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Colombie

L'étau se resserre autour du président Uribe

par Sarah Sanchez

Article publié le 23/04/2008 Dernière mise à jour le 24/04/2008 à 14:43 TU

Au lendemain de l'arrestation de son cousin, le président colombien Alvaro Uribe a annoncé qu'il faisait l'objet d'une enquête, à la suite d'une dénonciation l'accusant d'avoir participé à la préparation d'un massacre de 15 paysans en 1997.
Un homme marche le long les croix et tombes symboliques des victimes des paramilitaires colombiens, lors d'une manifestation en face de l'ambassade du Costa Rica à Bogota, mardi 22 avril 2008. (Photo : Reuters)

Un homme marche le long les croix et tombes symboliques des victimes des paramilitaires colombiens, lors d'une manifestation en face de l'ambassade du Costa Rica à Bogota, mardi 22 avril 2008.
(Photo : Reuters)

« Un bandit, qui est condamné, affirme que je l'ai rencontré ainsi que Salvatore Mancuso en compagnie de plusieurs généraux à La Caucana, pour préparer le massacre d'Aro », a précisé le président à la radio privée Caracol. Le président Uribe n'a pas manqué de critiquer certains milieux judiciaires colombiens. Il reproche à des magistrats d'encourager les bandits à « accuser des gens honorables ».

Hier, le président s'était dit affligé par l'arrestation de son cousin, Mario Uribe. L'ancien sénateur, accusé de « complot criminel en vue de promouvoir des groupes armés illégaux » a été arrêté mardi alors qu'il quittait l'ambassade du Costa Rica à Bogota où il s'était vu refuser une demande d'asile. En tout, 62 hommes politiques dont 32 membres anciens ou actuels du Congrès ont déjà été inculpés pour avoir entretenu des liens avec des groupes d'extrême droite.

Ces milices paramilitaires qui ont d'abord été formées par des grands propriétaires pour combattre la guérilla marxiste dans les années 1970 se sont vite criminalisées. Elles sont, tout comme les FARC ou d’autres groupes d'extrême gauche, responsables de la mort de milliers de civils colombiens. Alvaro Uribe doit une partie de sa popularité à la trêve historique signée avec les paramilitaires. En 2006, au terme d'un processus de trois ans, plus de trente mille hommes avaient abandonné les armes en échange d'une quasi-impunité. Depuis, les liens entre membres de la classe dirigeante et paramilitaires ont été révélés à la justice par les chefs de ces milices qui s'étaient engagés à parler. Ils ont fait l'objet de poursuites judiciaires. La ministre des Affaires étrangères, Maria Consuelo Araujo, a été forcée de démissionner en février 2007 parce que son frère et son père étaient mis en cause. Puis, le directeur des services de renseignement, Jorge Noguera, lui-même impliqué, a été emprisonné. D'autres têtes sont tombées autour du président. Le scandale de la « para-politique » l'a finalement atteint.

Mario Uribe, arrêté mardi est considéré comme le mentor du chef de l'Etat colombien. Selon Jairo Castillo, un ancien paramilitaire exilé aux Etats-Unis, l'ancien sénateur aurait rencontré des responsables du groupe d'Autodéfenses Unies de Colombie (AUC, ces groupes d'extrême droite) afin de les aider à prendre possession de terres au nord du pays. Salvatore Mancuso, ancien chef suprême des paramilitaires démobilisés, a également confirmé avoir rencontré le cousin du président à trois reprises.

Cette semaine encore, deux autres alliés du président, Nancy Patricia Gutierrez, présidente du Sénat, et Carlos Garcia, président d'un parti pro-Uribe, le Parti de l'U, ont également été mis en examen. La preuve de l'intégrité du système judiciaire colombien ? Ce n'est pas si sûr. Mercredi, le quotidien de Bogota El Tiempo révélait les soupçons qui pèsent sur trois magistrats de la Cour suprême, eux-mêmes en charge des inculpations dans ce dossier complexe. Le même jour, Mancuso affirmait que plus de 50% des membres du Congrès colombien avaient des contacts avec des groupes armés, de droite ou de gauche.

A écouter

Sophie Daviaud

Maître de conférence en sciences politique à l’IEP d’Aix en Provence

« L'Etat colombien va perdre le contrôle sur ces groupes paramilitaires et ne pas réussir à les faire disparaître alors qu'il a contribué à les créer. A la fin de l'année 2005 un accord de désarmement a été signé avec ces groupeset 31 000 paramilitaires se sont démobilisés. »

24/04/2008 par Philippe Lecaplain