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Belgique

Beaucoup de problèmes et peu de temps

par Piotr Moszynski

Article publié le 19/03/2008 Dernière mise à jour le 20/03/2008 à 01:04 TU

Le futur Premier ministre belge, Yves Leterme (g) du Parti chrétien démocrate flamand (CD&V) et le président du parti Etienne Schouppe à Bruxelles ce mercredi 19 mars.(Photo : Reuters)

Le futur Premier ministre belge, Yves Leterme (g) du Parti chrétien démocrate flamand (CD&V) et le président du parti Etienne Schouppe à Bruxelles ce mercredi 19 mars.
(Photo : Reuters)

Grâce à un accord trouvé mardi entre partis sur un programme d’action, la Belgique peut enfin sortir d’une crise qui ne lui a pas permis de se doter d’un gouvernement pendant plus de neuf mois après les législatives. Toutefois, les problèmes entre Flamands néerlandophones et Wallons francophones restent entiers.

Beaucoup de graves problèmes et peu de temps pour les résoudre. Voilà ce qui attend le nouveau Premier ministre belge, Yves Leterme. Sa propre formation politique, le CDV, ne lui donne que jusqu’à mi-juillet pour surmonter les résistances des francophones à une profonde réforme de l’Etat qui donnerait une large autonomie à la Flandre. Bien qu’il en soit lui-même issu, la population de cette région ne semble pas trop croire en la capacité du nouveau chef de gouvernement à atteindre cet objectif. Selon une étude publiée lundi, juste 45% des Flamands lui « font confiance » en tant que Premier ministre. Du côté wallon, c’est encore pire – seuls 10% des francophones partagent cette attitude. Autant dire, presque personne…

Ainsi, pour avoir une chance d’exister ne serait-ce que quelques mois, le nouveau gouvernement a dû se constituer autour d’un accord qui met de côté pour un temps les questions qui fâchent vraiment. Hormis la fameuse réforme de l’Etat – à laquelle les francophones sont résolument opposés, souhaitant préserver un Etat fédéral fort – il s’agit de l’ensemble des relations entre les deux grandes communautés linguistiques. Les Flamands estiment que les Wallons les traitent – dans les deux sens du mot – comme des vaches à lait. Ils soulignent les différences de niveau économique entre les deux parties du pays et supportent mal que la partie francophone profite – entre autres, par le biais du système fédéral de la sécurité sociale – de celui, plus élevé, de la Flandre. De là à prendre une posture ouvertement méprisante, de se lancer mutuellement à la figure des clichés du genre « francophone paresseux » ou « Flamand arrogant », et de proposer moult initiatives introduisant lentement mais sûrement une véritable séparation, il n’y a qu’un pas.

Discriminations

Certaines mesures prises du côté flamand à l’encontre de la minorité francophone ont fait réagir carrément le Conseil de l’Europe, l’ONU et la Commission européenne. C’est en particulier l’exigence de parler néerlandais – ou au moins s’engager à l’apprendre – pour obtenir un logement social, qui est visée par les institutions internationales. Le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale s’inquiète dans son dernier rapport que cette mesure ne conduise « à une discrimination indirecte exercée en raison de l’origine nationale ou ethnique ». La Commission européenne, elle, est en train de vérifier la conformité du Code du logement flamand avec le droit européen qui interdit ce type de discrimination.

Faute d’un accord général sur l’avenir de l’Etat belge, les cinq partis de la coalition gouvernementale – deux flamands et trois francophones – ont donc dû se contenter pour l’instant de trouver un terrain d’entente moins ambitieux, mais pragmatique. En effet, avec ses neuf mois après les élections sans gouvernement définitif, la Belgique commençait à devenir la risée de l’Europe, voire du monde. Ainsi, l’accord ne porte que sur les questions économiques, sociales ou de justice et a été clairement conçu de façon à ce que chacun y trouve des raisons d’être content. L’essentiel, c’est qu’il permet de calmer le jeu, de prendre en main les affaires du pays et d’espérer pouvoir avancer dans les négociations sur les questions qui fâchent.

Un pays qui « n’existe plus »

La tâche d’Yves Leterme n’est pas facile, mais au moins il ne continue plus à la rendre encore plus compliquée par ses dérapages verbaux. Dans le passé, il n’hésitait pas de parler de « l’incapacité intellectuelle » des francophones à apprendre le néerlandais. Il a également résumé la situation de la Belgique en la présentant comme un pays qui n’avait plus en commun que le roi, la bière et l’équipe nationale de football. Pour couronner le tout, il a confondu l’hymne national belge et « La Marseillaise ». Il n’est pas exclu qu’une brusque dégradation de sa santé en février dernier l’ait aidé à relativiser les choses. En effet, il a dû être hospitalisé d’urgence pour une hémorragie interne et pour une pneumonie qui auraient pu lui être fatales et qui l’obligeront à ménager ses efforts dans les prochaines semaines.

Et des efforts, il en faudra. La vraie question qui se pose est simple : est-ce que la Belgique va continuer à exister ? Il y en a qui ne le pensent pas et qui le disent – comme Bart de Wever, le leader d’un petit mais influent parti indépendantiste flamand, le NV-A, associé au CDV d’Yves Leterme. « La Belgique a existé, mais elle n’existe plus. (…) C’est une évolution à long terme. Et je ne vois pas pourquoi cela s’arrêterait » - explique-t-il dans une interview à La Libre Belgique. Yves Leterme fait donc pour l’instant figure de Premier ministre qui prend la direction d’un pays qui « n’existe plus », mais qu’il faut aider, voire sauver, quand même.

A écouter

Pascal Delwitt

Politologue à l'Université Libre de Bruxelles

« Depuis quelques semaines, symboliquement depuis le début de l’année 2008, la posture de [Yves Leterme] a quelque peu changé. On le sent plus en phase avec la possibilité d’être Premier ministre fédéral ».

20/03/2008 par François Cardona