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Syrie / Ligue arabe

Le sommet de Damas : chronique d'un échec annoncé?

par Frédérique Misslin

Article publié le 27/03/2008 Dernière mise à jour le 28/03/2008 à 05:44 TU

Le sommet de Damas vise à afficher l’unité du monde arabe, il risque surtout de consacrer ses divergences. Plusieurs pays, Arabie Saoudite en tête, ont décidé de minimiser le niveau de leur représentation en Syrie le week-end prochain. Riyad estime que le régime de Bachar al-Assad bloque l’élection présidentielle libanaise et empêche toute sortie de crise. Le Liban a d’ailleurs décidé de boycotter franchement le rendez-vous. Ces désistements en cascade semblent signer l’échec du sommet avant même qu’il ait commencé.

 

Jeudi 27 mars 2008. Les ministres des Affaires étrangères arabes préparent le sommet de Damas. Le fauteuil du Liban est inoccupé.(Photo : Reuters)

Jeudi 27 mars 2008. Les ministres des Affaires étrangères arabes préparent le sommet de Damas. Le fauteuil du Liban est inoccupé.
(Photo : Reuters)

Une chaise vide, des ministres de second rang dans les fauteuils des rois et des chefs d’Etats : le sommet de Damas révèle au grand jour les divisions du monde arabe. Pour la première fois en 20 ans, depuis la création de la Ligue arabe, le Liban n’assistera pas au grand rendez-vous annuel de l’organisation ce week-end. L’Arabie Saoudite va dépêcher à Damas une représentation de bas niveau, un geste de mauvaise humeur sans précédent vis-à-vis du pays hôte : la Syrie. Une attitude imitée par les Egyptiens puisque c’est le ministre des Relations avec le Parlement qui assistera à la réunion, à la place du président Hosni Moubarak. Le Caire et Riyad avaient lié le niveau de leur participation au sommet à l’élection d’un président au Liban. Une échéance qui a été repoussée cette semaine pour la 17e fois. La crise libanaise divise les pays arabes : de source diplomatique, le Maroc et la Jordanie s’apprêtent à suivre les exemples saoudien et égyptien.

Sur 22 membres de la Ligue arabe, une dizaine de pays seulement devraient être représentés comme il se doit dans ce genre de rendez-vous, c'est-à-dire par des monarques et des chefs d’Etat. Au cœur de la discorde : le dossier libanais. La crise à Beyrouth sera le principal thème de discussion du sommet, affirme le secrétaire général de la Ligue arabe. Amr Moussa, très optimiste, espère toujours que la réunion donnera un nouvel élan au plan qu’il a concocté pour sortir le Liban de son impasse politique. L’initiative arabe prévoit l’élection immédiate d’un président de la République, la composition d’un gouvernement d’union nationale et un remaniement de la loi électorale. Amr Moussa le promet : rien ne sera modifié. Et pour cause… La crise libanaise a presque disparu de l’ordre du jour officiel du sommet de Damas au profit du dossier palestinien, de l’initiative de paix arabe proposée à Israël, de la situation en Irak, en Somalie, au Soudan, aux Comores.

De Riyad à Damas : quel bilan ?

Un menu qui ressemble étrangement à celui de l’année dernière. L’édition 2007 du sommet de la Ligue arabe s’était tenue à Riyad, les 22 pays membres avaient évoqué à cette occasion plusieurs dossiers clés : renforcer l’initiative de paix arabe sur le dossier israélo-palestinien, encourager la réconciliation entre le Hamas et le Fatah et appeler le Liban à s’engager sur la voie du dialogue. En pratique, un an plus tard, toutes ces résolutions ont échoué. A l’époque déjà les tensions interlibanaises étaient perceptibles puisque deux délégations s’étaient rendues dans la capitale saoudienne. L’une représentait la majorité anti-syrienne soutenue par les occidentaux et les saoudiens, l’autre l’opposition emmenée par le Hezbollah et soutenue par la Syrie et l’Iran.

Pour la Syrie : les absents ont toujours tort

Plus isolée que jamais, la Syrie joue ses dernières cartes et reprend à son compte le vieil adage qui consiste à dire que les absents ont toujours tort. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moallem estime que le Liban a perdu une occasion en or en boycottant le sommet. Damas et ses alliés accusent par ailleurs les Etats-Unis de vouloir torpiller la réunion parce qu’elle se tient en Syrie. De fait, la semaine dernière, Washington avait appelé les pays arabes à réfléchir avant de prendre le chemin de Damas, les Américains accusent clairement le régime de Bachar al-Assad d’entraver l’élection du futur président libanais.

La politique de la chaise vide sera-t-elle payante ? Pour l’ancien président libanais, Amine Gemayel, l’échec du sommet arabe risque de conduire à l’exacerbation et à l’aggravation de la crise au Liban. Il juge que les divisions arabes poussent le pays du Cèdre vers le chaos et la réunion de Damas s’annonce houleuse. Le ministre libanais des Télécommunications, Marwan Hamadé, a annoncé  que son Premier ministre, Fouad Siniora, s’expliquerait les raisons du boycott dès l’ouverture du sommet, depuis Beyrouth. Ce sera « un cri » qui « retentira très fort », a-t-il affirmé.

Pour beaucoup d’observateurs politiques, ces assises panarabes risquent d’être inutiles. « Ce sera un laboratoire où l’on testera la balance des pouvoirs dans la région », soutient un éditorialiste d’Al Hayat. Une chose est sûre, le boycott de certains chefs d’Etat arabes entame la crédibilité de la réunion avant même qu’elle ait commencé et quelles que soient les décisions politiques qui seront prises au cours du sommet.

Ceux qui iront à Damas

- Cheikh Khalifa Ben Zayed al-Nahyane, président des Emirats arabes unis

- Omar el-Béchir, Président du Soudan - Ali Abdallah Saleh, président du Yémen

- Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne

- Zine el-Abidine Ben Ali, président de la Tunisie

- Sidi Ould Cheikh Abdallahi, président de la Mauritanie

- Abdelaziz Bouteflika, président de l’Algérie

- Cheikh Sabah Al Ahmed Al Sabah, émir du Koweit

- Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, émir du Qatar