Article publié le 05/05/2008 Dernière mise à jour le 05/05/2008 à 04:57 TU
Les habitants du quartier populaire Plan 3000, à Santa Cruz, à l'heure du vote, dimanche 4 mai.
(Photo : R. Nourmamode / RFI)
Avec notre envoyé spécial à Santa Cruz, Reza Nourmamode
« C’est une joie incroyable quand on sait que ce peuple a lutté si fort pour son autonomie. C’est tout un peuple qui a dit Oui au changement ! », s’exclame Daniel, 20 ans et étudiant en économie. A peine la télévision locale avait-elle donné les résultats des sondages effectués à la sortie des urnes en fin d’après-midi, que la place du 24 septembre a été littéralement envahie par une marée humaine brandissant d’innombrables drapeaux aux couleurs de la région de Santa Cruz, le vert et le blanc. Très vite, le préfet de la région et leader autonomiste, Ruben Costas, prend la parole : « La réforme structurelle la plus importante de l’histoire du pays est en marche, lance-t-il devant la foule en liesse. Nous écrivons une nouvelle page glorieuse pour la Bolivie ».
D’après les premiers résultats, qui devront être confirmés dans les prochains jours, le Oui l’aurait emporté avec environ 85% des voix, soit largement plus que les 70% prévus par les derniers sondages. Un large succès pour les dirigeants de Santa Cruz, engagés depuis plusieurs mois dans un bras de fer avec le gouvernement pour faire approuver un statut d’autonomie avancée, qui confèrera à la région de larges pouvoirs de décision politique et économique au détriment du pouvoir central.
Parmi les prérogatives de la région consacrées par le statut autonomiste, se trouve l’administration des terres et des revenus financiers générés par la vente des ressources naturelles locales. Ce qui fait dire au gouvernement que le mouvement autonomiste n’est que le cache-nez d’une oligarchie régionale, essentiellement composée de grands propriétaires terriens, et qui ne lutte que pour des intérêts strictement privés. La réforme agraire lancée il y a peu par le président bolivien, et qui vise à redistribuer des terres jugées improductives aux communautés indigènes et paysannes, est effectivement dans la ligne de mire des secteurs conservateurs de Santa Cruz.
La victoire autonomiste a d’ailleurs été immédiatement contestée par le président bolivien Evo Morales dans un message télévisé. S’appuyant sur l’abstention enregistrée lors du scrutin, estimée entre 30 et 40%, le leader indigène a déclaré : « Ce référendum sur le statut d’autonomie est un échec total. Entre l’abstention, le vote « non » et le vote nul, on arrive à 50% de rejets du projet. Ce référendum illégal et anticonstitutionnel n’a pas eu le succès qu’attendaient quelques familles et groupes de Santa Cruz. Ils disaient que ça allait être une fête, et il y a eu de la violence ».
La journée électorale du dimanche 4 mai a été émaillée d'affrontements déclenchés par les partisans d'Evo Morales, qui ont tenté d'empêcher par la force le déroulement du scrutin.
En effet, le déroulement du scrutin a été émaillé de plusieurs incidents violents. Avant même l’ouverture du premier bureau de vote, des partisans du président Morales ont publiquement brûlé des urnes et des bulletins de vote au Plan 3000, le plus important quartier populaire de la ville, avant d’affronter à coups de pierres et de bâtons un groupe d’autonomistes. L’un des leaders de la manifestation, Jaime Choque s’est justifié : « Nous sommes ici, au Plan 3000, pour nous opposer symboliquement au vote pour l’autonomie. Nous sommes en rouge, jaune et vert, aux couleurs de la Bolivie, pour dire Non à la division du pays ».
Ces affrontements se sont répétés tout au long de la journée dans ce quartier, ainsi que dans plusieurs zones rurales de la région. Un homme âgé de 70 ans est d’ailleurs mort en marge de ces manifestations. Il aurait succombé à l’inhalation de gaz lacrymogène. Plusieurs dizaines de personnes ont également été blessées.
A noter la réaction du principal allié d’Evo Morales à l’étranger, le Vénézuélien Hugo Chavez, qui a souligné « la lutte du peuple bolivien contre la tentative de l’Empire nord-américain et de l’oligarchie bolivienne de détruire l’état de droit et l’intégrité territoriale de la Bolivie ».
Comme avant le scrutin, le pouvoir central et l’alliance entre les régions autonomistes campent donc sur deux positions antagonistes. Si le dialogue ne reprend pas entre les deux camps, la Bolivie pourrait expérimenter, au mieux, un blocage de ses institutions. Le débat sur les autonomies régionales en Bolivie est en tout cas loin d’être clos, d’autant que trois autres régions, sur les neuf que compte la Bolivie, ont convoqué des référendums sur l’autonomie à partir du mois prochain.
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