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France/Angola

Le procès de l’Angolagate s’est ouvert à Paris

par  RFI

Article publié le 06/10/2008 Dernière mise à jour le 07/10/2008 à 05:52 TU

Le sénateur, Charles Pasqua, ancien ministre de l'Intérieur, lors de son arrivée au tribunal de Paris, le 6 octobre 2008. (Photo : AFP)

Le sénateur, Charles Pasqua, ancien ministre de l'Intérieur, lors de son arrivée au tribunal de Paris, le 6 octobre 2008.
(Photo : AFP)

Six mois de procès, 42 prévenus, dix ans d'instruction. L'Angolagate, cette vente d'armes frauduleuse à l'Angola, estimée à près de 800 millions de dollars, entre 1993 et 1998, est arrivé, lundi matin, devant le tribunal correctionnel de Paris. Se retrouvent sur le banc des accusés une belle brochette d'hommes politiques, d'hommes d'affaires offshore, de lobbyistes et de hauts fonctionnaires. L’homme d’affaires Pierre Falcone, qui était présent à l’audience, le milliardaire russo-israélien Arcady Gaydamak, toujours réfugié en Israël, mais aussi l’ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, auront à aborder devant la justice des trafics d'armes, du trafic d'influence, des abus de biens sociaux et le blanchiment d'argent. Surprise du jour : le gouvernement angolais a déposé un recours pour que ce procès n’ait pas lieu, invoquant le « respect du secret défense » d’un Etat étranger. Lors de sa visite à Luanda au mois de mai dernier, le président français Nicolas Sarkozy avait déclaré : « il est temps de tourner la page des malentendus du passé ».

Une image assez incroyable, lundi matin dans la salle des pas perdus du Palais de Justice de Paris, juste avant le début de cette audience : tous les ténors du barreau étaient là, aux côtés des prévenus, à ce procès qui doit durer jusqu’au mois de mars prochain. Quarante-deux personnes sont renvoyées au total devant le tribunal correctionnel, parmi lesquelles plusieurs personnalités politiques et du monde des affaires des années 90. L’ancien ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, le fils de l’ancien président français, Jean-Christophe Mitterrand, l’écrivain Paul-Loup Sulitzer ou encore l’intellectuel Jacques Attali, figurent parmi les prévenus. Ils sont soupçonnés d’avoir servi d’intermédiaires à ce gigantesque trafic d’armes vers l’Angola au milieu des années 90, aux côtés des deux principaux prévenus, Pierre Falcone, homme d’affaires français et Arcady Gaydamak, Israélien d’origine russe, actuellement réfugié en Israël, qui ne s’est pas présenté à l’audience, mais dont l’avocat affirme qu’il devrait venir dans les toutes prochaines semaines.

Angolagate : ouverture du procès

« Les avocats de la défense sont tellement nombreux qu'ils occupent la totalité des bancs de la grande salle des Criées du Palais de Justice de Paris... »

07/10/2008 par Raphaël Reynes

Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak sont poursuivis pour trafic illégal d’armes entre 1993 et 1998. A l’époque des faits, la France avait refusé de livrer des armes à Luanda. Le pays était alors en pleine guerre civile. Tous les deux risquent pour cela dix ans de prison. Les autres sont poursuivis pour avoir, selon l’accusation, bénéficié de commissions occultes, en échange de services rendus : interventions politiques, interventions médiatiques, blanchiment d’argent.

Le duo Charles Pasqua – Jean-Charles Marchiani (son bras droit, à l’époque) aurait, par exemple, perçu près de 230 000 euros, au bénéfice de leur parti politique, le Rassemblement pour la France, RPF. Jean-Christophe Mitterrand, lui, est soupçonné d’avoir bénéficié de plus de deux millions et demi de dollars. Jacques Attali, 160 000 euros pour être intervenu contre un redressement fiscal à l’encontre de Pierre Falcone. Tous ces intermédiaires risquent cinq ans de prison.

La surprise du jour 

Même si aucun ressortissant angolais ne figure parmi les prévenus, l'accusation estime qu'une trentaine d'officiels auraient bien touché d'énormes pots-de-vin dans cette affaire, au premier rang desquels le président José Eduardo dos Santos lui-même. L’Angola qui avait été très discret jusqu’à présent et affirmait que cette affaire était à 100% franco-française, s’est manifesté lundi matin. On a appris, quelques heures avant le début de l’audience, que l’avocat français mandaté par Luanda avait déposé une requête pour annuler purement et simplement le procès. « Il y a violation du secret défense de l’Angola », a expliqué, en somme, l’avocat français, Maître Francis Teitgen.

Selon lui, la plupart des documents, et notamment les documents comptables et bancaires qui sont dans le dossier, sont couverts par le secret défense angolais, et doivent être retirés de la procédure, une procédure que l’Angola souhaite donc voir tout simplement annulée. Il y a tout de même peu de chances pour que cette manœuvre de dernière minute aboutisse et que le procès soit effectivement arrêté avant même d’avoir commencé.  

Le contexte historique

En 1993, l'Angola est indépendant depuis 18 ans mais la guerre civile entre le Mouvement populaire de libération d’Angola (MPLA) du président José Eduardo dos Santos et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) de Jonas Savimbi déchire le pays. Un an plus tôt, des élections générales, supervisées par les Nations unies, ont abouti à la victoire du camp présidentiel. Mais l'opposition de Jonas Savimbi a dénoncé ces résultats, crié à la fraude électorale et a repris le combat militaire. José Eduardo dos Santos cherche à se procurer des armes, notamment des chars et des munitions pour terrasser les rebelles de l'Unita.

Le pays est alors en pleine expansion de son exploitation pétrolière. Certains spécialistes estiment aujourd'hui que les réserves de l'Angola sont les deuxièmes plus importantes au monde, après l'Arabie Saoudite. Et c'est grâce à cette manne financière que  Dos Santos va obtenir les armes qu'il cherchait. Mis en contact avec l'homme d'affaires français Pierre Falcone, le président angolais obtiendra 420 chars, 12 hélicoptères, 6 navires de guerre, 150 000 obus et 170 000 mines antipersonnel, de quoi régler le conflit qui déchirait le pays depuis 1975. Après la mort de Jonas Savimbi, en 2002, la guerre civile s'est achevée. Elle aura fait, au total, entre 500 000 et un million de morts.

A écouter

Jean-Christophe Mitterrand

Je ne suis pas allé avec Pierre Falcone en Angola. Je ne lui ai jamais présenté un Angolais, donc je ne vois toujours pas au bout de huit ans ce que je fais dans ce procès, en ce qui concerne les armes.

06/10/2008

Maître Jean-Pierre Versini, avocat de Jean-Christophe Mitterrand

Il existe une incompatibilité absolue entre les magistrats de l'accusation et ceux du siège, notamment les juges d'instruction...

07/10/2008