre kalachnikovs. Alors qu’ils tentent de refermer les brèches ouvertes dans la frontière avec la bande de Gaza, les soldats anti-émeutes égyptiens reculent sous les jets de pierres d’une foule palestinienne en colère, déterminée à ne pas se laisser enfermer de nouveau dans la « prison » de Gaza. La confrontation est brève mais violente. Des coups de feu claquent. Les chiens policiers égyptiens, visés par des activistes palestiniens, tombent un à un sous le regard apeuré de leurs maîtres. Les militaires répondent par des canons à eau et quelques tirs de semonce, en l’air, pour faire reculer la foule. Puis un bulldozer, conduit par des hommes masqués de la branche armée du Hamas, s’avance et ouvre une nouvelle trouée dans la rangée de barbelés, par laquelle s’engouffrent immédiatement des dizaines de personnes.
Visiblement débordés, les Egyptiens laissent faire. L’annonce, faite un peu plus tôt par haut-parleur, selon laquelle les passages entre la bande de Gaza et l’Egypte seront fermés dans la journée restera lettre morte. « Les passages ne doivent pas être fermés car ils permettent de fournir une aide d’urgence aux Palestiniens », justifie Sami Abou Zouhri, le porte-parole du Hamas. Le mouvement islamiste entend maintenir ouverte cette brèche dans le blocus de Gaza tant qu’une solution politique pour rouvrir le terminal de Rafah, fermé depuis juin 2006, n’aura pas été trouvé.
Des escabeaux contre une petite pièce
Pour la troisième journée consécutive, des dizaines de milliers de Palestiniens ont donc enjambé la frontière pour venir s’approvisionner dans la partie égyptienne de Rafah. L’improvisation des premiers jours a laissé la place à une certaine organisation. Des « passeurs » proposent des escabeaux contre une petite pièce pour faciliter le passage d’un muret de la hauteur d’un homme, dernier obstacle avant de fouler le sol égyptien. Des camions équipés de grues chargent et déchargent des palettes entières de marchandises acheminées par une file interminable de véhicules. « Nous avons entendu qu’ils allaient fermer la frontière, alors nous sommes venu voir si on pouvait trouver des appareils électroménagers », explique Ahmed, accompagné de sa femme et de ces quatre enfants. « S’ils ferment cette frontière, où va-t-on aller ? Rafah, c’est la porte de la bande de Gaza. Le blocus a déjà trop duré », s’inquiète-t-il.
Un homme se faufile dans la foule, en poussant une moto rutilante de marque chinoise « J’ai toujours rêvé d’avoir une moto. Celle-ci, je l’ai eu pour mille dollars », lance-t-il fièrement. Un peu plus loin, une jeune femme fait le chemin inverse, ses valises à la main, pour quitter la bande de Gaza. « Je ne veux pas rester ici. J’ai un passeport égyptien. Si Dieu le veut, je vais pouvoir rester avec ma mère qui vit au Caire », explique-t-elle en pressant le pas. Comme elle, de nombreux Palestiniens, porteurs d’un passeport étranger, sont restés bloqués à Gaza en raison de la fermeture des points de passage et profitent de l’occasion pour partir.
Situation embarrassante pour l’Egypte
Le président Hosni Moubarak rejette la responsabilité sur Israël et lui demande de « lever le siège ».
(Photo : AFP)
Pour l’Egypte, la situation à Rafah est délicate. Le Caire ne peut laisser sa frontière sans contrôle, mais le recours à la force contre des Palestiniens soumis à un blocus sévère de la part d’Israël pourrait s’avérer désastreux pour le pouvoir égyptien. Dans un entretien publié vendredi par l'hebdomadaire Al-Osboue, le président Hosni Moubarak a rejeté la responsabilité sur Israël, qualifiant d' « inacceptable » la situation dans la bande de Gaza et appelant l’Etat hébreu à « lever le siège » et à « régler le problème (…) conformément aux précédents accords » qui régissaient l’ouverture du terminal de Rafah.
Le président palestinien, Mahmoud Abbas, propose de son côté de prendre en charge le contrôle des frontières de Gaza. Cette offre sera discutée lors d’une rencontre dimanche avec le Premier ministre israélien Ehud Olmert. Sans solution politique, la brèche ouverte dans le blocus sera difficile à colmater. « Il n’y a rien à Gaza ! s’emporte un homme d’âge mûr rencontré prés de la frontière. Tous les ouvriers qui travaillaient dans les usines sont au chômage. S’ils ferment ce passage et qu’ils ne rouvrent pas le terminal de Rafah, c’est sûr, nous ferons tomber le mur une deuxième fois ».
« Officiellement, tout n'est que révolte populaire. Dans les faits, des hommes armés de fusils font soudainement leur apparition. Ce sont des membres des brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas. »
26/01/2008 par Catherine Monnet
25/01/2008 à 19:18 TU