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Kosovo / Justice internationale

Ramush Haradinaj acquitté par le TPIY

Article publié le 03/04/2008 Dernière mise à jour le 04/04/2008 à 10:43 TU

L'ex-Premier ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj, avant l'énoncé du verdict du TPIY, à la Haye, le 3 avril 2008.(Photo : Reuters)

L'ex-Premier ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj, avant l'énoncé du verdict du TPIY, à la Haye, le 3 avril 2008.
(Photo : Reuters)

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a acquitté, le 3 avril, deux anciens responsables de l’armée de libération du Kosovo (UCK) accusés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et condamné un troisième à 6 ans de prison. Nommé Premier ministre du Kosovo trois mois avant sa mise en accusation en mars 2005, Ramush Haradinaj, rejoindra Pristina en homme libre.

De notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas

Deux mois après la déclaration d’indépendance du Kosovo le 17 février, l’ancien Premier ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj, a été acquitté par les juges du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Basée à 3 000 km des sites de crimes, la galerie publique de la juridiction créée en 1993 par le Conseil de sécurité des Nations unies est le plus souvent désertée. Jeudi pourtant, près de 150 partisans de l’ex-Premier ministre ont applaudi à l’audition du verdict et formé de leurs mains le « V » de la victoire en direction des trois hommes placés dans le box des accusés : Ramush Haradinaj, ex-commandant de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), Lahi Brahimaj, l’un de ses seconds, et Idriz Balaj, le patron des « Aigles noirs », une unité des forces spéciales de l’UCK.

Dans le prétoire, Ramush Haradinaj n’a pas formé un sourire. Acquitté, il a caché son émotion en prenant quelques notes. Les trois anciens membres de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) – qui avait lutté contre le pouvoir de Belgrade et le régime Milosevic jusqu’à l’intervention de l’Otan au printemps 1999 – étaient accusés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre par le procureur.

Réaction immédiate à Belgrade

A Belgrade, la réaction a été immédiate. Dans un communiqué, le Premier ministre de Serbie, Vojislav Kostunica, a estimé que « le tribunal de La Haye se moque de la justice et des victimes innocentes » ajoutant que le TPIY avait « commis un nouveau crime grave contre les Serbes ». Le verdict rendu par les juges de La Haye donne des arguments à Belgrade, qui, avec son allié à Moscou, estime que le tribunal est « une institution anti-serbe ». Pour Pristina, le verdict « confirme que la cause de l’UCK était juste ».

Présente à La Haye, la femme de l’ex-Premier ministre, Anita Haradinaj, a estimé que ce verdict « n’est pas seulement un acquittement pour Ramush, mais pour tout le Kosovo ». Les juges de La Haye lui donnent en partie raison. Pour les magistrats, certains des faits visés par le procureur relevaient de crimes de droit commun et non de crimes contre l’humanité. Mais les trois magistrats ont surtout estimé que le procureur n’avait pas apporté de preuves solides des crimes qui leur étaient reprochés. Néanmoins, ils se sont longuement étendus sur les difficultés du parquet à produire des preuves suffisantes, en raison des « pressions » exercées sur les témoins dans cette affaire. Au cours du procès, ouvert en mars 2007, nombre d’entre eux ont refusé de comparaître à la barre du tribunal et ont été accusés d’ « outrage à la Cour ». Un autre avait subitement quitté La Haye, malgré les mesures de protection établies par le tribunal, pour rejoindre son domicile de New York. Un autre témoin décédait dans un accident de la route à Podgorica, au Monténégro, quelques jours avant son audition aux Pays-Bas.

Pressions internationales sur le procureur

Tout au long du procès, Carla del Ponte, alors procureure générale, avait dénoncé ces pressions jusque devant le Conseil de sécurité. A plusieurs reprises, elle avait fustigé les responsables de la mission des Nations unies au Kosovo (Minuk) pour leur soutien ouvert à Ramush Haradinaj. Dans un Kosovo organisé en réseaux d’influence, ce soutien a entretenu la peur des témoins, arguait-elle.

Dès l’ouverture de l’enquête sur l’UCK, l’affaire suscitait la controverse jusque dans les couloirs du tribunal. Pourtant visé par le procureur, Ramush Haradinaj avait été désigné Premier ministre du Kosovo en décembre 2004. Opposé à sa mise en accusation, Washington ne s’était pas ouvertement opposé à l’enquête de Carla del Ponte, mais avait simplement, comme d’autres Etats, refusé de coopérer, mettant le parquet au défi de fournir les preuves aux juges de La Haye. Or le tribunal, qui ne dispose pas de pouvoir de police dépend, dans ses enquêtes, de la coopération des Etats.

Le parquet du tribunal de La Haye signe, avec ce verdict, son second échec sur l’UCK. Un premier procès s’était soldé par l’acquittement de deux commandants. Quant à Ramush Haradinaj, il devrait rejoindre Pristina dans la journée du 4 avril et reprendre une carrière politique suspendue pendant quelques mois.

Ramush Haradinaï savoure sa liberté

« La presse albanaise du Kosovo célèbre avec enthousiasme l’acquittement du héros. »

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04/04/2008 par Jean-Arnaud Derens