par Paul Khalifeh
Article publié le 14/02/2008 Dernière mise à jour le 14/02/2008 à 18:15 TU
Des milliers de personnes commémorent le 3ème anniversaire de l'assassinat de Rafic Hariri, à Beyrouth, le 14 février 2008.
(Photo : AFP)
La partie méridionale, où se trouvent des centaines de tentes installées par l’opposition depuis le 1er décembre 2006, était déserte. Entre les deux places, symboles de la division du Liban, des fils barbelés électrifiés et des unités d’élite de l’armée empêchent tout contact entre les deux camps.
Une douzaine de personnalités du mouvement du 14-Mars se sont succédé à la tribune pour fustiger la Syrie, l’Iran et l’opposition. Mais c’est le leader sunnite Saad Hariri et le chef druze Walid Joumblatt, qui ont été les plus applaudis par la foule. Le discours de M. Joumblatt était virulent. Il s’en est pris au président Bachar al-Assad qu’il a qualifié de «mafieux criminel» et a condamné l’«axe syro-iranien et ses instruments locaux (l’opposition) adeptes d’une culture obscurantiste». Il a dénoncé les tentatives de la Syrie de rétablir sa tutelle sur le Liban, réaffirmant son refus d’accorder à l’opposition une minorité de blocage au sein d’un futur gouvernement, car cela «porterait le coup de grâce à l’indépendance du Liban».
Saad Hariri, lui, était moins violent. Tout en accusant l’opposition de torpiller l’élection d’un nouveau président de la République, il a tendu la main «aux partenaires dans la patrie pour sortir le pays de la crise». «Nous voulons un président et nous vous assurons que nous aurons un président», a-t-il lancé à la foule. Il a ajouté qu’«un sommet arabe (le prochain doit être organisé à Damas fin mars) sans président libanais n’a aucun sens».
Malgré quatorze séances au Parlement, la majorité et l’opposition n’arrivent toujours pas à s’entendre sur l’élection du commandant en chef de l’Armée, le général Michel Sleimane, pourtant considéré comme un candidat consensuel. Les divergences portent sur l’après-élection, notamment sur la composition du gouvernement, la répartition des portefeuilles et l’identité du prochain Premier ministre.
Les menaces de Nasrallah
Grand rassemblement pour les funérailles du chef militaire du Hezbollah, Imad Moughnieh, à Beyrouth, le 14 février 2008.
(Photo : AFP)
Le meeting du 14-Mars n’était pas encore terminé que des milliers de personnes étaient déjà rassemblées dans la banlieue sud de Beyrouth pour participer aux funérailles du chef militaire du Hezbollah, Imad Moughnieh, tué mardi soir dans l’explosion de sa voiture, à Damas. Les obsèques se sont déroulées en présence du chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, de nombreux dignitaires du parti et de responsables de l’opposition, dans un complexe, bondé, pouvant contenir jusqu'à 20 000 personnes. Des milliers d’autres étaient massées à l’extérieur. Le ministre Mottaki a lu un message du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui a dénoncé les «opérations criminelles d'Israël». Il a ensuite cédé la parole à Hassan Nasrallah qui a prononcé, d’un lieu tenu secret, un de ses plus violents discours, retransmis sur un écran géant.
Visiblement très affecté par la mort de Moughnieh, le chef du Hezbollah a juré que son sang, versé à Damas, pavera la voie «à la disparition de l’Etat d’Israël». «Avant de mourir, Imad avait terminé la réorganisation de la structure militaire (du Hezbollah). Il avait commencé son travail au lendemain de la fin de la guerre, le 14 août 2006. Le rapport (de la commission) Winograd affirme que quelques milliers de combattants seulement ont réussi à résister pendant des semaines à la plus forte armée du Moyen-Orient. Aujourd’hui, Imad Moughnieh laisse derrière lui des dizaines de milliers de jeunes, entraînés et prêts au martyre», a révélé Hassan Nasrallah.
De même que l’assassinat de son ancien secrétaire général, en 1992, a renforcé le Hezbollah, la mort de Imad Moughnieh ne fera que décupler ses capacités, a ajouté Hassan Nasrallah avant de poursuivre: «La guerre de l’été 2006 se poursuit sur les plans politiques et médiatiques, avec le soutien apporté à Israël par les mêmes Etats. Mais l’assassinat de Imad Moughnieh, en dehors des frontières du Liban, change les règles du jeu. Jusqu’à présent, nous estimions que la confrontation avait pour théâtre le Liban. Si les Israéliens veulent une guerre ouverte, nous sommes prêts à relever le défi». Une allusion on ne peut plus clair que la riposte du Hezbollah à l’assassinat de son chef militaire pourrait avoir lieu n’importe où dans le monde.
S’adressant à ses adversaires locaux, Hassan Nasrallah a répondu par une main tendue à l’appel au dialogue lancé par Saad Hariri, quelques heures plus tôt. Mais il a assuré qu’il ne permettra «jamais» que le Liban tombe dans le giron d’Israël ou des Etats-Unis. Répondant, sans le citer, à Walid Joumblatt, qui avait réclamé, mardi, un «divorce à l’amiable avec le Hezbollah» car il «ne peut plus vivre avec lui», Hassan Nasrallah a dit sur un ton énervé: «Que celui qui ne veut plus vivre avec nous quitte le foyer et aille rejoindre ses maîtres à Washington et Tel-Aviv. Il n’y a aura jamais de démembrement ou de fédération au Liban».
Alors que les foules se dispersaient sans incident, les propos belliqueux des uns et des autres résonnaient toujours dans la ville déserte… l’ambiance est lourde à Beyrouth.
14/02/2008 à 13:57 TU