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Géorgie

Un test «encourageant»

par Piotr Moszynski

Article publié le 22/05/2008 Dernière mise à jour le 22/05/2008 à 17:37 TU

Le président géorgien Mikheïl Saakachvili, après le vote des élections législatives, le 21 mai 2008 à Tbilissi.(Photo : Reuters)

Le président géorgien Mikheïl Saakachvili, après le vote des élections législatives, le 21 mai 2008 à Tbilissi.
(Photo : Reuters)

Le parti du président géorgien pro-occidental Mikheïl Saakachvili arrive très largement en tête des résultats des élections législatives du 21 mai. L’opposition conteste les chiffres officiels, mais l’ampleur du mouvement de protestation n’a rien à voir avec la vague de manifestations d’automne 2007, qui a amené le président Saakachvili à décréter l’état d’urgence.
Il y a à peu près six mois, 50 000 Géorgiens descendaient dans les rues de Tbilissi pour réclamer le départ de Mikheïl Saakachvili, accusé notamment de ne pas avoir tenu ses promesses quant à l’amélioration de niveau de vie de ses compatriotes. Pourtant, déjà à l’époque, le nombre de manifestants décroissait assez rapidement au fil des jours pour se stabiliser au niveau de sept à quinze mille, peu avant l’instauration de l’état d’urgence. Mercredi soir, mille personnes seulement protestaient contre l’annonce présidentielle de la victoire du Mouvement national uni. Il est vrai que le triomphalisme était un peu prématuré, car fondé uniquement sur les résultats du premier sondage de sortie des bureaux de vote. Néanmoins, les résultats officiels confirment la tendance indiquée par le sondage et la mobilisation des partisans de l’opposition n’est aucunement comparable à celle de 2007.

Navigation habile

Mikheïl Saakachvili semble récolter les fruits d’une navigation assez habile entre les pressions de l’opposition à l’intérieur du pays et les pressions russes à l’extérieur. Le problème stratégique numéro un est pour lui le positionnement de la Géorgie par rapport à son puissant voisin russe qui n’entend pas laisser une nouvelle ex-république soviétique – après les pays baltes et l’Ukraine – s’arrimer trop solidement au camp occidental. De ce point de vue, la Russie a clairement intérêt à faire partir Saakachvili aussi rapidement que possible : il est l’incarnation même de l’orientation pro-occidentale.

Moscou a soutenu, y compris militairement, la sécession de fait de deux régions géorgiennes. Ce n’est certainement pas un hasard si la tension autour de l’Abkhazie a atteint juste avant les élections en Géorgie le niveau qui faisait parler des deux côtés de la frontière d’une possible « guerre ». Pourtant, sur le plan intérieur géorgien, les Russes semblent avoir obtenu un résultat contraire à leurs objectifs. L’opposition a beau critiquer Saakachvili en tant que personnage controversé, dans la situation d’un conflit ouvert avec la Russie, il prend l’allure d’un héroïque défenseur de l’indépendance nationale contre l’ancien occupant. Ainsi, beaucoup de Géorgiens vont hésiter à manifester contre lui en ce moment, estimant qu’il est dans leur intérêt supérieur de ne pas apparaître trop divisés face aux Russes.

La partie que joue Saakachvili avec les Occidentaux n’est pas moins compliquée. Sans leur appui, il n’a aucune chance de résister aux pressions et manipulations du Kremlin, qui considère la région du Caucase non seulement comme sa zone d’influence traditionnelle, mais aussi comme un territoire à haute importance stratégique.

Les Occidentaux – et en particulier le Américains – se rendent également compte de cette importance, mais ne sont pas très enclins à appuyer ouvertement des régimes ne répondant pas aux normes démocratiques de base. Ils ont très mal réagi à l’instauration d’état d’urgence en réponse aux émeutes à Tbilissi. Le président géorgien paraissait assez surpris, voire agacé, par cette réaction, mais il a su s’adapter. L’état d’urgence a été levé rapidement et Saakachvili a manœuvré efficacement pour affaiblir et diviser l’opposition avant que les Géorgiens ne se rendent aux urnes pour la présidentielle (qu’il a gagnée), et maintenant pour les législatives. Il a donc fait de véritables efforts pour jouer le jeu démocratique.

Non sans mal, quand même. L’opposition parle d’un climat de peur créé, selon elle, par de nombreuses « intimidations » de ses sympathisants, et même de « plusieurs passages à tabac » de ses militants. Elle évoque aussi des « tricheries » et des « truquages » ; bref, des fraudes. Bien sûr, on peut dire que l’opposition fait toujours tout pour ternir l’image du pouvoir en place et que l’on dit souvent tout et n’importe quoi lors d’une campagne électorale. Le problème, c’est que l’opposition n’est pas la seule à avoir des doutes. Ils sont visiblement partagés par une autorité incontestable en matière d’observation des élections : l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Elle a envoyé 550 observateurs sur place. Leurs premières conclusions ne sont peut-être ni dramatiques ni vraiment accablantes pour le gouvernement, mais on sent bien que l’OSCE a du mal à donner un plein satisfécit aux autorités géorgiennes.

Langage diplomatique

Le langage est très diplomatique. « Les acteurs politiques en Géorgie ont fourni des efforts pour organiser hier des législatives conformes aux normes internationales ». Voilà pour le côté « vous avez bien essayé ». La suite de la phrase est moins réjouissante : « mais un certain nombre de problèmes ont été identifiés, rendant leur mise en œuvre inégale et incomplète ». Voilà donc pour le côté « mais vous avez moyennement réussi ». Et cela continue dans le même style, toujours avec un « mais » : « Les partis ont pu mener leur campagne activement mais il y a eu de nombreuses allégations d'intimidations dont certaines ont pu être vérifiées ». Les observateurs affirment aussi avoir subi des « pressions » eux-mêmes et avoir constaté des « manquements importants » lors du comptage des voix. Néanmoins, ils qualifient les élections de « généralement positives ». Le chef de la mission d’observation de l’OSCE Joao Soares a reconnu que le scrutin « n’était pas parfait », mais il a souligné que des progrès par rapport à la présidentielle de janvier dernier ont été accomplis.

La grande question est maintenant de savoir quelles conclusions politiques en tireront les partenaires occidentaux de la Géorgie, qui voulaient voir dans ces élections un test de la démocratie. Quelle moitié du verre géorgien préféreront-t-ils voir : la pleine ou la vide ? Les premières indications semblent être contenues dans la réaction de la présidence slovène de l’Union européenne, qui qualifie les premiers rapports sur les législatives géorgiennes d’ « encourageants ».