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Etats-Unis

David Petraeus, le généralissime

par Franck WEIL-RABAUD

Article publié le 16/09/2008 Dernière mise à jour le 16/09/2008 à 17:56 TU

Le général Raymond Odierno est devenu ce mardi le nouveau commandant des forces américaines en Irak. Il succède au général David Petraeus nommé à la tête du « Centcom », le commandement chargé de coordonner les activités militaires américaines pour le Proche Orient et l’Asie centrale. Le général Petraeus quitte l’Irak alors que la situation sécuritaire, même si elle s’améliore reste extrêmement fragile.

Le général David Petraeus au Capitol Hill à Washington, le 10 septembre 2008.(Photo : Reuters)

Le général David Petraeus au Capitol Hill à Washington, le 10 septembre 2008.
(Photo : Reuters)


En mars 2003, David Petraeus qui n’est alors que major général est l’un des premiers officiers américains à entrer en Irak. Il dirige alors la 101ème division aéroportée, chargée de sécuriser le nord du pays et plus particulièrement la ville de Mossoul. Dès les premiers jours de l’invasion, le militaire américain fait part de ses doutes aux journalistes qui l’accompagnent. La destruction de toutes les infrastructures politiques et sécuritaires irakiennes et le nombre limitée des troupes américaines déployées dans les premiers mois de l’occupation inquiètent particulièrement David Petraeus.

Pour lui la priorité des forces américaines doit porter sur la sécurisation et la reconstruction rapide du pays afin de gagner la confiance de la population locale. En dépit des succès engrangés localement par David Petraeus, cette stratégie ne sera élargie à l’ensemble de l’Irak que début 2007, date à laquelle David Petraeus devenu général est désigné pour prendre le commandement de l’ensemble des forces américaines en Irak.

Quelques mois avant sa nomination, le général Petraeus a  l’occasion d’expliciter sa conception de la guerre dans un pays où sévit une guérilla très active. Il rédige le nouveau manuel opérationnel de contre insurrection. Pour ce faire il s’inspire largement d’un ouvrage publié dans les années 60 par un ancien officier français David Galula, intitulé « Contre insurrection : théorie et pratique ». Au cœur de la doctrine, la conviction qu’il faut « gagner les cœurs pour gagner la guerre ». Pour le général Petraeus, les soldats américains doivent être non seulement des combattants mais également des bâtisseurs et des diplomates.  

Petraeus et le nerf de la guerre

Le général David Petraeus en Irak, le 15 septembre 2008.(Photo : Reuters)

Le général David Petraeus en Irak, le 15 septembre 2008.
(Photo : Reuters)

Cela passe par des troupes qui sortent de leur base pour patrouiller au milieu des Irakiens, accompagnés le plus souvent possible par des membres des forces de sécurité irakienne. Mais il faut aussi convaincre que c’est dans son propre intérêt que la population irakienne doit soutenir les forces américaines contre les insurgés. Et pour cela comme le souligne le général Petraeus, « l’argent est une munition ». C’est par ce biais qu’il obtient le ralliement de tribus sunnites dans la lutte contre le réseau al Qaïda. Parallèlement, David Petraeus obtient en janvier 2007 un renforcement militaire pour lequel il n’a cessé de plaider. 30 000 soldats américains sont envoyés en renfort, déployés principalement dans la capitale Bagdad.

Le contingent américain passe ainsi à quelque 160 000 hommes, au moment même où des voix toujours plus nombreuses aux Etats-Unis réclament un retrait d’Irak. Pressé de fixer un calendrier de retrait, le général Petraeus s’y est toujours refusé. Il estime que seules les conditions sur le terrain permettront d’envisager ou non un retour au pays des militaires qu’il commande. Pour justifier le maintien d’un fort contingent américain, le général Petraeus met en avant la baisse de la violence. Les attaques contre les troupes américaines sont ainsi tombées à treize le mois dernier contre plus d’une centaine l’année précédente. La population civile continue quant à elle à payer un lourd tribut. On compte près de cinq cents morts par mois. Mais là encore la situation était bien pire en 2006 avec près de 2 000 irakiens tués dans des attentats suicide ou des affrontements interconfessionnels.

Les nouveaux défis

Conscient de l’importance de la sémantique, David Petraeus se garde bien, à l’heure où il quitte l’Irak, de parler de victoire. Il reconnait lui-même que les progrès enregistrés ces derniers mois sont susceptibles d’être régulièrement remis en question. Dans le même temps, le général Petraeus devra désormais gérer en parallèle les deux fronts sur lesquels sont engagées les forces américaines, l’Irak et l’Afghanistan. Et cet officier supérieur n’est pas sans ignorer que le prochain président américain, quel qu’il soit aura à cœur de reprendre l’offensive en Afghanistan, où la recrudescence des attaques menées par les talibans suscite une inquiétude au sein de la coalition internationale.

Le général Petraeus sait que c’est désormais sur ce terrain que devrait porter l’effort militaire américain. Il faut donc que dans les mois qui viennent l’armée américaine soit en mesure de transférer une partie des forces déployées en Irak. Pour ce faire, le nouveau patron des forces américaines en Irak, Raymond Odierno devra être en mesure de confirmer la baisse de la violence et le transfert progressif de la sécurité du pays aux forces irakiennes pour permettre un transfert de l’effort de guerre américain vers l’Afghanistan.