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Russie

Le parti de Poutine

par Alexandre Billette

Article publié le 15/04/2008 Dernière mise à jour le 15/04/2008 à 15:23 TU

Discours de Vladimir Poutine devant le congrés du parti Russie unie à Moscou le 15 avril.(Photo : Reuters)

Discours de Vladimir Poutine devant le congrés du parti Russie unie à Moscou le 15 avril.
(Photo : Reuters)

Sans surprise, le chef de l'Etat russe a été adoubé, ce mardi, chef du parti « Russie unie », réuni en congrès national à Moscou depuis ce lundi. Vladimir Poutine a immédiatement accepté la proposition des délégués ce qui lui permettra de cumuler les postes de Premier ministre et de chef de l'omnipotent parti « Russie Unie » après l'intronisation à la présidence de Dmitri Medvedev, le 7 mai prochain.

L'ambiance avait un petit air soviétique, dans la grande salle située à quelques pas du Kremlin qui accueillait les centaines de délégués du parti pro-présidentiel à l'occasion de leur neuvième congrès national. Sagement assis face à la tribune où siégeaient les dignitaires du parti, les congressistes ont chaleureusement applaudi la nomination à la tête de leur formation de « notre leader, Vladimir Vladimirovitch Poutine ».

Déjà la veille, les délégués avaient planché sur des modifications statutaires expressément destinées à préparer l'arrivée de Vladimir Poutine à la direction de « Russie unie » : ils ont voté un amendement permettant de nommer à la tête de leur parti une personne qui n'en est pas membre, puisque Vladimir Poutine n'a pas officiellement adhéré à « Russie unie ». Puis, ils ont séparé les fonctions de chef du parti et de président du Conseil supérieur de la formation, pour permettre au président russe de diriger le parti sans devoir en assurer la gestion quotidienne, qui incombe au Conseil supérieur.

« J'accepte l'invitation du parti, je suis prêt à assumer ces responsabilités et à diriger "Russie unie" », a annoncé à la tribune Vladimir Poutine, sous les applaudissements de la salle. Cette nomination faite, le congrès a immédiatement pris fin, sur l'air de l'hymne national russe.

Etonnant rappel de la période soviétique

Avec cette première étape, Vladimir Poutine se concocte une position en or pour maintenir son influence politique au lendemain de l'intronisation, le 7 mai prochain, de son successeur Dmitri Medvedev. Déjà assuré d'occuper la fonction de Premier ministre, Vladimir Poutine se trouve ainsi, en occupant la direction de « Russie unie », à contrôler de facto le gouvernement et la Douma, le Parlement russe, où 315 des 430 députés sont issus des rangs du parti. Dans un étonnant rappel de la période soviétique, le véritable possesseur du pouvoir russe pourrait bien être, non pas le chef de l'Etat, mais le leader du « parti ».

A titre de Premier ministre, Vladimir Poutine compte mettre l'accent sur les questions économiques et sociales, notamment par le biais de son programme de développement, Russie 2020. Un programme qui entend lutter contre la corruption, améliorer les conditions de vie, de transport, de logement, de santé et d'éducation de la population russe, abandonnant à son dauphin, le président, les questions internationales qui relèvent, selon la Constitution russe, de la présidence.

Mais en ajoutant à sa casquette de Premier ministre celle de leader de « Russie unie », Vladimir Poutine s'assure également un appareil politique très bien implanté, dans toutes les régions et au sein des grandes entreprises qui constituent l'essentiel de la production économique du pays. A l'instar du Parti communiste de l'Union soviétique, « Russie unie » se transforme peu à peu en organisation incontournable pour quiconque – cadres, fonctionnaires, administrateurs, chefs d'entreprises – entend occuper une fonction de direction. Aujourd'hui, le parti revendique plus de 1,4 million de membres en règle.

Une épée de Damoclès

La nomination de Vladimir Poutine à la tête de « Russie unie » lui apporte également une assurance supplémentaire quant à la pérennité de sa survie politique. Si les relations entre l'actuel et le futur chef d'Etat sont au beau fixe, il reste que Dmitri Medvedev aura, constitutionnellement du moins, le pouvoir de limoger son Premier ministre. En prenant les commandes de « Russie unie », Vladimir Poutine s'assure le contrôle d'un parti politique qui, ayant plus des deux tiers des députés à la Douma, peut modifier la Constitution à sa guise – une éventuelle épée de Damoclès au-dessus du président Medvedev, si un conflit devait éclater entre les deux hommes.

Mais pour l'heure, la nomination de Vladimir Poutine à la tête du parti accentue encore davantage son influence, alors que la Russie s'apprête pour la première fois de son histoire à expérimenter un pouvoir bicéphale. Et les ambitions du président actuel ne trompe personne : « Dmitri Anatolevitch Medvedev est le chef de l'Etat et de la Fédération russe, mais le dirigeant politique du pays demeure Poutine », affirmait ainsi, ce mardi, Sergueï Markov, politologue et député de « Russie unie » à la Douma.

Les choses devraient aller très rapidement après la nomination de Dmitri Medvedev, le 7 mai prochain. Vladimir Poutine devrait être désigné Premier ministre dès le lendemain, juste à temps pour assister, aux côté de Dmitri Medvedev, à la commémoration de la Victoire sur l'Allemagne nazie, célébrée ici le 9 mai : pour la première fois cette année depuis près de 15 ans, ce sont à nouveau les chars et les missiles stratégiques qui défileront sur la Place Rouge pour marquer le 63e anniversaire de la capitulation allemande.