Article publié le 26/05/2008 Dernière mise à jour le 26/05/2008 à 07:13 TU
Michel Sleimane a prêté serment devant un parterre d'invités dont l’émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al-Thani, le 25 mai 2008 à Beyrouth.
(Photo : Reuters)
De notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh
Les Libanais n’osaient plus y croire mais le miracle est finalement arrivé. Après six mois de vacance à la tête de l’Etat, le Parlement a élu à la présidence de la République le commandant en chef sortant de l’armée, le général Michel Sleimane, mettant ainsi fin à la crise politique qui secoue le Liban depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, en février 2005. Une crise qui a failli plonger le pays dans la guerre civile et qui a culminé avec les affrontements armés entre les partisans de la majorité et de l’opposition, du 8 au 11 mai.
L’élection du général Sleimane est le couronnement de l’accord politique conclu entre majorité et opposition à Doha, le mercredi 14 mai. La séance électorale s’est déroulée au Parlement, dans le centre-ville de Beyrouth, en présence d’un parterre impressionnant de dirigeants et d’hommes politiques étrangers et de plus de 700 journalistes. C’était l’élection présidentielle la plus médiatisée de l’histoire du Liban. L’émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa al-Thani, qui a parrainé l’accord de Doha, était l’invité d’honneur. Etaient notamment présents le Premier ministre turc, les ministres des Affaires étrangères de Syrie, d’Iran, d’Arabie Saoudite, de France, d’Italie, d’Espagne et d’une quarantaine d’autres pays arabes et européens.
Michel Sleimane, 12ème président du Liban depuis l’indépendance en 1943, et 4ème depuis la fin de la guerre civile, a été élu par 118 voix sur les 127 membres du Parlement. Six députés qui protestaient contre la procédure constitutionnelle ont déposé des bulletins blancs.
Préserver l’unité de l’armée
Après l’annonce des résultats par le président du Parlement Nabih Berry, des tirs de joie ont éclaté dans les différentes régions du pays. Dans sa ville natale d’Amchit, à 40 kilomètres au nord de Beyrouth, la foule a fait la fête pendant des heures au rythme des chants patriotiques et des danses folkloriques.
Michel Sleimane, un officier d’infanterie, dirige l’armée libanaise depuis 1998, lorsque son prédécesseur Emile Lahoud avait été élu à la présidence avec le soutien de la Syrie. Il est diplômé de l’école militaire en 1970 et a suivi plusieurs stages de formation et de perfectionnement en Belgique, en France et aux Etats-Unis. Après la fin de la guerre civile, en 1990, il a été nommé chef des services de renseignement militaires dans la région chrétienne du Mont-Liban. Il a ensuite dirigée de 1993 à 1996 la 11ème brigade d’infanterie mécanisée. Ce père de famille discret a su préserver l’unité de l’armée libanaise en dépit de la grave crise politique qui a secoué le Liban ces trois dernières années. Son autre exploit a été d’avoir écrasé l’organisation intégriste sunnite Fatah al-Islam, après une bataille qui a duré trois mois, du 20 mai au 2 septembre 2007. Les combats avaient fait 400 morts, dont 170 militaires.
Certains dirigeants de la coalition pro-américaine du 14-Mars lui ont reproché de ne pas avoir empêché les combattants de l’opposition de prendre le contrôle de Beyrouth, le 8 mai dernier. Toutefois, le général a rejeté ces critiques, expliquant que toute implication de la troupe aux côtés de l’un des protagonistes libanais pendant la crise aurait provoqué son éclatement.
Les intérêts de la nation
Après son élection, le nouveau président a prêté serment puis a prononcé son discours d’investiture. Placé sous le titre de l’entente et de la réconciliation, ce programme présidentiel aborde, sans hésitation mais avec prudence, toutes les questions y compris les plus délicates, comme celles des relations avec la Syrie et des armes du Hezbollah. « Je vous appelle, politiciens et citoyens, à entamer une nouvelle phase appelée le Liban et les Libanais, afin de réaliser les intérêts de la nation », a-t-il dit.
Il a exprimé son appui au tribunal international chargé de juger les assassins de Rafic Hariri, tout en plaidant pour des « relations privilégiées » entre le Liban et la Syrie. Celles-ci doivent être basées sur le respect réciproque de la souveraineté et de l’indépendance et sur l’établissement de relations diplomatiques. Il a rendu hommage à la résistance (en allusion au Hezbollah) qui a libéré la terre et qui se justifie par la poursuite de l’occupation des fermes de Chebaa par Israël. Mais il a appelé à l’élaboration d’une stratégie défensive pour régler le problème des armes de la résistance, ajoutant que les réalisations accomplies par celle-ci risquent de se perdre dans les méandres de la politique interne. Une allusion à l’utilisation par le Hezbollah de ses armes lors d’un conflit intérieur. Il a enfin réclamé la libération des détenus libanais (en Syrie et en Israël) et au retour des Libanais réfugiés en Israël depuis l’an 2000 par crainte de représailles pour avoir collaboré avec l’armée israélienne.
L’élection de Michel Sleimane a suscité un vaste élan d’enthousiasme mais de nombreux Libanais savent pertinemment que le nouveau président ne peut pas accomplir à lui tout seul des miracles. Car le chef de l’Etat, qui est toujours un chrétien maronite, ne dispose que de prérogatives limitées depuis la conclusion de l’accord de Taëf qui a mis fin à la guerre civile, en 1989.
Le président ne peut pas dissoudre le Parlement ni révoquer le Premier ministre, choisi après des consultations parlementaires contraignantes. Il préside le conseil des ministres sans y disposer d’un droit de vote. Il est le commandant suprême des forces armées qui sont cependant placées sous la direction du conseil des ministres. Enfin, les décrets qu’il refuse de signer entrent en vigueur deux semaines après sans son consentement.
En revanche, le gouvernement ne peut être formé tant que le président ne signe pas le décret, de même que le chef de l’Etat négocie et signe les traités internationaux.
Ces réalités font que la tâche de Michel Sleimane ne sera pas facile s’il n’est pas soutenu par l’ensemble de la classe politique.
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