Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

ONU/Srebrenica

Verdict attendu sur le rôle des soldats néerlandais à Srebrenica

par Julie Lerat

Article publié le 09/09/2008 Dernière mise à jour le 09/09/2008 à 17:21 TU

Un tribunal de La Haye doit rendre son jugement mercredi sur la responsabilité des soldats néerlandais lors du massacre de Srebrenica, en 1995. Des survivants et des familles des victimes ont porté plainte contre le contingent néerlandais des soldats de l’ONU pour ne pas avoir protégé les civils bosniaques. A l’époque, 450 hommes étaient sur place. Ils n’ont pas empêché le massacre de près de 8 000 civils musulmans.
La grande stèle du mémorial de Srebrenica à Potocari, près de Srebrenica.(©Heike Schmidt)

La grande stèle du mémorial de Srebrenica à Potocari, près de Srebrenica.
(©Heike Schmidt)


Le 11 juillet 1995, alors que les milices serbes de Bosnie approchent de l’enclave de Srebrenica, des dizaines de milliers de civils prennent la route de Potocari, à 8 kilomètres de distance. C’est là qu’est basé le quartier général du bataillon néerlandais de soldats de la Forpronu (Force de protection des Nations unies). Quatre cent cinquante hommes y sont chargés d’assurer la protection des quelques 40 000 habitants de Srebrenica, en majorité des musulmans de Bosnie.  

Quand les miliciens serbes de Bosnie séparent les hommes des femmes, les soldats néerlandais regardent et laissent faire. Les hommes sont entassés dans des cars et seront exécutés. On dénombre environ 8 000 victimes à l’issue de ce massacre, qualifié de « génocide » par la Cour Internationale de Justice et par le TPIY. Parmi les hommes qui ont choisi de se placer sous la protection des Nations unies, pratiquement aucun n’a survécu. Ceux des habitants de Srebrenica qui se sont réfugiés dans les forêts, eux, ont eu un peu plus de chances de survie. La moitié a échappé aux forces serbes de Bosnie.

Les soldats néerlandais sont restés passifs

En juin dernier, des familles de victimes et des survivants du massacre ont porté plainte contre les soldats néerlandais. Ils les accusent d’avoir livré des réfugiés musulmans aux forces serbes de Bosnie et d’avoir ainsi violé des lois et traités internationaux. Ces soldats étaient « chargés de la sécurité des civils », a déclaré l’avocat de l’accusation, Liesbeth Zegveld, lors des audiences au mois de juin. « Ils avaient une mission humanitaire, mais ils ont agi au contraire de leur instruction ».

Le mandat de l’ONU en Bosnie prévoyait clairement un recours à la force. Le 10 juillet, la veille du massacre, le commandant du bataillon néerlandais avait demandé au général français Bernard Janvier, qui assumait le commandement militaire des Nations unies en ex-Yougoslavie, de lancer des frappes contre les forces serbes de Bosnie. Mais il n’a pas été entendu.

La France, elle aussi mise en cause

Deux avions de l’ONU ont bien décollé, mais sans effectuer de frappes significatives. En France, une mission parlementaire s’interrogea en 2001 sur les raisons de cette « erreur » du général Janvier et conclut que « Srebrenica est aussi un échec pour la France ». « La mission d’information est convaincue qu’en effectuant des frappes massives sur la route sud, la seule qui menait à Srebrenica, l’ONU et l’Otan auraient pu arrêter l’offensive », estimaient les auteurs du rapport.

Le général Janvier avait rencontré Ratko Mladic, le chef militaire des Serbes de Bosnie, un mois avant le massacre. A l’époque, plusieurs centaines de Casques bleus étaient retenus en otages par les milices serbes. La commission parlementaire française n’exclut pas l’hypothèse qu’une entente ait été trouvée entre les deux hommes : la libération des otages contre la non-intervention de l’ONU à Srebrenica.

Une affaire sensible aux Pays-Bas

Une autre hypothèse met en cause les autorités néerlandaises de l’époque. Le 11 juillet, le ministre de la Défense néerlandais aurait téléphoné au commandement de la Forpronu pour demander que les avions de l’ONU, qui avaient déjà décollé, regagnent leur base. Il aurait craint pour la vie des Casques bleus néerlandais.

L’affaire est extrêmement sensible aux Pays-Bas, au point qu’elle a contraint un Premier ministre à la démission. En 2002, un rapport officiel a été publié, estimant que les soldats néerlandais ont été confrontés à une « mission impossible » à Srebrenica, car ils étaient trop faiblement armés. Le débat suscité par cette interprétation a été si houleux que le gouvernement de Wim Kok a été contraint de démissionner. Le jugement qui sera rendu ce mercredi devrait donc être suivi de près par les Néerlandais.

L’ONU protégée par son immunité

Une plainte a également été déposée contre l’ONU par les familles des victimes de Srebrenica. Mais en juillet dernier, le tribunal néerlandais qui avait été saisi s’est dit incompétent, car l’ONU bénéficie de l’immunité.

Les Nations unies ont reconnu leur responsabilité dans le massacre de Srebrenica en 1999. Un rapport présenté par son secrétaire général, Kofi Annan, reconnaissait alors la « faillite de la politique dans des zones de sécurité ».  

Le rapport ajoute : « La communauté des nations, en décrétant un embargo sur les armes, a laissé les Serbes dans une position de supériorité militaire écrasante et a, en fait, privé la République de Bosnie-Herzégovine de son droit de légitime défense, consacré dans la Charte des Nations unies ». « La fourniture d’une aide humanitaire n’était pas une initiative suffisante face aux opérations de ´´nettoyage ethnique´´ et de génocide ». « Srebrenica a été le révélateur d’une vérité que l’ONU et le reste du monde ont comprise trop tard, à savoir que la Bosnie était une cause morale autant qu’un conflit militaire. La tragédie de Srebrenica hantera à jamais notre histoire ».