Article publié le 08/03/2008 Dernière mise à jour le 08/03/2008 à 22:06 TU
De notre correspondant à Belgrade, Jean-Arnault Dérens
Le Premier ministre serbe Vojislav Kostunica annonçant sa démission lors d'une conférence de presse à Belgrade ce samedi 8 mars.
(Photo : Reuters)
Le Premier ministre, Vojislav Kostunica, a expliqué que les désaccords politiques au sein du cabinet étaient devenus tels que celui-ci « ne pouvait plus fonctionner normalement ». C’est effectivement une équipe hétéroclite que dirige Vojislav Kostunica depuis mai 2007 : la grande coalition des « démocrates », péniblement formée après les élections de janvier 2007, après des mois de tractations, réunit les nationalistes conservateurs du Parti démocratique de Serbie (DSS) de Vojislav Kostunica, ses alliés du petit mouvement Nouvelle Serbie, ainsi que les pro-européens du Parti démocratique (DS) et du G17+. Le DS détient un plus grand nombre de portefeuilles que le parti de Kostunica car il avait obtenu deux fois plus de voix lors des élections de janvier 2007, mais il avait accepté de céder la charge de Premier ministre à Vojislav Kostunica.
Les divergences étaient devenues évidentes depuis l’automne, alors que se rapprochait la perspective de l’indépendance du Kosovo, à laquelle tous les partis du gouvernement serbe sont officiellement opposés.
Pour Kostunica, la défense du Kosovo passe avant toute chose
Mardi dernier, lors de l’ouverture de la session de printemps du Parlement, le Parti radical serbe (SRS, extrême droite) a déposé un projet de résolution envisageant que la Serbie interrompe toutes ses discussions avec l’Union européenne, si celle-ci ne s’engageait pas explicitement à reconnaître l’intégrité du pays – en clair, si elle ne renonçait pas à reconnaître l’indépendance du Kosovo. Cette résolution a été vivement dénoncée par le DS, le G17+, ainsi que par le Parti libéral-démocratique (LDP), qui ne participe pas au gouvernement. Au contraire, elle a reçu le soutien des députés du DSS, de Nouvelle Serbie, en plus de celles des élus radicaux et socialistes (SPS, opposition). La résolution n’a pas été votée, car le président du Parlement a interrompu la séance, qui doit reprendre en début de semaine, mais elle a fait voler en éclats la majorité gouvernementale.
Les termes de l’alternative sont clairement posés. Pour Vojislav Kostunica et ses alliés, la défense du Kosovo passe avant toute chose : la Serbie peut prendre le risque d’un nouvel isolement international, elle peut interrompre le long chemin qui devrait l’amener à l’intégration européenne. A l’inverse, le DS et le président de la République, Boris Tadic, entendent à la fois défendre le Kosovo et poursuivre l’intégration européenne de la Serbie, une ligne pas forcément évidente quand la majorité des pays membres de l’UE ont reconnu le Kosovo ou s’apprêtent à le faire et quand Bruxelles prépare le déploiement d’une nouvelle mission au Kosovo, Eulex, vivement dénoncée par Belgrade… La Serbie a rappelé pour consultations ses ambassadeurs de tous les pays qui ont reconnu l’indépendance du Kosovo.
Un nouvel axe majoritaire est clairement en train de se dessiner
Déjà, fin 2007, Vojislav Kostunica avait provoqué un vote parlementaire sur la signature de l’Accord de stabilisation et d’association (ASA), que l’UE proposait à la Serbie, exigeant que Bruxelles s’engage explicitement à reconnaître l’intégrité territoriale du pays. Du coup, l’Union a seulement proposé, début janvier, un « accord politique » à la Serbie. Cependant, le président Tadic, réélu le 3 février sur un programme pro-européen, a encore répété ces derniers jours qu’il était prêt à signer l’ASA dès que l’UE le proposerait à nouveau à la Serbie…
Dans ces conditions, il était impossible de continuer à faire cohabiter au sein du même gouvernement pro et anti-européens, tandis qu’un nouvel axe majoritaire est clairement en train de se dessiner, réunissant les partisans de Kostunica à l’extrême droite nationaliste et aux nostalgiques du régime de Milosevic. Ensemble, le DSS, le Parti radical et le Parti socialiste disposeraient d’ailleurs dans l’actuel Parlement d’une majorité plus que suffisante pour former un nouveau gouvernement, mais Vojislav Kostunica préfère repasser devant les urnes. Il a demandé au président Tadic de dissoudre l’Assemblée et de convoquer de nouvelles élections, qui auront très certainement lieu le 11 mai, date déjà prévue pour les élections locales.
Difficile de spéculer sur l’issue de ces élections
Il est difficile de spéculer sur l’issue de ces élections : la majorité des citoyens serbes n’ont aucune envie de renoncer à la perspective européenne et de revenir à l’isolement des années 1990, mais l’opinion publique ne se remet pas du traumatisme provoqué par la perte du Kosovo.
D’ici mai, la Serbie n’aura plus qu’un gouvernement technique, incapable de prendre la moindre décision concernant l’intégration européenne, mais qui devra pourtant gérer des étapes très délicates, notamment avec le déploiement de la mission Eulex au Kosovo.
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