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Social

L’Union européenne allonge le temps de travail

par Myriam Berber

Article publié le 10/06/2008 Dernière mise à jour le 11/06/2008 à 05:58 TU

Vladimir Spidla, commissaire européen chargé de l'emploi, des affaires sociales et de l'égalité des chances dans la Commission Barroso depuis le 22 novembre 2004.

Vladimir Spidla, commissaire européen chargé de l'emploi, des affaires sociales et de l'égalité des chances dans la Commission Barroso depuis le 22 novembre 2004.

Les Vingt-Sept ont réussi à se mettre d’accord sur de nouvelles règles communes pour autoriser les salariés à travailler plus de 48 heures par semaine. Sous certaines conditions, il sera possible de travailler jusqu'à 60 ou 65 heures par semaine. Le projet de loi doit encore être approuvé par le Parlement européen, ce qui est loin d’être assuré. Plusieurs pays ont vivement critiqué le texte.

Après de longues négociations, les pays de l’Union européenne se sont entendus, dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 juin 2008 à Luxembourg, pour mieux encadrer, sans les supprimer, les dérogations au plafond hebdomadaire de 48 heures de travail. Rappelant que les règles en vigueur permettent dans les faits d’enchainer 78 heures de travail par semaine, le commissaire européen aux Affaires sociales, Vladimir Spidla, a vanté un compromis représentant un « net progrès social » qui montre que « le concept de flexisécurité peut être mis en œuvre ».

Le compromis redéfinit aussi « les temps de garde » de diverses professions afin d’échapper à des sanctions de la justice européenne. Depuis 2005, les juges de Luxembourg ont statué à plusieurs reprises à ce sujet, estimant que le temps de garde « inactif » des médecins, pompiers et autres agents médico-sociaux devait être considéré comme du temps de travail, même si ces personnes dorment en attendant une mission. Afin de contourner les arrêts de la Cour européenne, les Vingt-Sept ont convenu de distinguer le temps de garde « actif » et « inactif ». Seules les « périodes de garde » pendant lesquelles un travailleur exerce effectivement son activité pourront être comptabilisées comme du temps de travail.

Les mêmes droits sociaux pour les intérimaires

Grâce à cette disposition, la durée hebdomadaire maximale autorisée pourra être portée jusqu’à 60 ou 65 heures par semaine, en cas d’accord entre les partenaires sociaux ou de consentement du travailleur. Ces plafonds pourront être dépassés si une convention collective le permet. C'est surtout le Royaume-Uni qui incite massivement les travailleurs à accepter plus de 48 heures par semaine, en signant individuellement une clause de non participation (op out). Certains pays comme l'Allemagne ou la Pologne y recourent pour les professions, notamment dans le secteur médical. En France pourtant, la situation actuelle ne devrait pas changer à l’hôpital. Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a tenu à préciser que la France garderait les même règles qu’actuellement à l’hôpital : « le temps de garde à l’hôpital est bien considéré comme un temps de travail pas comme un temps de repos ».

Dans le même temps, un projet de loi améliorant les droits des intérimaires a également reçu l’aval des ministres européens chargés de l’Emploi et des Affaires sociales, réunis à Luxembourg. Ce projet de loi prévoit, dès le premier jour du contrat, d’accorder aux huit millions de travailleurs intérimaires européens des droits sociaux équivalents (salaire, congé de maternité, vacances, accès à la cantine, transport, etc) à ceux des employés permanents. Sauf si les partenaires sociaux concluent un accord national sur « un délai de grâce » supérieur, comme c’est désormais le cas au Royaume-Uni.

Un arbitrage du Parlement de Strasbourg

Ces deux textes sociaux majeurs ont été acceptés à la majorité qualifiée du conseil des ministres. Mais ils devront toutefois être approuvés par le Parlement européen. Si les conservateurs du Parlement se sont déclarés satisfaits de l'accord sur le temps de travail, les socialistes, les Verts et les communistes ont annoncé q'uils le rejetteraient, ce qui rend l'issue du vote particulièrement incertaine. Pour sa part, la Confédération européenne des syndicats (CES) qui représente 60 millions de membres dans 36 pays, a approuvé la décision d'octroyer l'égalité des droits aux travailleurs intérimaires de l'UE. Mais elle a vivement critiqué le compromis sur le temps de travail et espère que le Parlement de Strasbourg corrigera ces dispositions.

Cinq pays - l'Espagne, la Belgique, la Grèce, la Hongrie et Chypre - qui se sont abstenus sur les propositions sur le temps de travail, ont également appelé à un arbitrage musclé du Parlement. La représentante de l'Espagne a déploré le fait que « la dérogation à la semaine hebdomadaire de 48 heures ne soit pas limitée dans le temps, une marche arrière ». « Ce n'est pas une avancée sociale », a également jugé la ministre belge de l'Emploi Joëlle Milquet. La France a pour sa part poussé pour un compromis acceptable à l'approche de sa présidence de l'UE qui démarre le 1er juillet. Le ministre du Travail Xavier Bertrand a d’ailleurs estimé que « cet accord apporte plus de garanties pour les travailleurs ».