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Allemagne

Une fraude fiscale en milliards d’euros

par Myriam Berber

Article publié le 18/02/2008 Dernière mise à jour le 18/02/2008 à 16:24 TU

En Allemagne, le patron de la Deutsche Post, Klaus Zumwinkel a démissionné de son poste à la suite de son implication dans une vaste affaire de fraude fiscale. (Photo : Reuters)

En Allemagne, le patron de la Deutsche Post, Klaus Zumwinkel a démissionné de son poste à la suite de son implication dans une vaste affaire de fraude fiscale.
(Photo : Reuters)

L’Allemagne fait face à un scandale de fraude fiscale sans précédent. La justice a annoncé enquêter sur plusieurs centaines de personnes suspectées d’évasion fiscale. Elles sont soupçonnées d’avoir fraudé le fisc via un système de fondations liées à la banque Liechtenstein Global Trust (LGT), propriété de la famille princière. La principauté du Liechtenstein, paradis fiscal qualifié de « non coopératif » par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) est au cœur du scandale.

En Allemagne, l’opinion est sous le choc. La justice soupçonne plusieurs centaines de riches contribuables d’avoir cherché à échapper au fisc via des fondations établies au Liechtenstein, paradis fiscal entre la Suisse et l’Autriche. Le montant de la fraude pourrait atteindre 3 à 4 milliards d’euros. L’affaire a un parfum de scandale, car elle met en cause des personnalités-clés du pays. Premier suspect à être épinglé dans cette affaire, le puissant patron de la Poste allemande (Deutsche Post). Klaus Zumwinke a présenté, vendredi 15 février 2008, sa démission au lendemain d’une perquisition à son domicile et son bureau.

Le Conseil de surveillance de la Deutsche Post a accepté, lundi 18 février 2008, sa démission. Le doyen des patrons du DAX (l’équivalent allemand du CAC 40), a avoué avoir fraudé. Un million d’euros aurait été soustrait aux impôts via une fondation créée au Liechtenstein. Son cas n’est pas isolé. Des dirigeants d’entreprise de taille moyenne et des personnalités régionales figurent parmi les suspects. Dans les prochains jours, selon la presse allemande, environ 125 procédures d’enquête doivent être lancées. Il est aussi question de 900 mandats de perquisition prêts à être exécutés à Cologne et Dusseldorf.

Un gain de centaines de millions pour le fisc

L’affaire est parvenue à la justice via les services secrets (BND) qui ont acheté pour 5 millions d’euros les données bancaires proposées par un mystérieux informateur, selon des informations révélées par l’hebdomadaire Der Spiegel, et partiellement confirmées par le gouvernement. Le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, a donné son accord au versement de cette somme considérable, car le retour sur investissement pourrait se compter en centaines de millions pour le fisc.

Montrée du doigt, la banque Liechtenstein Global Trust (LGT), propriété de la maison princière du Liechtenstein, a reconnu samedi que les données bancaires en possession des autorités allemandes provenaient d’une liste confidentielle lui ayant été dérobé en 2002, par un employé. L’établissement financier a indiqué qu’il allait prévenir tous ses clients sur la liste. De son côté, le ministère des Finances a conseillé aux personnes concernées de se dénoncer. La législation fiscale allemande prévoit en effet une procédure d’autodénonciation qui permet d’échapper à une condamnation pénale, mais pas au remboursement de l’argent, majoré d’intérêts et d’une amende.

Le Liechtenstein sur la sellette

Avec ce scandale, le mur du secret bancaire s’est brusquement fissuré. La Liechtenstein Global Trust (LGT), propriété de la famille princière, concentrerait la plupart des opérations d’évasion fiscale dénoncées par les autorités allemandes. Depuis des années, l’Allemagne cherche à contourner le secret bancaire du Liechtenstein, considéré comme un paradis fiscal « non coopératif » par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), au même titre que Monaco et Andorre. En 1999, l’affaire des caisses noires du parti conservateur CDU (Union chrétienne-démocrate) incrimine des comptes au Liechtenstein. En 2000, les deux pays connaissent une nouvelle période de frictions quand les services secrets allemands (BND) rendent publique une étude controversée sur le système du blanchiment d'argent via des banques de la principauté.

Pour l’heure, le petit paradis fiscal alpin affiche sa sérénité. Pourtant, sa réputation de confidentialité vient de voler en éclats. Le Premier ministre du Liechtenstein, Otmar Hasler, doit rencontrer mercredi à Berlin la chancelière allemande Angela Merkel et son ministre des Finances pour évoquer ce dossier. En Allemagne, les responsables politiques veulent faire de cette affaire un exemple pour renforcer la législation sur la fraude fiscale dans le pays. Plusieurs partis tentent de rebondir sur ce scandale, alors qu'un scrutin régional très attendu est prévu dimanche à Hambourg, dans le nord du pays. Les sociaux-démocrates ont appelé lundi à la sévérité en cas de fraude fiscale grave, exigeant des peines de prison plutôt que des amendes. Un discours partagé par la CDU et la gauche.