par David Baché
Article publié le 20/05/2008 Dernière mise à jour le 21/05/2008 à 01:55 TU
Ce ne sont que des ajustements. La réforme date de 2003, et le « bilan de santé » de la PAC rendu public mardi 20 mai par la Commission européenne ne fait que l'adapter. N'empêche, les agriculteurs les plus subventionnés, à commencer par les Français, s'inquiètent.
Pour le moment, les changements proposés ne sont pas radicaux, mais ils semblent amorcer une modification structurelle de taille. Bruxelles souhaite ainsi accélérer la réduction des aides directes aux agriculteurs : actuellement, les agriculteurs percevant plus de 5 000 euros perdent 5% des ces subventions chaque année. Bruxelles veut que ce chiffre passe à 17% d'ici 2012. Les sommes libérées continueraient d'être affectées au secteur agricole, non plus comme aides directes aux agriculteurs, mais pour favoriser le « développement rural », un concept qui regroupe la protection de l'environnement, la préservation de la biodiversité ou encore l'entretien du paysage.
Autrement dit, ces aides agricoles ne seraient plus directement liées à la production. C'est ce qu'on appelle, dans le jargon bruxellois, le « découplage » des subventions. Surtout, le budget alloué au développement rural serait cofinancé par les Etats membres, une manière d'impliquer davantage chaque Etat dans sa politique agricole.
Et c'est justement l'idée de certains pays membres : restreindre le budget communautaire et forcer les pays qui profitent le plus de la PAC à mettre davantage la main à la poche. Le principe serait d'intégrer, à terme, le budget de la PAC aux autres mécanismes de financements européens. En clair, de mettre un terme au système actuel de la PAC, qui représente environ 35% du budget de l'UE et dont les pays membres bénéficient inégalement.
Le Royaume-Uni et la pauvreté
Au premier rang des pays qui n'y trouvent pas leur compte, le Royaume-Uni.
Le 14 mai dernier, lors de la réunion des ministres des Finances de l'Union, le Britannique Alistair Darling avait déjà remis une lettre à ses homologues les exhortant à supprimer les subventions agricoles ainsi que les mécanismes de prix garantis aux exploitants. Motif invoqué : leur responsabilité dans l'inflation des prix des produits agricoles, et donc dans la crise alimentaire qui touche notamment les pays en développement. Un motif qui n'est, il est vrai, pas un simple alibi de circonstances. Les pays africains réclament d'ailleurs, eux aussi, la fin des subventions agricoles européennes – ainsi qu'américaines – qui minent leur propre agriculture locale. Car les produits locaux ne peuvent rivaliser avec les importations occidentales, dont le prix est rendu, même lorsqu'il augmente, ultracompétitif par les aides.
Ce mardi, à Bruxelles, la plupart des ministres de l'Agriculture européens sont cependant montés au créneau pour défendre la PAC et récuser les accusations britanniques. « Il y a beaucoup de raisons expliquant la hausse des prix des denrées alimentaires, c'est pourquoi je ne ferais pas de lien direct avec la Politique agricole commune », a ainsi déclaré Iztok Jarc, ministre de l'Agriculture de la Slovénie, pays qui assure actuellement la présidence de l'UE.
La présidence française
Plusieurs pays restent ainsi réfractaires à une évolution profonde de la PAC. C'est le cas notamment de l'Allemagne, du Portugal, de la Roumanie, et, bien sûr, de la France. Une situation qui promet d'être pour le moins cocasse : c'est le premier bénéficiaire de la PAC, et donc son premier défenseur, qui sera chargé de mettre en oeuvre les mesures qui amplifient son démantèlement.
C'est en effet sous la présidence française, en décembre prochain, que doivent être adoptées les propositions de ce « bilan de santé », des propositions qui doivent couvrir la période allant jusqu'en 2012. La réforme en profondeur de la PAC n'a donc pas encore vraiment commencé, mais ces ajustements lui ouvrent la voie comme on plante les graines. Récolte prévue lors de la prochaine mise à plat du système, en 2013.
Les propositions de la Commission pour réviser la PAC |
Fin des jachères - Après la suppression temporaire déjà décidée l'automne dernier, pour une saison, de la mise en jachère obligatoire d'une partie des terres de l'UE, elle propose l'arrêt définitif de ce système, apparu en 1988 pour lutter à l'époque contre la surproduction. - Face aux inquiétudes de pays comme la France ou l'Autriche, qui redoutent qu'en ouvrant les vannes de la sorte on fasse baisser les prix et mette en danger les éleveurs de régions fragiles comme les zones de montagnes (où les coûts de production sont plus élevés qu'en plaine), les Etats membres pourront verser des aides ciblées. Pas de lien entre subvention et production - La Commission veut supprimer ce qui reste du « couplage » des aides dans l'UE, à savoir déconnecter totalement le montant des subventions versées aux agriculteurs des quantités produites. De nombreuses exemptions subsistent depuis la réforme de 2003, dans l'élevage et le secteur céréalier principalement. L'idée est de verser partout des subventions sur une base forfaitaire, liée par exemple à la taille des surfaces, et non plus par rapport à ce que les agriculteurs ont perçu dans le passé. -Suppression des subventions versées depuis 2002 pour encourager les cultures servant aux biocarburants dits de première génération, c'est-à-dire faits à partir de produits servant aussi à l'alimentation, comme le colza, la demande étant jugée suffisamment forte. Cette prime était de 45 euros par hectare. AFP |
A écouter
Directeur général de l'agriculture à la Commission européenne
« Le marché signale aux agriculteurs qu'il est temps de produire plus... Néanmoins, il faut conserver des outils, des filets de sécurité, si la situation devient moins favorable... »
21/05/2008 par Francine Quentin
Eurodéputé Vert
« Nos méthodes de stabilisation des revenus paysans ont conduit à une agriculture produisant trop, avec trop d'engrais... Nous, les Verts, souhaitons des subventions à la personne... »
21/05/2008 par Piotr Moszynski
Chercheur à l'INRA et au CIRAD
« L'objectif est de supprimer les aides aux agriculteurs mais avant de les supprimer on va les rendre uniformes par hectare. On va avoir une prime unique à l'hectare. »
20/05/2008
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