par Philippe Leymarie
Article publié le 01/04/2008 Dernière mise à jour le 01/04/2008 à 20:05 TU
Bien qu'ayant dû concéder des débats de dernière heure à l'Assemblée nationale et au Sénat, à propos de l'engagement français en Afghanistan, le président français Nicolas Sarkozy souhaite profiter du sommet de l'Otan, qui s'ouvre ce mercredi à Bucarest, pour annoncer un geste en faveur de la Force d'assistance à la sécurité en Afghanistan (ISAF), actuellement en difficulté. Un renfort de « quelques centaines d'hommes » selon le Premier ministre François Fillon, surtout déployés dans les zones les plus dangereuses du pays, ferait de la France le 3éme contributeur. L'exécutif français fait le pari que ce geste, prélude sans doute à une réintégration complète de la France dans l'appareil militaire de l'Otan, incitera Washington et Londres à laisser l'Union européenne prendre, au moins en partie, sa défense en mains.
La France n'est actuellement que le 7e contributeur en effectifs de l'ISAF, derrière le Canada ou les Pays-Bas. En outre, l'essentiel de son contingent (1600 soldats sur le terrain, 2200 sur tout le « théâtre » régional) est concentré dans le secteur de Kaboul, la capitale (un bataillon de 800 hommes), relativement calme, ou dans l'est, plus disputé (quatre équipes d'instructeurs et conseillers, au sein de l'armée afghane - les OMLT, soit 250 hommes, dans les provinces du Logar, Wardak et Kapissa). Une 5e OMLT doit être déployée prochainement en appui aux unités néerlandaises qui opèrent dans la province d'Orouzgan, dans le centre-est.
Mais les aviateurs, qui mettent en œuvre une escadrille de chasse depuis la grande base Otan de Kandahar, sont les seuls Français à opérer dans le sud, où les combats sont les plus durs - depuis le retrait, en janvier 2007, des 200 soldats des Forces spéciales, déployées sous commandement américain. Ces forces françaises sont soutenues depuis Douchanbé (Tadjikistan) et Manas (Kirghizstan) avec des moyens aériens ; et depuis l'Océan indien, avec les unités engagées dans l'opération « Enduring Freedom », sous commandement américain.
« Bonne surprise »
Depuis plusieurs mois, en raison de la dégradation de la situation notamment dans le sud et de la probable relance de l'insurrection talibane au printemps ou à l'été prochain, le gouvernement américain bat le rappel des alliés. Mais sans grands succès, à l'exception des bonnes dispositions affichées par Paris, qui sont considérées à Washington (le mentor de l'Otan) et à Bruxelles (où siège l'organisation et son principal commandement militaire) comme une « bonne surprise » et un « signal fort ».
Officiellement, la partie française assortit cependant cette proposition de renforcement de son contingent d'une série de conditions : l'adoption d'une stratégie commune, avec une véritable politique de développement, et un financement augmenté (la solution ne peut être seulement militaire) ; l'engagement des alliés à s'engager simultanément sur l'augmentation de leurs forces (au lieu de profiter de cet apport français pour alléger leur fardeau) ; ainsi qu'une priorité réaffirmée pour la formation de l'armée afghane (qui déboucherait sur une « afghanisation » de la sécurité). Le gouvernement français avait écrit en ce sens à ses partenaires, il y a quelques semaines, et compte poursuivre les pourparlers dans le cadre du sommet de Bucarest, avec une possible annonce officielle de renforcement du contingent français lors du discours du président Nicolas Sarkozy, prévu jeudi matin.
« Le prix du sang »
Sur un plan technique, au cas où la décision serait confirmée à Bucarest, le dispositif de renfort français – autour d'une enveloppe globale de « quelques centaines d'hommes » selon François Fillon, mais aucun chiffre précis n'a été annoncé officiellement – consisterait en un second bataillon (800 hommes) et un groupe des forces spéciales (200 hommes), dont ce serait le retour en Afghanistan. Le secteur de déploiement des troupes est cependant plus important que leur volume. Par définition, cette fois – puisque les Américains, Canadiens, Britanniques et Néerlandais, très exposés, demandent à être épaulés – il ne peut s'agir que de secteurs « chauds ». Soit à l'est – préférence des états-majors, pour assurer une « cohérence tactique » avec le bataillon de Kaboul et les OMLT françaises implantées au sein de l'armée afghane... Soit au sud – option qui aurait la préférence des « politiques », pour répondre aux demandes pressantes des alliés.
En privé, certains considèrent que la France ne paie pas vraiment en Afghanistan « le prix du sang » (13 victimes françaises depuis 2002, en comptant les accidents, alors que les Canadiens ont perdu 80 hommes).
La question de la réintégration complète de la France au sein de la branche militaire de l'Otan, évoquée à plusieurs reprises par le président Nicolas Sarkozy, ne se posera que plus tard, peut-être l'an prochain, à l'occasion du 60e anniversaire de l'organisation transatlantique – si des progrès sont enregistrés dans le processus de relance de l'Europe de la défense.
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