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Mauritanie

La communauté internationale condamne le putsch

par  RFI

Article publié le 07/08/2008 Dernière mise à jour le 08/08/2008 à 04:54 TU

Au lendemain du coup d'Etat de mercredi, le chef d’Etat renversé, Sidi Ould Cheikh Abdalahi, son Premier ministre et le ministre de l'Intérieur sont toujours détenus. La famille du président, en revanche, n'a pas été arrêtée. Elle est toujours au palais présidentiel de Nouakchott. Dans un communiqué lu à la radio nationale, le Haut conseil d'Etat des forces armées et de sécurité a proclamé la fin du pouvoir du président Abdallahi, élu en mars 2007. La junte, dont font partie trois généraux et huit colonels, dirigée par le général Ould Abdel Aziz, s'est engagée à tenir une élection présidentielle « libre et transparente » dans une période « qui sera la plus courte possible ». Le coup d'Etat a été unanimement condamné par la communauté internationale. La France a lancé une mise en garde. La situation était plutôt calme, jeudi à Nouakchott. Une manifestation de soutien aux putschistes a été organisée, tandis que des manifestants favorables au président renversé étaient dispersés.

Le général Ould Abdel Aziz, devant le palais présidentiel à la suite d'une manifestation de soutien à la junte, le 7 août 2008.(photo : AFP)

Le général Ould Abdel Aziz, devant le palais présidentiel à la suite d'une manifestation de soutien à la junte, le 7 août 2008.
(photo : AFP)

L'animation, jeudi matin à Nouakchott, c'était la manifestation organisée en soutien aux putschistes. Ils étaient plusieurs centaines, on peut dire, souvent très remontés. Ils brandissaient des portraits en couleur du général Abdel Aziz, portraits également placardés sur les voitures qui se sont pressées vers les lieux de la manifestation. Dans le cortège, toutes les générations étaient représentées, à noter aussi la présence de nombreuses femmes.

Pour tous ceux qui étaient venus exprimer leur satisfaction après le coup d’Etat d’hier, c’est le soulagement qui domine. Beaucoup reprochaient notamment à l’ex-président, Sidi Ould Cheikh Aldallahi, « de n’avoir rien fait pour améliorer la vie quotidienne des gens », citant ainsi les problèmes d’accès à l’eau, à l’électricité ou encore à la santé. Globalement, ces manifestants n’étaient pas inquiets d’un retour des militaires dans la sphère politique puisque, pour eux, ils sont justement les garants de la constitution et de l’ordre public. Beaucoup se félicitent de leur intention d’organiser prochainement des élections libres et transparentes et de maintenir les institutions en place, notamment le Parlement. Ils estiment en fait que seuls les militaires vont être capables de redresser le pays.

En revanche, les Mauritaniens qui s’opposent au coup d'Etat ont eu beaucoup de mal à se faire entendre. Il y avait quatre partis politiques qui avaient appelé à un rassemblement devant les grilles de l’Assemblée nationale, mais leurs militants ont été dispersés par les militaires armés de matraques. Il s’agit de l’Alliance populaire progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale, de l’Union des forces du progrès de Mohamed Ould Maouloud, du parti islamiste Tawasul, et des sympathisants du parti de l’ex-majorité, le parti PNDD-ADIL, toujours fidèles au président déchu.

Ces citoyens farouchement opposés au coup d’Etat se disaient révoltés ce matin de ne pas être autorisés à s’exprimer sur la voie publique. Certains dénonçaient « un régime d’exception ». Ces opposants en appellent à l’opinion publique nationale et aussi internationale pour les aider à résister face à ce qu’ils décrivent comme « une confiscation de la démocratie en Mauritanie ».

Avant le coup d'Etat militaire, il y a eu la crise politique en Mauritanie, prélude aux événements de ces dernières heures. Des parlementaires, sénateurs et députés, des mécontents du parti présidentiel se sont retrouvés au fil des semaines, menés en coulisses par des militaires. Ces députés frondeurs ont largement participé à créer les conditions pour le renversement du président Abdallahi.

Mohcen Ould El Hadj

Député-frondeur, vice-président du Sénat

«C’est le président lui-même qui a fait un premier coup d’Etat en démettant tous les officiers supérieurs qui avaient en charge la sécurité du pays et en projetant de dissoudre, dans la même journée, l’Assemblée nationale !»

écouter 0 min 59 sec

07/08/2008 par Léa-Lisa Westerhoff

Le parti du président renversé, le Pacte national pour la démocratie et le développement (PNDD) a, dans un communiqué, rejeté « totalement ce retour à l'ère des coups d'Etat ». Pour le principal parti de l'opposition, le Rassemblement des forces pour la démocratie (RFD) d'Ahmed Ould Dada, ces événements signent la « crise de la démocratie en Mauritanie ».

Kane Amidou Baba

Vice président du RFD (rassemblement des forces démocratiques)

« L'armée est à la fois auteur et victime, et depuis 29 ans nous observons qu'elle intervient dans le jeu politique ».

écouter 1 min 0 sec

07/08/2008 par Ghislaine Dupont

Le monde regarde attentivement ce qui se passe actuellement en Mauritanie et  condamne quasi-unanimement ce coup d'Etat. Des réactions très suivies en Mauritanie : le pays vit très largement de l'aide internationale. Aux Etats-Unis, la chef de la diplomatie, Condoleezza Rice condamne le coup tout comme le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon.

Condamnation également de l'Union africaine, qui laisse planer la menace de sanctions.

Coup d'Etat en Mauritanie : la réaction de Jean Ping

Président de la Commission de l'Union africaine

«Une décision peut être prise, allant jusqu'à la suspension

écouter 01 min 11 sec

07/08/2008 par Cyril Bensimon

Le gouvernement français a également condamné le putsch en Mauritanie et a averti la junte des « conséquences sur les relations avec l'Union européenne » s'il n'y a pas de « retour à la légalité constitutionnelle ».

Coup d'Etat en Mauritanie : la réaction de Romain Nadal

Porte-parole adjoint du Quai d'Orsay

« Nous souhaitons un retour en l'état de droit, et aux personnes qui ont été légitimement et démocratiquement élues par le peuple mauritanien ».

écouter 0 min 37 sec

07/08/2008 par Sébastien Nemeth

Dans un communiqué diffusé jeudi après-midi, la présidence de la République française « exige la remise en liberté immédiate du Président Abdallahi de toutes les personnes détenues par la junte militaire ».  Le même communiqué souligne que « la France rejette le principe de nouvelles élections présidentielles en Mauritanie qui seraient illégitimes au regard du cadre institutionnel établi en 2007 à l’issue de la période de transition. Elle rappelle que le Président Abdallahi a été élu démocratiquement en mars 2007. Il est le président légitime de la Mauritanie. La France met fermement en garde les auteurs du coup d’Etat qui pourraient faire l’objet de mesures à leur encontre dans l’hypothèse où un retour à la légalité constitutionnelle ne serait pas rapidement assuré ».

La Commission européenne a exigé, jeudi, la libération du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et de son Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghfadu. Pour l'Union européenne, la condamnation se double d'une déception.

Coup d'Etat en Mauritanie : la réaction de Louis Michel

Commissaire européen à la Coopération et au Développement

«Je suis très déçu, parce que la Mauritanie était vraiment devenue un exemple de transition démocratique

écouter 00 min 45 sec

07/08/2008 par Léa-Lisa Westerhoff

Israël a ajouté sa voix au concert international des condamnations en expliquant: « Nous avons soutenu le processus démocratique en Mauritanie et continuerons à le faire ». Israël et Mauritanie, deux pays qui entretiennent des relations diplomatiques, une situation atypique dans le monde arabe. Jusqu'au coup d'Etat de ce mercredi, la Mauritanie avait pour le gouvernement israélien valeur d'exemple au sein du monde arabe. Il faut dire que le pays est l'un des trois membres de la Ligue arabe, avec la Jordanie et l'Egypte, à entretenir des relations diplomatiques avec l'Etat hébreu. C'est en 1996 qu'Israël a ouvert sa première représentation diplomatique à Nouakchott qui est élevée trois ans plus tard au rang d'ambassade.

Parallèlement, un ambassadeur mauritanien est nommé à Tel-Aviv. Outre son appartenance à la Ligue arabe, la Mauritanie appartient à l'Organisation de la conférence islamique (OCI) et à l'Union du Maghreb arabe (UMA). Autant d'institutions où la Mauritanie fait figure d'exception. La majorité des pays arabes et musulmans refusent en effet d'entretenir des relations avec Israël, tant qu'un règlement du conflit avec les Palestiniens ne sera pas réglé. Dans le pays même, le gouvernement qui vient d'être renversé faisait l'objet de critiques régulières de la part de l'opposition concernant ces relations avec l'Etat hébreu. Le chef de l'Etat qui vient d'être renversé avait même évoqué l'idée d'un référendum concernant les relations de son pays avec Israël. Cette consultation n'a jamais eu lieu. Et en dépit d'une attaque contre son ambassade en février dernier, L'Etat hébreu vient de nommer un nouvel ambassadeur à Nouakchott.

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Portrait de Mohamed Ould Abdel Aziz

« Faiseur et défaiseur de présidents, le général Abdel Aziz n'a jamais eu l'occasion de démontrer sa capacité à incarner le pouvoir. On ne lui connait pas, ou peu, d'appuis politiques civils. »

08/08/2008 par Raphaël Reynes

Alain Antil

Spécialiste de la Mauritanie et responsable de programme à l'Institut français des relations internationales

Les militaires essayent de trouver un modèle propre à la Mauritanie, une espèce de modèle à la turque où l'armée serait un rempart face à certaines dérives ou flottements du pouvoir politique.

08/08/2008 par Olivier Rogez