par Sophie Malibeaux
Article publié le 28/07/2008 Dernière mise à jour le 28/07/2008 à 19:38 TU
Le Premier ministre indien Manmohan Singh (g) s'est rendu au chevet des victimes à Ahmedabad le 28 juillet.
(Photo : Reuters)
« Ces explosions qui visent à détruire le tissu social et à saper le moral des populations n’atteindront pas leur but », c’est le message que le Premier ministre indien Manmohan Singh a souhaité faire passer lors de son déplacement ce lundi 28 juillet 2008 à Ahmedabad, l’une des principales villes du Gujarat, touchée par une série d’attentats. D’après le dernier bilan fourni par la police indienne, 49 personnes sont mortes et 160 ont été blessées dans les 21 explosions dénombrées à Ahmedabad, cela au lendemain d’une autre série d’attentats dans le sud du pays, à Bangalore. Si le calme semble revenu en Inde, de nombreux Etats maintiennent leurs forces de police en état d’alerte dans la crainte de nouveaux attentats. La situation est particulièrement sensible au Gujarat même, en raison d’un passé chargé de violences interconfessionnelles.
Les gares, les aéroports, les galeries marchandes ont vu leur sécurité renforcée dans de nombreux endroits du pays, à commencer par New Dehli où 3 000 policiers supplémentaires ont été déployés pour effectuer des contrôles. Les autorités tentent ainsi de prévenir tout nouvel attentat. Au lendemain des explosions d’Ahmedabad, selon des informations parues dans la presse locale, trois engins non explosés auraient été désamorcés par des équipes d’artificiers. La police affirme également avoir découvert une voiture chargée d’explosifs dans la ville de Surat, au sud d’Ahmedabad.
Accompagné de Sonia Gandhi, présidente du Parti du Congrès et du ministre de l’Intérieur Shivraj Patil, le Premier ministre Manmohan Singh s’est rendu au chevet des victimes. Il a également rendu visite au très controversé chef de l’exécutif local Narenda Modi, membre du BJP (Bharatiya Janata Party), l’opposition nationaliste hindoue.
En 2002, entre février et mai, des émeutes avaient fait quelque 2 000 morts au Gujarat et forcé près de 15 000 personnes, en majorité des musulmans, à fuir les violences intercommunautaires. Des événements déclenchés après un incendie dans un train qui avait fait 58 morts parmi les pèlerins hindous revenant du temple d’Ayodhya. Le chef de l’exécutif, Narenda Modi avait été montré du doigt pour son incapacité à empêcher les représailles anti-musulmanes, et même d’avoir fermé les yeux. Les extrêmistes musulmans avaient promis vengeance.
Enquête : la piste islamiste
Pour l’instant, les autorités n’ont encore annoncé aucune arrestation, mais elles procèdent à des interrogatoires, notamment pour retrouver les auteurs de courriers électroniques envoyés depuis Bombay pour revendiquer les attaques. Il s’agirait de membres d’un groupe s’appelant India Mujahideen. Des islamistes indiens qui s’étaient déjà manifestés après les attentats de Jaipur en mai 2008, responsables de la mort de 63 personnes. La police de New Dehli aurait également dans le collimateur des membres du SIMI (Student Islamic Movement of India), organisation fondamentaliste musulmane. Des centaines d’interpellations auraient eu lieu dans ces milieux lors de raids nocturnes ce week-end.
Ce que déplorent cependant certains éditorialistes (www.indianexpress.com), comme ceux de l’Indian Express ce lundi, c’est que les nombreux attentats perpétrés ces dernières années n’aient jamais donné lieu à une action en justice.
Cela devient une véritable cause d’embarras pour le ministre indien de l’Intérieur Shivraj Patil, aujourd’hui mis en cause par l’opposition pour son manque d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme.
Polémique sur la sécurité et récupération politique
Ahmedabad et Bangalore ont en commun d’être des villes dynamiques, fleurons de la modernité indienne. Ce sont aussi deux grandes métropoles situées dans des Etats tenus par le BJP. A travers elles, le parti nationaliste hindou peu donc se présenter comme une cible privilégiée des islamistes, pendant que le parti au pouvoir semble frappé d’impuissance.
Certains observateurs ne manquent pas en effet d’incriminer l’incapacité du gouvernement actuel à prévenir les attentats et notamment à répercuter à l’échelon local les avertissements reçus par les services au niveau central.
Des voix s’élèvent dans les rangs de l’opposition pour critiquer l’abrogation par le Parti du Congrès, arrivé au pouvoir en 2004, de la loi anti-terroriste mise en place précédemment par le BJP.
Le pouvoir actuel se trouve ainsi confronté à plusieurs fronts, soumis à la pression des islamistes d’une part, et des nationalistes hindous d’autre part.
Dans un contexte économique et politique peu favorable, alors que l’alliance avec les partis de gauche vient de s’effondrer sur la question de l’accord nucléaire avec les Etats-Unis, cette nouvelle vague d’attentats constitue une épreuve décisive dans la perspective des élections de 2009.
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