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Afrique du Sud

Zuma a eu gain de cause

Article publié le 12/09/2008 Dernière mise à jour le 12/09/2008 à 21:37 TU

C’est une bombe politico-judiciaire qui a éclaté dans un climat
électrique, vendredi matin, à la Haute cour de Pietermariztburg (est de l’Afrique du Sud). Le juge Chris Nicholson a annulé l’inculpation de Jacob Zuma pour corruption dans une affaire de ventes d’armes. Le président de l’ANC – et plus que probable prochain chef de l’Etat – n’est pas innocenté : il est relaxé, pour cause d’interférences politiques !
De notre correspondante à Johannesburg, Valérie Hirsch

Jacob Zuma, président de l'ANC, s'adresse à ses partisans à la sortie de la Haute court de Pietermaritzburg, à l' est de l’Afrique du Sud, le 12 septembre 2008.(Photo : Reuters)

Jacob Zuma, président de l'ANC, s'adresse à ses partisans à la sortie de la Haute court de Pietermaritzburg, à l' est de l’Afrique du Sud, le 12 septembre 2008.
(Photo : Reuters)


« C’est une victoire pour la démocratie et le système judiciaire », a
déclaré Jacob Zuma, à la sortie du tribunal, où il a été acclamé par
plus de 3 000 partisans, dans une explosion de joie. L’ANC et le
syndicat Cosatu avaient menacé de lancer des actions de protestation de masse, dont une grève générale, si les poursuites contre Zuma n’étaient pas abandonnées.

Le jugement portait sur un point de procédure : avant de le réinculper en décembre dernier, le procureur national avait refusé de s’entretenir avec l’avocat de Zuma. Pour le juge, il s’agit d’une erreur parmi bien d’autres, qui ont entaché l’enquête judiciaire depuis 2001. « Pendant des années, le défendant (Zuma) est menacé de poursuites pour corruption grave et pourtant il n’est jamais jugé, il y a quelque chose de l’œuvre de Kafka là-dedans, a souligné le juge. Dès lors, je ne suis pas convaincu que (Zuma) a tort quand il dit qu’il y a eu intervention politique dans son inculpation. (...) Toutes ces machinations font partie d’une sorte de grand jeu ou compétition politique ».

Le leader zoulou a toujours clamé qu’il avait été victime d’un complot
ourdi par le président Thabo Mbeki, qui n’en voulait pas comme
successeur. C’est la première fois qu’un juge donne légitimité à ses
accusations. « Je suis un guerrier blessé, a confié Zuma. Ce fut
difficile. Et je ne dis pas que tout est terminé 
». Il peut, en effet, être à nouveau inculpé mais on voit mal le procureur national – dont la
réputation a été fortement ternie – le réinculper une troisième fois.

Le président de l’ANC ne devra sans doute jamais répondre des accusations bien réelles de corruption : son propre conseiller financier Shabir Shaik avait été condamné en 2005 pour lui avoir versé des pots-de-vin. Dès lors, plus rien ne semble s’opposer à sa marche triomphale vers la présidence du pays, en mai prochain.

Défaite cuisante pour Thabo Mbeki

Pour cet homme controversé, considéré comme le mouton noir de la politique sud-africaine il y a encore deux ans, c’est une victoire éclatante ! Mais pour le président Thabo Mbeki – épinglé par le juge pour ses interventions dans la sphère judicaire et son limogeage « injuste » de Zuma de la vice-présidence du pays - la défaite est cuisante. « Le président Mbeki a de fait violé la Constitution », estime Pierre de Vos, un juriste de l’Université du Cap. L’indépendance des services du procureur national, garantie par la Constitution, n’a pas été respectée. La position de Mbeki est maintenant intenable et si c’était un homme d’honneur, il démissionnerait ». Quelle ironie pour le chef de l’Etat qui, le même jour où il engrange un succès international (l’annonce de la signature d’un accord au Zimbabwe) voit sa réputation ternie à jamais dans son propre pays ! L’ANC et le syndicat Cosatu devraient prendre position dans les prochains jours.

Du côté de l’opposition, on souligne toutefois qu’un « nuage de suspicion continue à planer au-dessus de la tête de Zuma ». « Il ne devrait pas devenir président tant qu’il n’a pas été jugé », estime Helen Zille, leader du Parti démocratique. Le juge, lui-même, a recommandé
l’ouverture d’une commission d’enquête sur toutes les affaires de
corruption liées aux ventes d’armes afin de « débarrasser notre pays de ce cancer qui dévore le corps politique et la réputation d’intégrité
construite avec tant d’assiduité après la chute de l’apartheid
 ».