Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Liban

Combats à Beyrouth: l’opposition gagne du terrain

Article publié le 09/05/2008 Dernière mise à jour le 09/05/2008 à 10:30 TU

Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'est exprimé d'un endroit secret, le 8 mai 2008 à Beyrouth.(Photo : Reuters)

Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'est exprimé d'un endroit secret, le 8 mai 2008 à Beyrouth.
(Photo : Reuters)

Après de violents combats qui se poursuivaient vendredi matin, les partisans de l’opposition libanaise ont pris le contrôle d’une grande partie de la ville de Beyrouth. Le Hezbollah, dont le secrétaire général, Hassan Nasrallah, a parlé d’« une guerre déclarée contre la résistance », a rejeté une initiative de sortie de crise, proposée par le chef de la majorité parlementaire, Saad Hariri.

De notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh

Hassan Nasrallah avait à peine terminé une intervention par vidéoconférence que les combats reprenaient de plus belle dans plusieurs quartiers de Beyrouth, après une accalmie de quelques heures.

Le chef du Hezbollah, qui s’exprimait d’un endroit secret, a dénoncé une « déclaration et un début de guerre lancée contre la résistance par le gouvernement ». Celui-ci avait décidé, mardi, de démanteler le réseau de télécommunications sécurisé installé par le parti et de limoger le chef du service de sécurité de l’aéroport, jugé proche de la formation chiite. « Notre réponse à cette déclaration de guerre est notre droit à nous défendre, de défendre notre résistance, nos armes et notre existence », a martelé Hassan Nasrallah d’un ton ferme. « Nous trancherons la main qui osera nous priver des armes qui nous ont servi à battre Israël et à libérer le pays ». « Nous utiliserons nos armes pour défendre nos armes », a encore dit Nasrallah, qui avait promis que son parti ne retournerait jamais son armement contre d’autres Libanais.

Mais pour le chef du Hezbollah, la coalition au pouvoir, et plus particulièrement le Premier ministre Fouad Siniora et le chef druze Walid Joumblatt « sont à la solde des Etats-Unis et servent les intérêts d’Israël ». Le leader chiite, qui dirige une puissante formation politico-militaire qui a réussi à tenir Israël en échec lors de la guerre de l’été 2006, a donc légitimé l’utilisation de ses armes dans un conflit interne. « Une nouvelle étape vient de commencer. La crise ne s’arrêtera que lorsque le gouvernement reviendra sur ses décisions suspectes et acceptera l’appel au dialogue de Nabih Berry (le président du Parlement) », a-t-il dit.

Reprise des combats

Dès la fin de l’intervention d’Hassan Nasrallah, en fin d’après-midi, les combats reprennent dans plusieurs quartiers mixtes sunnites-chiites en plein cœur de Beyrouth. Des hommes en cagoule, armés jusqu’aux dents, remplacent dans les rues les bandes rivales de jeunes qui se lançaient insultes et pierres depuis le matin. Les accrochages se concentrent dans la région de Mazraa, dans le secteur ouest de la capitale, qui fait office de ligne de démarcation entre les quartiers sunnites et chiites. Fusils d’assaut, roquettes antichars et grenades sont utilisés.

Les affrontements s’étendent ensuite à Ras Nabeh, qui jouxte l’ancienne ligne de démarcation qui séparait les secteurs chrétien et musulman, pendant la guerre civile. La bataille, au cours de laquelle des mortiers de petit calibre font leur apparition pour la première fois, dure près de quatre heures. Les partisans de l’opposition, essentiellement des membres du Hezbollah et du mouvement Amal (dirigé par Nabih Berry), mais aussi des combattants de formations sunnites et de partis laïques, occupent trois permanences du Courant du futur, du chef de la majorité parlementaire, Saad Hariri. Leurs occupants s’enfuient ou sont capturés, avant d’être remis à l’armée libanaise.

Les partisans du Hezbollah bloquent l'accès de l'aéroport de Beyrouth avec des pneus en flamme.(Photo : Reuters)

Les partisans du Hezbollah bloquent l'accès de l'aéroport de Beyrouth avec des pneus en flamme.
(Photo : Reuters)

Tentative de sortie de crise

En milieu de soirée, Saad Hariri appelle, lors d’une intervention télévisée, le chef du Hezbollah à mettre fin au « siège » de la capitale et à « retirer les hommes armés des rues ». Il ajoute que « l'armée sera chargée du sort des décisions » prises par le gouvernement mardi. Il propose enfin l’élection immédiate à la présidence de la République du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane, qui se chargera de superviser le dialogue national.

Le chef druze Walid Joumblatt fait, lui aussi, les mêmes propositions annonçant, lors d’une interview télévisée, que son parti avait remis toutes ses permanences à Beyrouth à l’armée. Il appelle ses partisans à ne pas participer aux combats. Les deux leaders de la coalition du 14-Mars au pouvoir contactent Nabih Berry pour l’informer officiellement de leur offre. Celui-ci l’a rejette. « Il n’y a pas d’autre solution que celle proposée par Hassan Nasrallah », dit-il à ses interlocuteurs.

Faible résistance

Après l’échec de cette tentative de sortie de crise, les combats redoublent de violence. Des accrochages éclatent près de la résidence de Nabih Berry, dont un des gardes est tué. Les partisans de l’opposition progressent rapidement dans les différents quartiers de la capitale et ne rencontrent qu’une très faible résistance. Démoralisés et désorganisés, les miliciens du Courant du futur abandonnent leurs permanences, laissant derrière eux armes et munitions. Les appartements de plusieurs ministres du gouvernement Siniora tombent sous le contrôle de l’opposition. A l’aube, les combattants d’Amal et du Hezbollah n’étaient plus qu’à moins d’un kilomètre du palais des Hariri, dans la région de Koreytem.

Des combats ont lieu aussi dans d’autres régions du pays, Dans la localité de Saadnayel, dans la plaine de la Békaa, les affrontements font six blessés dont une femme et deux enfants. Les partisans de MM. Hariri et Joumblatt bloquent avec des pneus en flamme et des monticules de terre le col de Baïdar, qui mène vers la Békaa, et l’autoroute du Sud, les principaux fiefs du Hezbollah. Le parti de Hassan Nasrallah bloque, pour sa part, tous les accès vers l’aéroport, fermé pour la deuxième journée consécutive.

L’armée, restée neutre dans la crise qui secoue le pays depuis dix-huit mois, est complètement débordée. Son commandement lance un avertissement général. « La poursuite de cette situation porte un coup à l'unité de l'armée », précise un communiqué. Une manière indirecte de refuser d’appliquer l’état d’urgence que le gouvernement de Fouad Siniora a envisagé de décréter un certain moment.

La population prise entre deux feux

Pendant ce temps, le gouvernement a reçu le soutien du Caire, de Riyad et du Conseil de sécurité alors que pour Paris, la situation est « préoccupante ». Le Hezbollah doit cesser immédiatement de « semer le trouble », a averti Washington. Un responsable de l'ONU, Terje Roed-Larsen, s'est inquiété devant le Conseil de sécurité du fait que le Hezbollah dispose d'une « infrastructure paramilitaire massive en marge de l'Etat ».

Terje Roed-Larsen

Emissaire de l'ONU

« Le Hezbollah conserve une structure paramilitaire massive distincte de l'Etat. Ceci a un effet néfaste pour les efforts du gouvernement libanais en vue de bénéficier d'un monopole de l'usage de la force. »

écouter 1 min 8 sec

09/05/2008 par Philippe Bolopion


La Ligue arabe a exhorté les dirigeants libanais à « éviter les affrontements ou toute autre action qui pourrait provoquer l'escalade » des violences.

La population, prise entre le feu croisé des protagonistes, observe avec angoisse les Etats arabes en train d’évacuer leurs ressortissants. Pour de nombreux Libanais, trois guerres civiles en une vie, c’est déjà beaucoup…