Article publié le 10/05/2008 Dernière mise à jour le 11/05/2008 à 04:44 TU
Pour la première fois depuis 18 ans, les Birmans ont voté, lors d'un référendum organisé par la junte militaire au pouvoir sur sa nouvelle Constitution. « Un succès » selon le régime militaire, « avec une participation massive » selon les médias officiels. La consultation a été maintenue malgré les ravages du cyclone Nargis il y a 8 jours, qui selon les observateurs a fait au bas mot plus de 100 000 morts ou disparus et au moins un million de sinistrés, même si le régime parle de 23 000 morts. Le scrutin n'a été reporté que dans les régions les plus sinistrées, notamment dans certaines municipalités dans les régions de Rangoon et du delta de l’Irrawaddy (sud-ouest). Dans les zones les plus touchées, les secours ont toujours beaucoup de mal à arriver, le régime voulant tout contrôler.
Au nord de Rangoon, le reportage du journaliste Rémy Favre

Le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés a annoncé qu'un premier convoi de 20 tonnes d'aide est arrivé en Birmanie depuis la Thaïlande.
(Photo : AFP)
Dans cette petite ville du nord de Rangoon, le vote a eu lieu dans les écoles et les hospices. A leur arrivée dans le bureau de vote, les électeurs reçoivent un papier vierge. Puis, derrière un petit rideau, ils marquent au stylo, soit un petit « v » pour le vote « oui », soit une croix pour le vote « non ». Ensuite, ils plient leur bulletin et le glissent dans l’urne devant les scrutateurs.
Un habitant qui a voté « non » disait qu’il avait vu trois ou quatre policiers dans le bureau de vote de son quartier, mais que les membres de l’USDA, cette milice du pouvoir qui regroupe plusieurs millions de membres, n’étaient pas très présents. Dans l’après-midi, un proche du pouvoir s’est déplacé au domicile d’une famille qui ne s’était pas encore rendue au bureau de vote et il a demandé à ces gens de participer à la consultation électorale, ce qu’ils ont fait ensuite.
Une autre votante qui a refusé de révéler son choix a laissé sous-entendre que les fonctionnaires de la ville avaient été obligés de voter « oui ».
La présence policière était assez marquée sur la route qui mène à cette localité, au nord de Rangoon.
| L'aide humanitaire arrive au compte-gouttes |
Quelques avions affrétés par des ONG obtiennent l'autorisation d'atterrir, d'autres pas. Le Programme alimentaire mondial (PAM) affirme que la junte vient de confisquer deux cargaisons d'aide des Nations unies arrivées par avion. Les Etats-Unis annoncent que le gouvernement a accepté qu'un de leurs avions-cargos militaires se pose lundi sur l'aéroport birman. Un premier convoi terrestre en provenance de Thaïlande a pu franchir samedi la frontière. Quant au bateau de la Marine française chargé de 1 500 tonnes de matériel, il a appareillé d'Inde. Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, prévient qu'il n'est pas question de fournir une aide directe à la junte même si elle l'accepte. Concrètement, cela veut dire que l'aide française doit être distribuée directement aux victimes par des hélicoptères de l'armée. Les ONG qui étaient présentes avant la catastrophe essaient d’apporter une aide de première urgence aux sinistrés, notamment aux sans-abris. Mais elles aussi doivent composer avec les autorités. Reportage à Rangoon, Rémy Favre Ils chargent des sacs de riz de 50 kilos, des bouteilles d’huile, des boîtes de conserve, des savons et du sel. Ces humanitaires birmans et étrangers d’une ONG internationale installée à Rangoon se préparent pour aller distribuer une aide d’urgence à des sans-abris dans la banlieue ouest de Rangoon. Mais arrivées devant la porte de l’école où 65 familles sinistrées se sont réfugiées, les autorités locales exigent que la distribution ait lieu, non pas à l’école, mais à leur bureau. L’ONG accepte. Le chef du village donne des ordres, fait de grands gestes, comme si c’était lui qui coordonnait les opérations humanitaires, alors que ce n’est pas le cas. Les sinistrés se regroupent devant les humanitaires qui conditionnent l’aide alimentaire dans des petits sacs. Cette ONG dispose d’une liste de noms de sans-abris regroupés à l’école ; liste dressée par les autorités locales. Peut-on leur faire confiance ? « Je ne peux pas garantir qu’il n’y ait pas de détournement. On ne peut jamais l’assurer à 100% », regrette un membre de cette organisation humanitaire. |
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