Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Colombie

Une dirigeante de la guérilla se rend

par Jean-Pierre Boris

Article publié le 20/05/2008 Dernière mise à jour le 20/05/2008 à 09:51 TU

La rebelle des FARC Nelly Avila Moreno, <em>alias</em> Karina.(Photo : Reuters)

La rebelle des FARC Nelly Avila Moreno, alias Karina.
(Photo : Reuters)

Sept semaines après la mort de Raul Reyes, numéro 2 des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), l’armée colombienne vient d’infliger un nouveau revers à la guérilla : la commandante Karina qui dirigeait l’un des « fronts » les plus violents de la rébellion s’est rendue dimanche après avoir passé 24 ans dans la clandestinité.

Le visage couturé de cicatrices, un œil perdu au combat, Nelly Avila Moreno, plus connue sous son nom de guerre  « Karina » était depuis de longues années l’une des personnalités les plus recherchées par l’armée colombienne. Après s’être engagée à l’âge de vingt-trois ans, cette afro-colombienne, s’était vite imposée comme l’une des combattantes les plus opérationnelles au sein du front 47, l’un des multiples bataillons que la guérilla colombienne entretient sur tout le territoire colombien. Remarquée par ses chefs pour ses aptitudes au commandement et pour son sang-froid, elle est vite propulsée à la tête des unités qui opèrent dans la province d’Antioquia, autour de la ville de Medellin, l’une des plus importantes du pays. Au total, ces unités regroupent 350 guérilleros qu’elle dirige d’une main de fer.

Les attaques auxquelles participent ces commandos sont sanglantes. Entre 1994 et 1996, on leur impute quatre massacres dans la population civile dans la région d’Uraba, une région agricole et bananière. Deux autres tueries commises en 1999 leur sont également reprochées. Sous la responsabilité de « Karina », de nombreuses prises d’otages auraient été effectuées ainsi que des attaques contre des camps militaires. Le plus récent de ses faits d’armes, en tout cas parmi ceux qui sont connus, remonte à décembre 2005. L’attaque d’un poste de police avait fait huit morts. Trente policiers avaient été pris en otage. Certaines informations imputaient également à la commandante Karina l’assassinat du père de l’actuel président Alvaro Uribe.

Des effectifs décimés

Pour toutes ces raisons, le front 47 des FARC était devenu l’un des principaux objectifs de l’armée colombienne, comme l’a confirmé ce lundi 19 mai 2008,  le ministre de la défense Juan Manuel Santos. Peu à peu, les effectifs de la guérilla ont été décimés. Leurs communications avec les autres « fronts » ont été rendus impossibles. Leurs déplacements ont été paralysés. Parallèlement à l’affaiblissement militaire, une intense campagne psychologique était menée. Une récompense importante, environ un million de dollars, était promise à qui permettrait la capture de Karina.

Dans ce contexte, la résistance devenait de plus en plus difficile. Après la mort de Raul Reyes, tué le 1er mars dernier dans un bombardement du camp où il se trouvait, en territoire équatorien, le coup de grâce était donné par l’assassinat d’un autre membre du « secrétariat » des FARC, Ivan Rios, abattu le 7 mars par un de ses gardes du corps. Il se trouve que Rios était le chef direct de Karina et que le garde du corps ayant cédé aux sirènes gouvernementales était un des hommes de la commandante. Avec des effectifs réduits à leur plus simple expression, privée depuis deux ans de tout contact avec la direction centrale de la guérilla, affamée, menacée d’être abattue par un de ses camarades de combat aspirant à toucher la récompense promise pour sa tête, Karina subissait également la pression de sa famille qui lui suggérait de rendre les armes.

Peur des représailles des FARC

Depuis deux semaines, elle avait engagé des négociations avec les militaires pour négocier sa reddition. Le 2 mai dernier, le président Alvaro Uribe lui avait lancé un appel qui semblait alors incompréhensible. On sait aujourd’hui que les discussions étaient alors en cours pour lui assurer qu’elle ne serait pas maltraitée après s’être rendue. La promesse semble avoir été tenue. Nelly Avila Moreno est apparue devant les médias quelques heures après avoir quitté les FARC.

L’ancienne guérillera a lancé un appel à la démobilisation de ses compagnons d’armes. « Je ne sais pas où ils en sont maintenant au niveau national » a-t-elle expliqué « Tout ce que je sais, c’est qu’ils craquent. Je pense que les FARC sont décimées » a-t-elle ajouté. Elle a aussi démenti être à l’origine de la mort du père du président de la République et expliqué qu’on lui attribuait plus de crimes que ce qu’elle avait réellement commis.

Cela dit, « Karina » devra répondre de ses actes devant la justice colombienne. Elle est poursuivie pour trois massacres, en 1999 et en 2002.  Mais ce qui effraie surtout Nelly Avila Moreno, qui connait la cruauté de ses ex-compagnons d’armes, ce sont les représailles des FARC contre sa famille.