Soudan / Darfour

Attaque meurtrière contre les forces conjointes de l’ONU et de l’UA

par  RFI

Article publié le 09/07/2008 Dernière mise à jour le 10/07/2008 à 13:30 TU

Localisation du Darfour
(Carte : C. Wissing / RFI)

Une patrouille de la force conjointe des Nations unies et de l’Union africaine (Minuad), déployée dans le Darfour, la province occidentale du Soudan, a été attaquée mardi après-midi dans la partie nord du Darfour par plusieurs dizaines de véhicules armés. Il s’agit de la plus violente attaque contre cette force conjointe. Le bilan, publié mercredi soir par les Nations unies, fait état de 7 morts et 22 blessés.  Le commandant adjoint de la Minuad, Karenzi Karake, s'est déplacé sur les lieux de l'embuscade, mercredi, pour évaluer la situation. La Commission de l’Union africaine a condamné « fermement » cette attaque, qui a également été qualifiée d’« inacceptable » par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.   

Selon Shereen Ag Zorba, porte-parole de la Minuad, la patrouille de la force conjointe « a été prise en embuscade par une milice armée, mardi, aux alentours de 14h45. Cette patrouille était en mission : elle enquêtait sur le meurtre de deux soldats, des rebelles de l'Armée de libération du Soudan de Minni Minnawi. L'ALS accuse les milices arabes d'avoir tué ses hommes ».

Toujours selon Shereen Ag Zorba, les membres de la Minuad ont été attaqués alors qu'ils rentraient à la base. « Les assaillants étaient à bord d'une quarantaine de véhicules, avec des mitrailleuses de calibre 12,7 millimètres. Ils ont ouvert le feu et les forces conjointes de l’ONU et de l’UA ont répliqué. Cela s'est passé dans le Nord du Darfour, dans une localité appelée Oum Hakibah, située à environ 100 kilomètres du camp de la Minuad, à Shelgen Tubaya. Ce qui est intéressant, selon la porte-parole de la Minuad, c'est qu'Om Aqibah est un village situé au milieu de deux régions contrôlées par deux groupes différents. Il y a celle de Sharia, maîtrisée par les milices arabes, et celle de Dar-Es-Salam, contrôlée par l'Armée de libération du Soudan ».

La Minuad a pris, début 2008, le relais de l’ancienne force de l’Union africaine, l’Amis, chargée du maintien de la paix dans cette région en guerre civile depuis 2003. La Minuad ne dispose, pour le moment, que de 10 000 soldats et policiers, sur les 26 000 initialement promis, pour maintenir la paix dans ce territoire qui est aussi grand que la France. Les autorités de Khartoum se sont opposées, à plusieurs reprises, au déploiement de forces de l’ONU sur le territoire soudanais, parlant de danger « colonialiste ».

Selon les organisations humanitaires et plusieurs gouvernements occidentaux, 300 000 personnes ont été tuées dans le conflit au Darfour, entre des groupes rebelles qui réclament plus d’autonomie et un partage des ressources et les forces gouvernementales soudanaises appuyées par des milices arabes janjawids. Ce conflit aurait aussi provoqué plus de 2 millions de déplacés. Le gouvernement soudanais affirme, de son côté, que la guerre du Darfour n’a fait que 10 000 victimes.  L’ALS est le bras armé du Mouvement de libération du Soudan (SLM) qui a signé, en 2006, un accord de paix avec le gouvernement de Khartoum.  

La Minuad n'est toujours pas opérationnelle

Un an après un feu vert de principe de Khartoum obtenu de haute lutte pour la création d'une force mixte de paix UA-ONU, dite hybride, on est loin de ce qui était présenté, alors, comme « la plus importante mission internationale » jamais mise sur pied : plus de 20 000 soldats et 7000 policiers lancés au secours des populations du Darfour. Le porte-parole de la Minuad reconnaît que le déploiement n'est réalisé « qu'à 40% » : seuls sont sur le terrain les régiments africains de l'ancienne AMIS - avec notamment un contingent rwandais, qui vient de payer un lourd tribut dans l'attaque de mardi dernier -, ainsi qu'une compagnie chinoise du génie et une unité de police du Bangladesh. Manque cruel d'hélicoptères En tout, moins de 10 000 hommes, pour un territoire grand comme la France, et qui commence à être impraticable avec la saison des pluies. La Minuad multiplie les patrouilles, mais manque cruellement de véhicules tout terrain et surtout d'hélicoptères. Sur le plan des effectifs, l'arrivée annoncée de contingents éthiopien et égyptien devrait ouvrir le terrain à d'autres contributions, comme des Casques bleus thaïlandais et népalais. Mais quand ?                                                                     Philippe Leymarie