par Patrice Biancone
Article publié le 14/05/2008 Dernière mise à jour le 14/05/2008 à 14:49 TU
Pour une surprise, c'est une surprise. Voilà qu'un projet de loi très controversé a été rejeté par l'Assemblée nationale où la droite dispose, faut-il le rappeler, d’une large majorité. La motion de procédure du Parti communiste français défendue par André Chassaigne a été adoptée par136 voix contre 135. Cela signifie que 271 députés seulement sur 577 ont pris part au vote sur les OGM. A droite, certains élus ruraux ont boudé un projet de loi qu'ils critiquaient très sévèrement. Alors que tout semblait jouer, le projet de loi du gouvernement a été annulé lors de sa dernière lecture à l’Assemblée nationale.
Le coup est rude pour Nicolas Sarkozy. Depuis la défaite aux élections municipales il s'était employé à changer son image, à endosser les habits de président de la République. Il avait fait de gros efforts pour calmer sa majorité qui s'inquiétait de sa dégringolade dans les sondages. Il avait confirmé le cap politique. Et il avait même expliqué qu’il fallait accélérer le rythme des réformes pour parvenir à surmonter les difficultés économiques que la France rencontre actuellement.
Hélas pour lui, manifestement, le message a été mal compris ou tout simplement adressé à des députés désormais sourds aux arguments présidentiels. Résultat : le Premier ministre est contraint d'organiser un troisième examen du texte sur les OGM par une commission mixte paritaire (7députés et 7 sénateurs). Et, Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale se serait vu « passer un double savon » par l'Elysée et par Matignon pour mauvaise gestion de la majorité parlementaire.
L’arme de l’absence
Cent trente six voix pour l’opposition contre 135 pour la majorité. Ce n'est pas le premier rejet-surprise : on se souvient notamment du projet de loi visant à créer le PACS en 1998, sous Lionel Jospin. Mais aujourd'hui l’adoption de la motion de procédure PCF défendue par André Chassaigne prend une autre dimension.
Hier soir, Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement avait beau parler d'un aléa de procédure, d'un incident de séance, pour expliquer l'affaire. Il avait beau dire que les élus de la majorité avaient préféré d'autres occupations et que le texte serait adopté en l'état, ou presque, par la commission mixte paritaire, il n'en reste pas moins que l'épisode est symbolique des divisions et des mécontentements croissants de la majorité. A l'heure où l'on parle de donner plus de pouvoir au Parlement, voilà, en effet, que les parlementaires UMP s’émancipent, qu’ils votent - ou ne votent pas - comme bon leur semble, un peu comme on devance l'appel.
La commission mixte paritaire
La procédure législative est claire : le recours à la commission mixte paritaire consiste en une tentative de conciliation. C’est tout simplement un troisième examen du projet de loi. Les 7 députés et les 7 sénateurs désignés auront pour mission de trouver un texte de compromis. Ils peuvent décider de retenir la rédaction précédemment adoptée par l’une ou l’autre des assemblées, puisque le texte a déjà été examiné deux fois. Ou bien élaborer, pour certains articles, une rédaction nouvelle, rédaction dite de transition. A ce stade deux possibilités. Si la commission mixte paritaire trouve un compromis, le gouvernement peut soumettre le nouveau texte aux assemblées ou l’écarter s’il ne lui convient pas. Et s’il y a échec, s’il n’y a pas un texte de compromis, alors le gouvernement peut donner le dernier mot à l’Assemblée nationale après un passage devant les sénateurs.
La démarche de Matignon, le recours à la commission mixte paritaire, est contestée par l’opposition. Elle explique notamment que la désignation de ses membres se faisant à la proportionnelle et l’UMP dominant les deux assemblées, la seule possibilité est que la majorité reste majoritaire au sein de la commission, ce qui constitue, à ses yeux, un passage en force.
Depuis hier soir, les responsables de la majorité font profil bas. Ils parlent « d’incident de séance » qui sera vite rectifié et refusent de s’appesantir sur les divisions internes qui n’en seraient pas. Une version des évènements démentie par un autre couac survenu, ce matin, en commission des Affaires étrangères présidée par Axel Poniatowski. Saisie pour avis sur le projet de loi constitutionnelle de réforme des institutions, elle vient de rejeter le texte car des voix UMP se sont jointes à celle de l’opposition.Sur le même sujet
A écouter
Professeur à Sciences Po et auteur de «L'opinion européenne en 2008»
« Depuis les élections municipales, les élus de l'UMP doutent de Nicolas Sarkozy [...], c'est devenu l'homme qui fait perdre. Il y a une espèce d'insurrection, et ce qui est embêtant pour Nicolas Sarkozy c'est que cela vient après son émission télévisée qui était censée mettre fin à cette période de cacophonie. »
14/05/2008 par Frédérique Jenot