par Myriam Berber
Article publié le 18/03/2008 Dernière mise à jour le 19/03/2008 à 09:37 TU
Jérôme Kerviel accompagné de son avocate, Maître Elisabeth Meyer, à la sortie de la prison de la Santé à Paris le 18 mars 2008.
(Photo : Reuters)
Sourire timide, visiblement éprouvé par trente-sept jours de détention, Jérôme Kerviel, est sorti, mardi 18 mars 2008, de la prison de la Santé à Paris, sans faire de déclaration. Ainsi en ont décidé les trois magistrats de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris. L’ancien trader de la Société Générale reste mis en examen pour « abus de confiance », « faux et usage de faux » et « introduction dans un système de données informatiques », des actions qui auraient causé une perte record de 4,9 milliards d’euros à la banque. Il a été laissé en liberté sous contrôle judiciaire. Avec des obligations très strictes : rendre son passeport, interdiction de se rendre dans des salles de marchés et de rencontrer des protagonistes de l’affaire.
La chambre d’instruction de la Cour d’appel n’a donc pas suivi le réquisitoire du parquet général qui souhaitait son maintien en détention. Le parquet estimait notamment que, libre, l’ancien employé de la Société Générale aurait pu communiquer avec d’éventuels complices. Il invoquait l’importance de « veiller à préserver toutes les preuves utiles à la manifestation de la vérité et empêcher toute concertation frauduleuse ». Le parquet général a annoncé qu’il ne fera pas de recours.
Une décision qualifiée de « très équilibrée »
L’avocate de Jérôme Kerviel, s’est réjouie de la décision du Cour d’appel. « Nous attendions cette remise en liberté, nous avons été entendus », a expliqué Maître Elisabeth Meyer avant d’assurer que « le jeune trader continuerait à répondre aux convocations des juges ». L’avocat de la banque, Me. Jean Veil s’est, lui aussi, félicité de cette décision qualifiée de « très équilibrée ». Selon lui, le contrôle judiciaire permettra à l’instruction de « se poursuivre en toute sérénité, en toute sécurité ».
Les juges devront déterminer les responsabilités dans cette affaire. A ce stade de l’enquête, Jérôme Kerviel est la seule personne mise en examen. Le placement en garde à vue d’un courtier de la Fimat, une filiale de la Société Générale, est en effet resté sans suites. Pour sa défense, Jérôme Kerviel a indiqué aux juges avoir associé d’autres salariés à ses transactions fictives. Ses propos ont notamment visé ses supérieurs hiérarchiques qui ont toléré ses agissements, tant qu'il faisait gagner de l'argent à la banque.
Dans cette affaire, la justice reproche à l’ancien trader des positions non autorisées d’achat sur des contrats d’indice boursiers européens qui ont atteint 49 milliards d’euros le 18 janvier. La liquidation de ces positions a provoqué une perte de 4,9 milliards d’euros dans les comptes de la Générale. Les conclusions du comité spécial du conseil d’administration, installé pour faire toute la lumière sur cette affaire, confirme également cette version des faits. Le comité estime que les contrôles prévus dans les salles de marché ont été effectués correctement mais que d’autres, non prévus, auraient pu permettre de découvrir la fraude.
Remaniement de l’état-major de la Générale
Cette affaire par sa gravité et son ampleur a fragilisé le PDG Daniel Bouton, dont la responsabilité a clairement été mise en cause. Quelque temps après l’annonce de la fraude, le conseil d'administration a confirmé Daniel Bouton à la présidence du groupe, mais a également décidé la création d'un comité spécial d'administrateurs indépendants. Ces trois membres font partie du conseil d’administration de la Générale, mais ne sont pas salariés. Ce comité spécial doit notamment s'assurer que les montants et les causes des pertes record perpétrées par Jérôme Kerviel « ont bien été complètement identifiés ».
Cette fraude a fait perdre près de 5 milliards d'euros à la Société Générale. Ajouté aux 2 milliards de pertes dans la crise du crédit immobilier à risque («subprimes»), la banque française a vu s'envoler un montant total de 7 milliards d'euros. Pour combler ces pertes : une augmentation de capital de 5,5 milliards d’euros a été lancée le 11 mars dernier. L’opération bouclée, la Générale a remanié son état-major et nommé son directeur financier Frédéric Oudéa, au poste de directeur général délégué. Un homme tout désigné pour succéder à Daniel Bouton à la tête de l’établissement.
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