par Jean-Pierre Boris
Article publié le 09/04/2008 Dernière mise à jour le 10/04/2008 à 07:24 TU
C’est devant les caméras de la télévision haïtienne, installée dans les locaux de la présidence de la République, un gros bâtiment blanc, en plein cœur de Port au Prince, que le président René Préval a pris la parole. Le chef de l’Etat haïtien a cherché à ramener le calme dans le pays en soulignant que la hausse des denrées de première nécessité obéissait à des raisons extérieures au pays et qu’elle était aussi la conséquence de vingt années de mauvaises politiques dans le pays. René Préval a également souligné que les violences « ne résoudraient pas les problèmes du pays ».
Une semaine d’émeutes
Il faut dire que la situation en Haïti, le pays le plus pauvre du continent américain, est plus que tendue. Depuis le début du mois d’avril, les incidents graves se multiplient dans la capitale et dans certaines des plus importantes agglomérations du pays. Ainsi, au moment où René Préval prenait la parole, les émeutiers étaient-ils aux portes de son palais présidentiel. Les casques bleus de la Mission de stabilisation de l’ONU en Haïti (MINUSTAH) ont été contraints de faire usage de gaz lacrymogènes et de tirer en l’air pour éloigner les manifestants des environs immédiats de la résidence présidentielle.
Au centre-ville, des groupes de jeunes avaient dressé des barricades de pneus et de pierres. Certains d’entre eux étaient armés de gourdins ou d’armes à feu. Ailleurs, dans Port-au-Prince, les incidents étaient nombreux. Dès les premières heures de la matinée, plusieurs centaines de manifestants se mettaient à piller et à vandaliser les installations des petits commerçants à Pétion-Ville, sur les hauteurs de Port-au-Prince. Sur place, des témoins faisaient état de tirs d’origine inconnue. D’autres quartiers de la capitale haïtienne, Carrefour par exemple, étaient aussi la proie des émeutiers. Dans la matinée du 9 avril, les manifestations se sont étendues à la province, aux Gonaïves, à l’ouest du pays et à Saint Marc, au nord.
70% de la population avec deux dollars par jour
Conséquence de ces troubles, transports paralysés, commerces et institutions scolaires fermés, la vie économique et sociale s’est arrêtée en Haïti. Cette situation ne peut que porter encore plus atteinte à la situation économique du pays. Avec 8,5 millions d’habitants, dont 70% vit avec moins de deux dollars par jour, c'est-à-dire sous les seuils de pauvreté, Haïti ne survit que grâce à l’aide internationale, en particulier grâce à l’aide alimentaire.
Cependant, la hausse des denrées de première nécessité s’est abattue comme un coup de massue sur une population déjà aux abois. D’un jour à l’autre, le prix du riz, la nourriture de base, a doublé. Le sac de 120 livres est passé de 35 à 70 dollars. La hausse du prix du pétrole a eu aussi un impact sur les transports. Le prix du billet de bus a augmenté de 30 à 50%.
René Préval veut faire baisser les prix
Ces évènements ont bien sûr des conséquences extérieures à Haïti. L’augmentation du prix du riz, par exemple, est un phénomène mondial. La demande est telle que l’offre est insuffisante. Les principaux exportateurs mondiaux, Thaïlande, Vietnam, ont cessé de charger des cargaisons à destination de l’étranger. Ils préfèrent nourrir leur population nationale.
Dans ce contexte, les 8,5 millions d’Haïtiens ne pèsent pas très lourd. Malgré cela, au cours de son intervention du 9 avril, le président Préval a annoncé qu’il allait rencontrer les importateurs pour tenter de faire baisser les prix des aliments achetés à l’extérieur. Le chef de l’Etat a aussi conseillé à ses concitoyens de consommer de préférence des denrées produites sur place.
Créer des emplois pour les jeunes
Cette intervention de René Préval, maniant la carotte et le bâton, est la deuxième prise de parole d’un haut responsable haïtien depuis le début des émeutes. Vendredi 4 avril, c’est le Premier ministre, Jacques-Edouard Alexis qui avait annoncé un « programme d’action solidaire » pour venir en aide à la population.
Au total, c’est 27 millions d’euros qui étaient débloqués. Cette somme doit servir à la création de quelques milliers d’emplois pour les jeunes, à ouvrir des restaurants communautaires et universitaires et à favoriser l’octroi de crédits aux petits entrepreneurs. Mais ces annonces n’ont pas suffi à calmer la colère populaire. Il est trop tôt pour dire si les mesures annoncées par René Préval seront plus efficaces.
« Le président propose de soustraire 10% du salaire mensuel des fonctionnaires qui perçoivent plus de 530 euros, au profit des plus démunis ».
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