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Rwanda / Génocide

Rapport accablant pour la France : Paris réagit

par  RFI

Article publié le 05/08/2008 Dernière mise à jour le 07/08/2008 à 06:28 TU

Le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, a présenté à la presse, mardi 5 août, le rapport de la commission d'enquête sur l'implication de l'Etat français dans le génocide de 1994.( Photo : S. Maupas/RFI )

Le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, a présenté à la presse, mardi 5 août, le rapport de la commission d'enquête sur l'implication de l'Etat français dans le génocide de 1994.
( Photo : S. Maupas/RFI )

Voilà des mois que le Rwanda annonçait la publication prochaine du rapport de la commission chargée d'enquêter sur l'implication de l'Etat français dans le génocide de 1994. Le rapport de 500 pages, qui vient d'être officiellement rendu public, avait été remis au président Paul Kagamé en novembre dernier. Il a été transmis au ministre rwandais de la Justice et il est accablant. D'après les conclusions de celui-ci, la France aurait participé aux initiatives les plus importantes de préparation du génocide et, surtout, elle aurait participé à sa mise en exécution. Le ministère français des Affaires étrangères a dénoncé, ce mercredi, des « accusations inacceptables », tout en soulignant vouloir « construire une nouvelle relation » avec Kigali.

La commission était chargée de rassembler « les preuves montrant l'implication de l'Etat français dans le génocide ». C'est donc ce qu'elle a fait durant les dix-huit mois qu'ont duré ses travaux. Le rapport remis ce mardi au ministre rwandais de la Justice est un pavé de 500 pages qui analyse le rôle de la France avant, pendant et après le génocide. D'après nos informations, pour la période de 1990 à 1993, le rapport dénonce, premièrement, une participation directe au côtés de l'armée rwandaise, aux combats qui l'opposaient alors à la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR).

Les militaires français sont également accusés d'avoir participé à la formation des milices interahamwe, puis contribué à l'établissement des listes de Tutsis, et participé à la ségrégation ethnique, notamment lors de contrôle d'identité sur les barrages. Des faits de viols et de mauvais traitements sont aussi avancés. En conclusion : la France savait qu'un génocide se préparait et elle aidait le gouvernement d'Habyarimana à le mettre en œuvre.

Plus graves sont encore les accusations sur l'implication directe de la France. Le rapport dénonce l'appui militaire des Français et les livraisons d'armes pendant le génocide, puis s'attache au rôle de l'«Opération Turquoise ». Selon le rapport, des militaires français auraient participé aux assassinats de Tutsis, notamment à Gikongoro, l'un des QG de l'opération militaro-humanitaire.

Enfin, selon les Rwandais, la France aurai continué à appuyer les pontes du régime génocidaire en exil en République démocratique du Congo avec, entre autres, de nouvelles livraisons d'armes. En conclusion, la commission recommande au gouvernement rwandais de porter plainte contre l'Etat français devant les instances judiciaires internationales : le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

La France réagit

La France a dénoncé, ce mercredi, les accusations contenues dans le rapport publié mardi à Kigali, tout en affirmant sa volonté de construire une nouvelle relation avec cet Etat africain. Selon le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, « il y a dans ce rapport des accusation inacceptables à l’égard de responsables politiques et militaires français ». Il a néanmoins ajouté que « notre détermination de construire une nouvelle relation avec le Rwanda, au-delà de ce passé difficile, reste intacte ».

Romain Nadal

Porte-parole du Quai d'Orsay

« Nous nous interrogeons sur l'objectivité du mandat qui a confié à cette commission rwandaise. »

écouter 01 min 14 sec

06/08/2008 par Sébastien Nemeth

Sinon globalement, on peut dire que les Français sont pour le moins embarrassées par ce nouveau rapport. Il faut dire que le texte met en cause les plus hauts responsables politiques de l'époque : le président Mitterrand, le Premier ministre Edouard Balladur, le ministre de la Défense François Léotard ou, encore, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé. Du côté des personnalités citées, c'est soit le silence complet, soit un renvoi vers des positions exprimées dans le passé.

Alain Juppé renvoie à un article qu'il a publié sur son blog en janvier dernier. Il a écrit, par exemple, que, depuis plusieurs années, « on assiste à une réécriture de l'histoire visant à transformer la France d'acteur engagé en complice du génocide ». Hubert Védrine, ancien ministre socialiste des Affaires étrangères, renvoie à un éditorial écrit en juin dernier pour l'Institut François Mitterrand.

Les militaires sont particulièrement mis en cause par le rapport. Le ministère français de la Défense réoriente, lui, vers un communiqué du 9 février. Il y déclarait que « la France assume son action au Rwanda en 1994 et ne reconnaît ni la légitimité, ni la compétence » de la commission d'enquête créée à Kigali. Enfin le général Fourcade, commandant de l'opération militaire Turquoise, accusée de complicité, est en train d'étudier le rapport, mais estime que c'est aux politiques de s'exprimer en premier.

Le génocide rwandais a fait, selon les Nations unies, environ 800 000 morts, parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés.  Kigali a rompu fin novembre 2006 ses relations diplomatiques avec Paris après que le juge français Jean-Louis Bruguière eut réclamé des poursuites contre le président Kagamé pour sa « participation présumée » à l'attentat contre l'avion de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, qui a précédé le déclenchement du génocide.

A écouter

Hervé Morin

Ministre français de la Défense

En tant que ministre de la Défense je n'accepterai pas qu'on dise n'importe quoi sur les militaires français qui [...] ont protégé et sauvé des dizaines de milliers de personnes dans des camps.

07/08/2008 par Frédéric Rivière

L'amiral Jacques Lanxade

Chef d'état-major des armées françaises entre 1991 et 1995

Ca ne me paraît pas pensable que les autorités françaises puissent accepter l'idée que nous nous pliions à cette action de Kagamé.

07/08/2008 par Olivier Rogez

Tharcisse Karugarama

Ministre rwandais de la Justice

« Il sera souhaitable que les gens cités, s'il y a la preuve qu'ils ont participé au génocide, aux préparatifs, à l'exécution, soient traduits devant les instances judiciaires, que ce soit au Rwanda, en France ou au TPIR. »

05/08/2008 par Olivier Rogez

Romain Nadal

Porte-parole du Quai d'Orsay

« Nous nous interrogeons sur l'objectivité du mandat qui a confié à cette commission rwandaise. »

06/08/2008 par Sébastien Nemeth