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Kosovo / Serbie

Les Serbes manifestent contre l'indépendance du Kosovo

Article publié le 19/02/2008 Dernière mise à jour le 19/02/2008 à 02:36 TU

A Belgrade, où le gouvernement serbe avait annulé par avance la proclamation d'indépendance, quelque 7 000 personnes ont manifesté contre la décision de Pristina de proclamer l'indépendance du Kosovo. D'autres manifestations ont eu lieu notamment à Mitrovica, deuxième ville du Kosovo divisée entre les communautés serbe et albanaise.

Manifestation de Serbes à Mitrovica, Lundi 18 fevrier 2008.( Photo : Reuters )

Manifestation de Serbes à Mitrovica, Lundi 18 fevrier 2008.
( Photo : Reuters )

De notre envoyé spécial à Mitrovica, Jean-Arnault Dérens

« Le Kosovo est le cœur de la Serbie », « Serbie, Serbie ! », « Nous ne donnons pas le Kosovo »… Près de 15 000 Serbes se sont rassemblés lundi midi à Mitrovica, brandissant une forêt de drapeaux serbes. Ils étaient aussi plusieurs milliers à Strpce, Ranilug et Gracanica, des enclaves serbes dans le sud du Kosovo.

À Mitrovica, après les discours musclés des dirigeants du Conseil national serbe du Kosovo et Metohija, la foule s’est dirigée vers le pont sur la rivière Ibar, qui symbolise la division de la ville et celle du Kosovo. La manifestation s’est vite dispersée dans le calme. Le dispositif de sécurité déployé sur le pont était d’ailleurs très léger. Les dirigeants serbes avaient pris des mesures efficaces pour prévenir tout débordement, alors que les drapeaux de groupes nationalistes radicaux, comme le mouvement Obraz, étaient visibles dans la foule.

Côté albanais du pont, il n’y avait personne : le mot d’ordre de calme et de modération était aussi passé. Il est vrai que les Albanais du Kosovo n’ont aucun intérêt politique à provoquer immédiatement des incidents dans les zones serbes du Kosovo.

Les manifestations vont se poursuivre à Mitrovica

Toute la matinée, une noria de voitures et d’autobus avaient amené les Serbes du nord du Kosovo vers le centre de Mitrovica. Milan, un garagiste de la petite ville de Zvecan, n’a rien d’un nationaliste. Lors des dernières élections présidentielles du 3 février, il a voté pour le candidat démocrate et pro-européen Boris Tadic. Cependant, il affirme sa détermination à défendre l’appartenance du Kosovo à la Serbie. « Je suis né ici à Mitrovica, puis je suis parti travailler à Rijeka, en Croatie. J’ai été chassé de Rijeka en 1991. Je suis parti en Bosnie avec ma famille, et j’en ai été chassé en 1995. Je suis revenu vivre à Mitrovica, dans la vieille maison de mes parents. J’avais ouvert un petit garage à Vucitrn, côté albanais. J’ai été kidnappé en juin 1999 par des extrémistes albanais. Par chance, j’ai eu la vie sauve, mais j’ai perdu mon garage… Maintenant, je ne veux pas quitter Mitrovica ».

Résultat de leur errance dans les territoires déchirés de l’ancienne Yougoslavie, Milan dispose d’un passeport croate, et sa femme d’un passeport bosnien, en plus de leur carte d’identité serbe, mais ils excluent bien de prendre un jour le passeport du Kosovo. « La Serbie est notre pays, c’est tout ce qu’ils nous restent. Si nous ne pouvons pas vivre ensemble avec les Albanais, que l’on divise le Kosovo. En quoi cela pourrait-il gêner les Albanais de nous laisse vivre tranquillement ici, dans cette petite zone du nord du Kosovo ? »

Les manifestations vont se poursuivre à Mitrovica, où de nouveaux rassemblements sont convoqués mardi et mercredi, à 12 h 44, une manière symbolique de réclamer le respect de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui garantit explicitement la souveraineté serbe du Kosovo. Jeudi, les Serbes du Nord du Kosovo devraient se rendre à un grand rassemblement national organisé à Belgrade.

Des ministres serbes se succèdent au Kosovo depuis dimanche

Les dirigeants du Conseil national serbe du Kosovo et Metohija ont annoncé qu’ils allaient convoquer des élections pour désigner un Parlement serbe du Kosovo. Alors que les Serbes considèrent comme nulle et non avenue la proclamation d’indépendance, on ignore encore jusqu’où pourrait aller leur réaction. Proclamer la sécession de la zone serbe du nord du territoire mettrait en situation très périlleuse les enclaves du Sud, majoritairement albanaises, et reviendrait à reconnaître implicitement l’indépendance du territoire.

Pour sa part, Belgrade considère également la proclamation d’indépendance comme illégale, et les ministres du gouvernement serbe se succèdent au Kosovo depuis dimanche. Le ministre en charge du Kosovo, Slobodan Samardzic était à Mitrovica, le vice-Premier ministre Bozidar Djelic à Strpce, les ministres de l’Agriculture, de l’Education ou de la Planification sont attendus dans les prochains jours. C’est une manière symbolique d’affirmer que la Serbie continue toujours d’administrer le Kosovo, du moins les enclaves serbes. Cet empressement ministériel est apprécié par les Serbes du Kosovo, même si certains ont tendance à penser que les projets d’investissements ou d’infrastructures que Belgrade propose à toutes les enclaves auraient pu être lancés depuis des années....

Ces visites pourraient vite mettre les forces de l’OTAN et la police des Nations unies dans une position ambiguë : ils assurent jusqu’à présent la sécurité des ministres serbes en déplacement, mais comment continuer à le faire, s’ils reconnaissent l’indépendance du Kosovo ? Le chef de la Mission des Nations unies au Kosovo (MINUK), l’Allemand Joachim Rücker, se borne depuis dimanche à répéter qu’il n’a pas reçu de consignes de New York sur une éventuelle reconnaissance de l’indépendance du territoire.