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Afrique du Sud

Le bilan mitigé du président Mbeki

Article publié le 22/09/2008 Dernière mise à jour le 23/09/2008 à 03:06 TU

Le vice-président de l’ANC, Kgalema Motlanthe, va succéder à Thabo Mbeki comme président intérimaire, selon le porte-parole du groupe parlementaire de l’ANC. La nouvelle n’a toutefois pas été confirmée par le président du parti, Jacob Zuma. Il faudra attendre la réunion du Parlement, jeudi, qui élira le nouveau chef d’Etat. Celui-ci restera en place jusqu’aux élections législatives, entre avril et juillet 2009, à l’issue desquelles il devrait céder la place à Zuma.
 Kgalema Motlanthe, vice-président de l'ANC et président intérimaire d'Afrique du Sud (g) aux côtés du leader de l'ANC Jacob Zuma, lors d'un point avec la presse à Johannesburg, le 22 septembre 2008.(Photo : Reuters)

Kgalema Motlanthe, vice-président de l'ANC et président intérimaire d'Afrique du Sud (g) aux côtés du leader de l'ANC Jacob Zuma, lors d'un point avec la presse à Johannesburg, le 22 septembre 2008.
(Photo : Reuters)


De notre correspondante à Johannesburg, Valérie Hirsch

Agé de 59 ans, Motlanthe est très respecté au sein de l’ANC. Après avoir passé dix ans en prison à Robben Island (1976 à 86), il a fait ses armes comme syndicaliste, avant de devenir de secrétaire général de l’ANC (1997 à 2007). C’est un homme de compromis : tout en soutenant Jacob Zuma, il se serait opposé au départ forcé du président Mbeki. En juillet, il avait été nommé ministre sans portefeuille pour faciliter la transition entre les deux équipes. Comme président intérimaire, il devra s’efforcer de panser les blessures au sein de l’ANC et unir son parti avant les élections.

Portrait de Kgalema Motlanthe

« Né en 1949, cet ancien dirigeant syndical et intellectuel de gauche a été comme Nelson Mandela et Jacob Zuma, détenu à la prison de Robben Island sous le régime apartheid. »

23/09/2008 par Nicolas Champeaux

Le départ forcé de Thabo Mbeki a suscité plus de questions que d’émotion dans le pays. Cet intellectuel distant, qui préfère le confort de son bureau aux bains de foule, a été admiré, mais jamais aimé.  Quel contraste avec Nelson Mandela auquel il a succédé comme chef d’Etat en 1999 ! Sa politique économique a pourtant permis une croissance soutenue et l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie noire. Il a aussi accéléré la lutte contre la pauvreté. Jouissant longtemps d’une plus grande aura à l’étranger que chez lui, Mbeki s’est imposé comme un médiateur infatigable pour résoudre les conflits en Afrique (Burundi, RDC, Zimbabwe). Il a  joué un rôle clé pour unir le continent noir  et lui donner une place au sein du G8.

Thabo Mbeki(Photo : Reuters)

Thabo Mbeki
(Photo : Reuters)

C’est sans doute son caractère paranoïaque et machiavélique qui explique le destin tragique du président sud-africain, digne d’une de ces tragédies shakespeariennes qu’il aime citer dans ses discours. Au nom de la modernisation de l’Etat, Mbeki  a centralisé le pouvoir et marginalisé la gauche de l’ANC.  Il s’en est pris à tous ceux qui le critiquaient, y compris à Desmond Tutu, qui a  dénoncé en 2004 la peur qu’il faisait régner parmi les intellectuels.  Pour écarter ses rivaux, il n’a pas hésité, en 2001, à accuser d’un soi-disant complot trois dirigeants de l’ANC (Cyril Ramaphosa, Tokyo Sekwale et Mathews Phosa). C’est aussi sa croyance en un  complot des firmes pharmaceutiques occidentales pour asservir l’Afrique qui expliquerait ses positions absurdes  sur le sida : niant l’existence du virus VIH, Mbeki  s’est longtemps opposé à la distribution des antirétroviraux alors  que  le sida faisait des ravages dans son pays.  Il a refusé de reconnaitre l’ampleur de la tragédie, comme il a refusé de d’admettre l’ampleur de la criminalité et de la corruption. Lui-même  a refusé de démettre le chef de la police, Jackie Selebi, accusé de liens avec la mafia. Il a aussi bloqué les enquêtes sur les pots-de-vin versés dans le cadre d’un énorme contrat d’armement, qui a finalement causé sa perte. 

 C’est en effet suite à une affaire de corruption liée à ce contrat que Mbeki a limogé, en 2005, son vice-président, Jacob Zuma. Se disant victime d’un complot ourdi par le chef de l’Etat, Zuma est le premier à avoir défié Mbeki.  Victime de son arrogance, le chef de l’Etat n’a pas mesuré son impopularité. Dimanche, il a annoncé sa démission avec une extrême dignité. Mais quelle déchéance pour le roi jadis tout puissant, chassé par son propre parti auquel il a consacré cinquante-deux ans de sa vie.