Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Géorgie

Les Russes quittent les zones tampons sur fond de tensions

par Régis Genté

Article publié le 08/10/2008 Dernière mise à jour le 08/10/2008 à 14:53 TU

Démantèlement de la chicane du barrage de Karaleti, sur la "première ligne" de checkpoints russes installés en Géorgie.(Photo : R. Genté/RFI)

Démantèlement de la chicane du barrage de Karaleti, sur la "première ligne" de checkpoints russes installés en Géorgie.
(Photo : R. Genté/RFI)

Ce mercredi, la première ligne de checkpoints russes dans la zone adjacente à l'Ossétie du Sud, république séparatiste géorgienne à l'origine de la guerre du mois d'août entre Moscou et Tbilissi, devrait être totalement démantelée. Mardi, les préparatifs de départ allaient bon train, sur fond de tensions, alors que le 10 octobre, suivant l’accord du 8 septembre entre Dimitri Medvedev et Nicolas Sarkozy, plus un barrage russe ne devrait rester dans les zones tampons de Géorgie.

De notre correspondant en Géorgie, Régis Genté

« Alors, vous partez vendredi ? », demande-t-on au checkpoint situé au-delà du village Tirdznisi, au coeur de la zone adjacente à l'Ossétie du Sud. « Je ne sais pas, peut-être avant, mais c'est un peu tendu vous savez », lance un soldat russe daghestanais, seul sur le barrage, avec un chien qu'il semble avoir adopté, avant qu'il nous fasse étalage de ses souvenirs de français. Nous poursuivons notre route jusqu'à Ergneti et au poste qui marque l'entrée du territoire de la république séparatiste de l'Ossétie du Sud.

Du haut de la colline, nous apercevons des barres d'immeubles de Tskhinvali, la capitale ossète, dont certaines ont la façade noircie suite à l'attaque lancée par les Géorgiens dans la nuit du 7 au 8 août dernier. Là, des militaires, portant sur la bandoulière de leur kalachnikov un ruban jaune blanc rouge, les couleurs du drapeau de l'Ossétie du Sud, dont Moscou a reconnu l'indépendance, avec celle de l'Abkhazie, le 26 août dernier, sont bien moins sympathiques. « Vous dégagez ! », lancent-ils en sifflant et faisant des gestes sans équivoque, alors que d'énormes camions russes de transport de blindés franchissent le barrage, à vide, en direction de l'intérieur de la zone désormais dite adjacente. Voyant un fil sortir du capot de notre véhicule, ils demandent, nerveux, à voir de quoi il s'agit tout en se reculant avec prudence. Vérification faite, il ne s’agissait que du GPS... « vous dégagez ! »

Des tensions palpables

La veille, en fin d'après-midi, deux journalistes européens qui s'étaient aventurés là ont été pris à partie par les gardiens du lieu, avinés. « L'affaire aurait pu mal tourner si les Russes ne s'étaient pas interposés », explique l'un des deux confrères, un photographe français. Si l'alcool semble souvent à l'origine de la violence des Ossètes, l'explosion d'une voiture piégée à Tskhinvali, la capitale de la province séparatiste, vendredi dernier, faisant onze morts, explique la tension palpable ici, Russes et Ossètes accusant Tbilissi d’avoir commis ce qu’ils qualifient d’attentat, et jusqu'aux checkpoints de la «première ligne», les plus enfoncés en territoire géorgien, à une bonne quinzaine de kilomètres de là.

Malgré tout, mardi aura été le grand jour des préparatifs de départ dans ces postes, six en tout semble-t-il. A Karaleti, des engins de levage retirent les blocs de béton qui forment la chicane installée fin août, en attendant que se mette en place la mission européenne d'observation du respect des accords de paix, qui a déployé 200 hommes sur le terrain le 1er octobre. Dans ce campement, mardi après midi, il ne restait plus grand chose alors qu'un petit bulldozer rebouchait une partie des tranchées creusées autour du poste.

« Nous partirons d'ici 24 heures », affirmait, mardi midi, un lieutenant-colonel russe à la presse géorgienne et internationale rassemblée à Karaleti, alors que des confrères arrivaient de l'autre côté des barbelés, dans un voyage organisé depuis Moscou par le ministère de la Défense. Pas mécontents de rentrer, les soldats russes s'activent, suivant les ordres de laisser le lieu « propre. »

A l'intérieur de la zone, la population s'inquiète

« Bien sûr que nous sommes heureux de voir les Russes partir, ils n'ont rien à faire ici », explique Dato, un habitant de Shindisi, avant de faire part de son « souci pour la sécurité ». La présence d'observateurs européens, une patrouille franco-polonaise enl'occurrence, n'a pas l'air de vraiment le rassurer. Certes, ajoute-il, « depuis quinze jours, les [milices] ossètes ne viennent plus, enfin presque », elles qui ont commis beaucoup de crimes dans les villages de la zone, pillé, et souvent incendié, des centaines de maison.

Des gendarmes francais et des policiers polonais, de la mission européenne d'observation du respect des accords de paix, à la rencontre de la population de la zone adjacente de l'Ossétie du Sud, dans le village de Shindisi. (Photo : R. Genté/RFI)

Des gendarmes francais et des policiers polonais, de la mission européenne d'observation du respect des accords de paix, à la rencontre de la population de la zone adjacente de l'Ossétie du Sud, dans le village de Shindisi.
(Photo : R. Genté/RFI)


A Brotsleti, non loin de là, Zoïa, une plantureuse retraitée, raconte qu'un « jeune a été enlevé à Nicozi [village voisin] l'avant-veille. Mais les Russes l'ont rapporté après. » Son voisin, Ilia, la trentaine, ne s'aventure pas trop sur la grande rue qui traverse le village, « de peur de rencontrer des Ossètes. » « Nous sommes là pour vous protéger, rassurez-vous ! », martèle, de sa voix forte, un adjudant-chef de la gendarmerie française, chef d'une patrouille d'observateurs européens. La population, inquiète de ces villages, a manifestement envie de le croire, bien que sceptique. Vendredi, tous les Russes devraient avoir quitté la zone tampon. La police géorgienne investira alors les lieux, armée, contrairement aux 200 observateurs venus du vieux continent.