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Liban

L'armée tente de désamorcer la crise

par  RFI

Article publié le 10/05/2008 Dernière mise à jour le 10/05/2008 à 23:33 TU

Le Premier ministre libanais Fouad Siniora, lors de son discours, le 10 mai 2008.(Photo : Reuters)

Le Premier ministre libanais Fouad Siniora, lors de son discours, le 10 mai 2008.
(Photo : Reuters)

Est-ce un geste conciliant après l'intervention de l'armée ? En tout cas, l'opposition au gouvernement pro-occidental annonce qu'elle va retirer ses hommes des rues de Beyrouth mais qu'elle maintient son mouvement de désobéissance civile. Les militaires sont entrés en scène, ce samedi, peu après la prise de parole du Premier ministre libanais. Les militaires, qui tiennent à une certaine neutralité, ont retiré deux mesures considérées comme des déclarations de guerre par le Hezbollah.

Pour la première fois depuis mercredi, depuis le début de la crise, l’armée libanaise monte en première ligne. A peine trois heures après l'adresse à la nation du Premier ministre Fouad Siniora, les militaires, qui tiennent à une certaine neutralité, ont retiré deux mesures considérées comme des déclarations de guerre par le Hezbollah. Ces mesures avaient été qualifiées par Hassan Nasrallah de « déclaration de guerre » et ce sont ces décisions qui avaient déclenché les combats  de rues.

Le gouvernement avait décidé mardi d’enquêter sur le réseau de télécommunications autonome du Hezbollah et de limoger le chef de la sécurité de l’aéroport de Beyrouth, un proche du parti chiite.

L’armée libanaise vient donc d’annoncer dans un communiqué que le général Wafik Chkeir est maintenu dans ses fonctions. Et elle précise qu’elle va s’occuper elle-même de la question du réseau de télécommunications du Hezbollah.

Rafic Hariri, le leader sunnite de la majorité gouvernementale, a aussitôt réagi, déclarant qu’il soutenait ces décisions.

Depuis le début des troubles, l’armée libanaise, au sein de laquelle toutes les confessions sont représentées, s’est abstenue d’intervenir pour désarmer les combattants. Elle s’est déployée massivement dans Beyrouth et dans le pays, pour tenter de s’interposer.

L’armée avait d'ailleurs lancé une mise en garde jeudi en rappelant que ces troubles risquaient de mettre en cause sa cohésion ; elle insistait également sur le fait qu'elle constituait la seule institution stable, solide et multiconfessionnellle de l’Etat. Son chef, le général Michel Sleimane, est d’ailleurs pressenti pour être élu à la présidence de la République.

Un premier pas

« La démocratie a été poignardée, comprenez par le Hezbollah, mais l'Etat libanais ne tombera pas ». S'adressant à la nation, pour la première fois depuis la prise de contrôle vendredi par le Hezbollah de Beyrouth-Ouest, le Premier ministre libanais a utilisé des mots durs.

Fouad Siniora a également comparé les barrages établis par les miliciens du Hezbollah dans les rues de Beyrouth-Ouest notamment le long de la route qui mène à l'aéroport de la capitale aux barrages établis par les Israéliens en Cisjordanie. En fait, le Hezbollah mène une guerre contre l'Etat et contre tous les citoyens libanais, a encore ajouté le Premier ministre du Liban. Voilà pour les amabilités.

Reste que concernant le réseau téléphonique du parti de Dieu que le gouvernement voudrait voir démantelé, il n'en est plus question pour le moment. C'est donc une volonté d'appaisement. Mais pour autant les choses ne sont pas simples.

Le Premier ministre affirme rechercher une solution politique et demande au Parti de Dieu de retirer tous les hommes en armes des rues et d'accepter l'élection immédiate d'un nouveau président de la République.

La première exigence pourrait être facilement appliquée. En revanche, la seconde n'est pas évidente. En échange, le Hezbollah demande notamment une minorité de blocage pour l'opposition au sein du gouvernement. Or sur cette question, on est toujours loin d'un compromis. Le gouvernement en revanche, a fini par accepter qu'une nouvelle loi électorale soit mise au point.

Choses vues avec notre correspondante à Beyrouth, Diane Galliot

Beyrouth ressemble à une ville en état de siège. Partout dans la ville, il y a les restes des affrontements de ces derniers jours - tout a commencé mercredi - partout aux carrefours stratégiques ; en fait, un peu sur le tracé de l’ancienne ligne verte, cette ligne de démarcation, qui, pendant la guerre civile, séparait les quartiers chrétiens des quartiers musulmans, il y a des poubelles brûlées, des restes de pneus calcinés, des carcasses de voitures. Et puis dans les quartiers de Beyrouth-Ouest, des vitrines brisées, des impacts de balles un peu partout. On entendait quand même encore quelques tirs sporadiques ; un peu moins ce samedi matin, mais on savait que ce calme risquait de ne pas durer.

Il fallait aussi enterrer les victimes de vendredi. Il y a donc eu des obsèques samedi matin et l’une de ces cérémonies a tourné au bain de sang. Cela s’est passé justement dans ce quartier de Beyrouth-Ouest, un quartier musulman. Des partisans de la majorité commençaient à scander des slogans hostiles au Hezbollah, lors des funérailles de l’un des leurs qui avait été tué la veille dans ces combats de rue. Un homme du Hezbollah, apparemment seul et sans doute en colère – cela semble être un acte isolé – s’est mis à mitrailler la foule : il y a 6 morts, plus d’une trentaine de blessés, un bilan encore provisoire parce que certains de ces blessés sont grièvement atteints. Sans doute un événement isolé, mais toutes les conséquences possibles sont envisageables...

Quasiment au même moment, il y avait à Tripoli, au nord du Liban,  – près de la ville de Halba – des combats, des batailles rangées entre les partisans des deux camps. Ces partisans du Courant du Futur, le parti du leader sunnite de la majorité Saad Hariri, qui ont pris d’assaut la localité de Halba, chef-lieu du Akkar. Un assaut contre le Parti social nationaliste syrien, le parti laïc libanais qui est dans l’opposition. Cette fois, ce ne sont ni le Hezbollah, ni le parti Amal, les partis chiites, qui sont en cause. Pour le moment, le bilan est de 14 morts, dont des civils, et plusieurs blessés. Par ailleurs, on a entendu aussi des tirs à l’arme lourde à la mi-journée, à Idbil, une autre localité du Akkar. A Tripoli, également, une permanence du parti Baas libanais a été incendiée. Depuis, il y a des combats dans la ville.

Mais que font les diplomates ?

Pour ce qui est de la diplomatie, elle s’active, pour l’instant sans résultats. Du côté de Beyrouth et du côté des Libanais, on doute beaucoup de ce qui peut advenir de cette diplomatie, qu’elle soit occidentale ou arabe, puisque pour le moment, elle n’a rien donné. Il y a eu – je vous le rappelle – une médiation européenne pour tenter de sortir de cette crise politique. Elle a duré quelques mois, à l’automne. La Ligue arabe a pris le relais, mais toujours sans résultats.

Il faut aussi savoir que les diplomates ne peuvent pas venir à Beyrouth. Il y a une délégation saoudienne qui est arrivée au Liban, samedi et qui aurait été refoulée par des combattants à la frontière syrienne. Pour résumer, du côté du Liban en tout cas, il y a beaucoup de doutes sur les possibilités de médiation. Il y a tout de même dimanche la réunion de la Ligue arabe, réunion ministérielle extraordinaire. Et puis, les Occidentaux, notamment les Européens, ont réaffirmé leur volonté de soutenir le gouvernement de Fouad Siniora, mais de soutenir surtout les efforts de paix.

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