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Liban

L’armée prise au piège de la crise politique

par Frédérique Misslin

Article publié le 06/02/2008 Dernière mise à jour le 06/02/2008 à 20:11 TU

L'armée libanaise encadrant la manifestation du 27 janvier 2008, dans la banlieue sud de Beyrouth.(Photo : AFP)

L'armée libanaise encadrant la manifestation du 27 janvier 2008, dans la banlieue sud de Beyrouth.
(Photo : AFP)

Les militaires peuvent-ils encore être considérés comme la planche de salut du Liban, le rempart de l’unité nationale dans un pays divisé ? L’armée libanaise ne fait plus l’unanimité depuis qu’elle a été impliquée dans la répression sanglante des manifestations du 27 janvier dernier. Sa neutralité est remise en cause notamment par l’opposition. Par ricochet, la candidature à la présidence du Général Sleimane semble susciter de plus en plus de réserves. Le leader chrétien Michel Aoun et le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pourraient annoncer ce mercredi soir au cours d’une interview commune, qu’ils retirent leur soutien au chef de l’armée.

Depuis deux mois l’institution militaire libanaise semble au cœur de la tourmente. Cible directe des derniers attentats qui ont touché Beyrouth, l’armée essuie également depuis une dizaine de jours le feu des critiques quant à sa partialité. Le premier coup de semonce a été tiré début décembre lorsque le Général François El Hajj a été assassiné. Ce haut gradé était pressenti pour remplacer Michel Sleimane à la tête de l’état-major dans le cas où ce dernier accèderait à la magistrature suprême. Un mois et demi plus tard, c’est le capitaine Wissem Eid, responsable des services de renseignement militaire qui était visé par un attentat. Ebranlée, l’institution doit aujourd’hui gérer les conséquences des récentes violences de Chiyah-Mar Mikhaël.

Dimanche noir

Le 27 janvier dernier, les manifestations, qui se sont déroulées dans la banlieue sud de la capitale libanaise, contre les coupures d’électricité ont dégénéré en bain de sang. Sept personnes ont été tuées par balles. Toutes les victimes étaient chiites, proches des mouvements Amal et Hezbollah, les deux partis piliers de l’opposition libanaise. Un camp qui n’a pas tardé à réclamer des comptes en accusant les militaires d’avoir au mieux perdu leur sang froid au pire d’être directement responsables de la fusillade. Une enquête judiciaire a été immédiatement ouverte pour définir les responsabilités de chacun et calmer la colère de la rue.

Pour l’instant, onze militaires et six civils ont été arrêtés. Une commission militaire a par ailleurs été formée afin de déterminer la manière avec laquelle l’armée a réagi face aux émeutiers. Quels que soient les résultats des investigations, l’institution militaire semble aujourd’hui piégée, entraînée dans la crise politique. Si l’armée est responsable des violences et qu’elle l’admet : sera-t-elle perçue comme alliée de la majorité ou sortira-t-elle grandie car capable d’assumer ses erreurs ? Si l’institution militaire affirme : « ce n’est pas nous » mais sans donner le nom des coupables on l’accusera de vouloir protéger les responsables. Prise entre l’enclume et le marteau, l’armée voit dans tous les cas sa réputation de neutralité mise à mal. Elle semble forcée depuis un an à jouer un rôle politique.

Un militaire diplomate

Jusqu’à présent son chef, le Général Sleimane, avait réussi un tour de force : rester au dessus de la mêlée politique libanaise. Michel Sleimane tente aujourd’hui de garder la tête froide et de rester « le seul candidat de consensus ». Immédiatement après les émeutes de Chiyah, il s’est rendu en personne auprès du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour lui présenter ses condoléances. Il a promis que l’enquête sur les évènements du 27 janvier serait rapide et transparente. Le mouvement chiite est soutenu par l’Iran et la Syrie. Par tradition, il considère l’armée libanaise comme une alliée dans son combat contre Israël, mais ce crédit a été entamé.

Dans le camp Hariri, à la veille du retour à Beyrouth du secrétaire général de Ligue arabe, Amr Moussa, la majorité affiche sa solidarité avec l’armée et son chef. Mais cet assaut de fraternité pourrait bien desservir le Général Sleimane qui a basé sa réputation sur sa neutralité. Il était jusqu’à présent le seul candidat agréé par tous. Le Hezbollah va-t-il maintenir sa confiance au général ? Le mystère devrait être levé ce soir puisque les deux leaders de l’opposition, Michel Aoun et Hassan Nasrallah doivent, fait rare, donner une interview télévisée commune.

Au Liban le fauteuil du Président de la République est vacant depuis le mois de novembre 2007. L’accession du Général Sleimane à la magistrature suprême a été retardée ces dernières semaines en raison du désaccord entre la majorité pro-occidentale et l’opposition sur la composition d’un futur gouvernement d’union nationale.

Dans le cadre du plan de sortie de crise proposé par la Ligue arabe, le Parlement libanais doit se réunir le 11 février pour élire officiellement Michel Sleimane à la tête de l’Etat mais cette séance pourrait être à nouveau reportée, pour la 14e fois.