par RFI
Article publié le 09/04/2008 Dernière mise à jour le 09/04/2008 à 20:12 TU
L'ancien président et ex-dictateur tchadien, Hissène Habré à sa sortie du Palais de justice de Dakar, au Sénégal, le 25 novembre 2005.
(Photo : AFP)
L’Assemblée nationale du Sénégal a modifié mardi l’article 9 de la Constitution, en introduisant de manière « exceptionnelle » la rétroactivité pour des faits tels que les crimes contre l’humanité pour lesquels l’ancien président tchadien Hissène Habré est poursuivi. Il est réfugié au Sénégal depuis qu’il a été écarté du pouvoir, en 1990, par l’actuel président Idriss Déby Itno. L'ancien chef d’Etat tchadien pourrait ainsi répondre de ses actes face à la justice sénégalaise. Hissène Habré, arrêté par les autorités de Dakar en 2005 à la suite d’une demande d’extradition formulée par la Belgique, est accusé de milliers de meurtres politiques et de violations des droits de l’homme par les familles des victimes et par des organisations de défense des droits de l’homme.
Les débats qui ont duré quatre heures à l’Assemblée nationale sénégalaise furent vifs et houleux mais les députés sénégalais ont fini par faire sauter le dernier verrou juridique permettant au Sénégal de juger l'ancien président tchadien Hissène Habré. Ils ont modifié la Constitution et introduit une dérogation au principe de non rétroactivité de la loi pour les faits de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, dont est accusé Hissène Habré. En 2006, le Sénégal s'était engagé, à la demande de l'Union africaine, à juger l'ancien dictateur tchadien jugé responsable de plusieurs milliers de morts durant ses huit années de présidence, entre 1982 et 1990.
Faut-il ou non juger Habré ? C'est une question qui continue de diviser la majorité au Sénégal, alors que le président Wade s'est pourtant engagé à le faire auprès de l'Union africaine en juillet 2006. Lundi, à l'Assemblée nationale, les députés du Parti démocratique sénégalais, PDS (majorité présidentielle), se sont affrontés sur la question. Il faut dire que, parmi eux, il y a l'avocat d'Hissène Habré, El Hadji Diouf, et que le ministre de la Justice, maître Madické Niang, fut il y a quelques années, lui aussi, défenseur de l’ancien chef d’Etat tchadien. Il y a deux mois, la commission des lois de l'Assemblée avait refusé de suivre le gouvernement et de modifier la Constitution. Mais lundi les députés ont changé d'avis et ont adopté le texte proposé par le gouvernement. Le nombre de voix pour et contre ainsi que les abstentions n’ont pas été communiqués.
La loi fondamentale est donc désormais en conformité avec le code pénal sénégalais qui vient lui aussi d'être modifié. Le crime de génocide, le crime contre l'humanité et le crime de guerre sont maintenant passible des tribunaux au Sénégal.
Sur le plan juridique, plus rien ne s'oppose donc à la nomination d'un juge d'instruction et à la préparation éventuelle d'un procès d'Hissène Habré. L'Etat sénégalais est actuellement en discussion avec l'Union européenne, pour l'assistance financière et technique. Le Sénégal réclame 28 millions d'euros pour organiser l'instruction et le procès. Les Européens trouvent la somme un peu excessive. Pendant que les discussions se poursuivent, les associations de victimes et les défenseurs des droits de l'homme commencent à trouver le temps long. Hissène Habré a été mis en examen au Sénégal pour la première fois au mois de janvier 2000.
A écouter
Avocat d'Hissène Habré
« Pourquoi être obsédé par le procès de Habré, un procès créé de toute pièce par des agitateurs à la solde de Kadhafi.»
09/04/2008 par Marie-Pierre Olphand
Porte parole de Human Rights Watch Europe
« Beaucoup de victimes (de l'ex-dictateur tchadien) meurent chaque mois et il faudrait commencer vite tout en respectant évidemment les droits de la défense et les droits dHissène Habré.»
09/04/2008 par Christine Muratet