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Kosovo

L'unité européenne à l'épreuve

par Piotr Moszynski

Article publié le 18/02/2008 Dernière mise à jour le 19/02/2008 à 02:37 TU

Le chef de la diplomatie européenne Javier Solana (g) et le ministre slovène des Affaires étrangères Dimitrij Rupel (c) s'adressent à la presse à Bruxelles le 18 février.(Photo : Reuters)

Le chef de la diplomatie européenne Javier Solana (g) et le ministre slovène des Affaires étrangères Dimitrij Rupel (c) s'adressent à la presse à Bruxelles le 18 février.
(Photo : Reuters)

Le Premier ministre kosovar Hashim Thaçi a annoncé lundi avoir officiellement envoyé une demande de « reconnaissance » de l'indépendance du Kosovo à « tous les gouvernements du monde ». L’étendue et la rapidité de cette reconnaissance dépendra en grande mesure de l’unité et de l’efficacité des pays de l’Union européenne. Leurs ministres des Affaires étrangères ont publié lundi une déclaration commune.

La présidence slovène de l’UE se veut optimiste. « Ce que je comprends, c'est que beaucoup d'Etats membres vont reconnaître » la naissance du nouvel Etat des Balkans, a déclaré le ministre slovène des Affaires étrangères, Dimitrij Rupel. Mais « beaucoup » ne veut pas dire « tous » et « vite ». En effet, malgré la déclaration commune adoptée ce lundi par les ministres des Affaires étrangères de l’Union, les attitudes des pays membres divergent beaucoup. Six d’entre eux ont déjà clairement prévenu qu’ils ne voulaient pas reconnaître le Kosovo. Les raisons en sont diverses, mais touchent principalement aux problèmes particuliers de séparatismes locaux.

Minorités et religions

Les Espagnols – qui se sont montrés très difficiles sur le contenu de la déclaration commune sur le Kosovo – craignent de donner un prétexte à l’ouverture d’un débat sur la souveraineté hypothétique du pays Basque et de la Catalogne à trois semaines des élections législatives. Officiellement, le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, évoque le non-respect du « droit international ». Il est certain que Madrid ne bougera pas sur ce point au moins jusqu’aux législatives.

Les Chypriotes s’opposent à l’indépendance du Kosovo car ils sont confrontés au séparatisme de Chypre du Nord. Toutefois, leur ministre se montre plus discret que prévu, peut-être à cause de l’élimination dimanche, au premier tour de l’élection présidentielle, du chef de l’Etat sortant, Tassos Papadopoulos, tenant d’une ligne dure sur le dossier de la division de l’île.

La Slovaquie est prudente sur le Kosovo pour ne pas raviver le débat interne sur sa minorité hongroise (10% de la population totale). La Roumanie, qui compte, elle, une minorité hongroise de 7%, déclare l’indépendance du Kosovo « illégale ». Les deux derniers opposants à la reconnaissance du Kosovo – la Bulgarie et la Grèce – jouent surtout la solidarité orthodoxe avec la Serbie, bien que la Bulgarie ait aussi quelques problèmes avec ses voisins sur le plan de minorités ethniques. Néanmoins, le quotidien bulgare Dnevnik ne se fait pas d’illusions : « Lorsqu’il sera clair que l’on ne peut rien faire d’autre que de reconnaître l’indépendance, alors nous aussi la reconnaîtrons ».

Soutiens et embûches

Cela dit, le Kosovo indépendant compte également beaucoup de soutiens au sein de l’UE – et pas n’importe lesquels. Il s’agit, entre autres, de quatre « grands » pays de l’Union : l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie. Ils n’ont pas hésité à annoncer leur intention de reconnaître le Kosovo dès lundi. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a souligné qu’« il n’y avait pas d’autre solution sinon l’affrontement perpétuel ». Il a dans le même temps tendu la main à Belgrade en soulignant que l'indépendance était une « bonne nouvelle » pour les Serbes aussi. Le chef du gouvernement italien, Romano Prodi, a abondé dans le même sens, en estimant que la Serbie « ne devait pas se sentir abandonnée par l'Europe ». D’autres pays rejoignent « les grands ». Par exemple, le chef de la diplomatie polonaise a recommandé formellement à son gouvernement de reconnaître le Kosovo.

Il n’empêche que le chemin du Kosovo vers une indépendance effective sera certainement parsemé d’embûches. La Serbie et la Russie feront tout pour prouver à l’Occident que sa décision de soutenir les Kosovars est une erreur. On voit bien qu’en dehors des actions qui visent directement le nouvel Etat (comme un blocage diplomatique dans les institutions internationales, annoncé déjà par Belgrade), elles peuvent également essayer de jouer les divisions au sein de l’UE. Le dossier du Kosovo devient donc un test de l’unité et de l’efficacité des Vingt-Sept. Par ailleurs, le cas kosovar suscite de vraies questions juridiques. Par exemple, sur le statut de la mission européenne qui doit être envoyée sur place, mais qui ne bénéficie pas de mandat de l’ONU.

Les ministres européens se sont employés à désamorcer ces problèmes autant que possible dans leur déclaration commune. Ils soulignent ainsi en particulier que le Kosovo est « un cas unique » qui ne peut pas s'appliquer à d'autres régions du monde, afin de rassurer les pays confrontés à des mouvements séparatistes. Ils rappellent aussi que tous les pays de la partie occidentale des Balkans ont une « perspective européenne », c'est-à-dire vocation à rejoindre un jour l'UE. Ils soulignent également l'intention des Européens de jouer un rôle moteur dans la stabilisation des Balkans. Enfin, ils laissent chaque pays membre libre de décider lui-même des relations qu’il veut entretenir avec le Kosovo, et donc de le reconnaître ou non.

Pas d’alternative réaliste

Les risques liés à la nouvelle situation sont considérables – y compris ceux d’un retour à la violence dans les Balkans ou d’y voir apparaître un nouveau « conflit gelé » comme ceux en Abkhazie, en Ossétie du Sud ou au Nagorny Karabakh. Et pourtant, est-ce que l’on pouvait éviter la proclamation de l’indépendance du Kosovo ? Est-ce que la communauté internationale dispose d’une alternative réaliste et crédible ?

Si l’on s’en tient à la lettre, la loi internationale est du côté de la Serbie. Cependant, les répressions et la violence qu’ont subies dans le passé les Albanais du Kosovo de la part du régime serbe lui ont ôté l’autorité morale sur cette population. Or celle-ci constitue 90% de la population totale de ce territoire. Les Serbes disent que le Kosovo est le berceau de leur culture, de leur religion et de leur Etat – et l’on peut comprendre leur nostalgie, leur chagrin, voire leur colère. Toutefois, tout un chacun sort un jour de son berceau. C’est cet exercice de maturité et de responsabilité qui semble attendre maintenant la Serbie.

 

L'Europe divisée sur la reconnaissance du Kosovo

« Les pays de l'Union européenne se sont en fin de compte contentés de souhaiter que le Kosovo ne devienne pas un exemple pour les minorités de la région et du reste de l'Europe. »

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19/02/2008 par Pierre Benazet

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