Article publié le 15/02/2008 Dernière mise à jour le 15/02/2008 à 15:47 TU
De notre correspondant dans les Balkans, Jean-Arnault Dérens
Deux pays ont une position parfaitement établie : la Serbie ne reconnaîtra pas la « sécession » du Kosovo, tandis que l’Albanie, au contraire, sera parmi les premiers à reconnaître l’indépendance du « pays frère ». La Macédoine, où vivent quelque 500 000 Albanais, soit le quart de la population du pays, pourrait rapidement emboîter le pas. Pour les dirigeants macédoniens, il s’agit d’un calcul dicté par le réalisme. Le VMRO-DPMNE de Nikola Gruevski dirige le pays en coalition avec le Parti démocratique des Albanais (PDSH), et ne peut pas prendre le risque de heurter de front ses partenaires. De surcroît, la Macédoine craint toujours la réapparition d’une guérilla albanaise : en 2001, les combats avaient failli emporter le pays.
Pour Skopje, l’option du statu quo était la pire, car les militants albanais auraient pu choisir de porter à nouveau le feu dans le pays, pour essayer de « débloquer » la situation au Kosovo. Dimanche soir, les Albanais de Macédoine fêteront l’indépendance du Kosovo, mais les Macédoniens espèrent que les tentations irrédentistes ne se feront pas immédiatement sentir. Si Belgrade applique, comme prévu, un embargo contre le Kosovo, l’essentiel des approvisionnements du pays passeront par la Macédoine, une bonne affaire pour l’économie du pays.
Les Albanais du Monténégro et de la Vallée de Presevo, dans le sud de la Serbie, fêteront également la naissance du nouvel État mais les célébrations risquent d’être étroitement surveillées par les forces de sécurité. On peut craindre des dérapages et des provocations dans la Vallée de Presevo, qui jouxte le Kosovo et où l’armée serbe a considérablement renforcé son dispositif ces dernières semaines.
Les communautés serbes seront observées
Au Monténégro, les dirigeants restent très discrets sur la question du Kosovo depuis quelques semaines. Milo Djukanovic, qui redevient Premier ministre de la petite République indépendante depuis juin 2006, serait tenté de reconnaître l’indépendance, mais il ne veut pas prendre le risque d’un affrontement direct avec l’importante communauté serbe du pays (30% de la population totale). Dans un « scénario du pire » parfois évoqué, les Serbes du Nord du Monténégro pourraient prendre prétexte de l’indépendance du Kosovo pour réclamer leur droit à la sécession et au rattachement avec la Serbie.
La Bosnie-Herzégovine est, bien sûr, le pays le plus directement menacé par l’effet de précédent qu’aura l’indépendance du Kosovo, que le pays exclut de reconnaître rapidement. Les dirigeants de la Republika Srpska, « l’entité serbe » de Bosnie, revendiquent déjà depuis longtemps leur droit à l’autodétermination. Un effet domino immédiat – l’indépendance du Kosovo entraînant celle de la Republika Srpska, et donc l’éclatement de la Bosnie – ne semble pas à l’ordre du jour. Cependant, plusieurs organisations appellent à des manifestations pour l’indépendance de la Republika Srpska dès dimanche : des organisations étudiantes de Banja Luka, la capitale de l’entité, ont déjà lancé des appels en ce sens, et le Parlement de Republika Srpska devrait rapidement se réunir en séance exceptionnelle.
Les risques de déstabilisation et de crise régionale dépendront bien sûr du cours des événements au Kosovo même : si la proclamation d’indépendance s’accompagne de violences dans les zones serbes, on peut craindre des dérapages « parallèles » dans la Vallée de Presevo, ainsi que des réactions beaucoup plus dures, à Belgrade aussi bien qu’à Banja Luka.