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Chine / Tibet

Dharamsala, les Tibétains cherchent leur « voie » face à Pékin

par Stéphane Lagarde (avec AFP et Reuters)

Article publié le 17/11/2008 Dernière mise à jour le 17/11/2008 à 23:40 TU

C'est sans aucun doute le plus grand rassemblement de Tibétains jamais organisé. Cinq cent représentants des communautés tibétaines en exil se retrouvent à partir de ce lundi 17 novembre (jusqu'au 22) à Dharamsala, en Inde, pour débattre de la future ligne politique de leur mouvement. L'annonce de l'échec des discussions avec les autorités centrales chinoises, la semaine dernière, pourrait déboucher sur un durcissement de la lutte ; une possible radicalisation qui exigerait l'indépendance du Tibet et non une simple autonomie.
Les dirigeants tibétains en exil à l'ouverture d'une réunion de six jours à Dharamsala, dans le nord de l'Inde, le 17 novembre 2008.(Photo : Abhishek Madhukar/Reuters)

Les dirigeants tibétains en exil à l'ouverture d'une réunion de six jours à Dharamsala, dans le nord de l'Inde, le 17 novembre 2008.
(Photo : Abhishek Madhukar/Reuters)

Si la « non-violence » reste officiellement le moteur du mouvement tibétain, il y a fort longtemps que ses représentants en exil sont divisés sur le sujet. Accueilli par l’hymne tibétain, les 500 dirigeants du mouvement réunis à partir de ce lundi à Dharamsala ne pourront manquer de l’évoquer. Pour l’instant, les plus sages chuchotent en coulisses que rien ne devrait fondamentalement changer mais,  depuis plusieurs semaines, la rumeur ne cesse d’enfler. La « voie moyenne » suivie par le Dalaï Lama envers la Chine est remise en cause par une partie du conclave. Les plus jeunes figurent parmi les plus remontés. « Ces trente dernières années, sa sainteté (…) a tout tenté pour obtenir l’autonomie du Tibet. Mais nous le savons tous, ce dialogue avec les Chinois n’a jamais rien donné, affirmait encore lundi matin Tsewang Rigzin sur l’antenne de RFI ».

Tsewang Rigzin

Président du Congrès de la jeunesse tibétaine

« Nous n'avons rien à perdre, rien à craindre, parce que nous avons déja tout perdu. »

16/11/2008 par Nicolas Vescovacci

Pour le président du Congrès de la jeunesse tibétaine : « Cela fait trente ans qu’on parle nous n’avons jamais avancé ». La cause tibétaine fait du surplace et la jeune garde indépendantiste menace de déborder l’ancienne génération du Dalaï Lama, jugée trop conciliante.

Six jours, c’est déjà court !

Comment parler de compromis et de non-violence avec Pékin quand l’année 2008 a été marquée par la violence ? Selon les exilés tibétains, plus de 200 personnes ont trouvé la mort dans les émeutes de Lhassa en mars dernier et un millier d’autres ont été blessées. Un bilan démenti par les autorités chinoises mais qui devrait planer tout au long des discussions. L’ouverture du conclave a d’ailleurs été précédée par une longue période de silence en mémoire des victimes des manifestations antichinoises. « La non-violence est au centre de notre culture mais la frustration est forte parmi la jeunesse tibétaine et les gens sont très mécontents sur le manque de progrès », déplore un étudiant de 28 ans qui poursuit ses études sur la côte-est américaine. Six jours, c’est déjà court pour passer de l’autonomie à l’indépendance !

Les plus jeunes qui restent minoritaires entendent faire pression pour qu’une motion réclamant l’indépendance soit présentée avant la fin de la semaine. Ils restent toutefois minoritaires dans le mouvement. Or, un durcissement de la ligne politique signifierait concrètement de passer à la revendication haut et fort de l’indépendance du Tibet alors que depuis 2002, les émissaires du Dalaï Lama auprès de Pékin prônent une simple « autonomie culturelle ». Ce changement de stratégie passe donc par un changement de ton et rien ne dit pour l’instant que la majorité des délégués y soit disposée. Sachant que de toutes façons le conclave n’a aucun pouvoir de décision et devra, quelque soit la ligne préconisée, s’en remettre au parlement tibétain. Preuve une fois de plus que les débats s’annoncent animés, le communiqué tombé en prémices à la rencontre est ainsi très clair sur ce point : « Cette réunion ne se soldera pas nécessairement par un changement de politique, martèle le gouvernement en exil. Si un changement est jugé nécessaire, il existe pour cela une voie démocratique qui a le mandat du peuple tibétain ».

Le Dalaï Lama n’est pas là

La parole reste donc au Dalaï Lama. A 73 ans, le vieux bonze à la santé fragile a convoqué la rencontre mais n’est pas présent à Dharamsala. Hospitalisé pendant quatre jours en septembre dernier pour des douleurs abdominales, ce dernier ne cache plus depuis quelques semaines que sa « voie moyenne » pour le Tibet a échoué. Un sentiment partagé visiblement par une majorité des Tibétains. Son administration a consulté plusieurs milliers de personnes, à l’intérieur même des frontières du Tibet. Sur les 15 000 personnes interrogées, 5 000 demandent l’abandon de cette stratégie dite « médiane », 2 000 se sont prononcées pour son maintien et 8 000 indiquent que de toute façon elles respecteront la décision qui sera prise par le chef spirituel en exil. D’où les craintes des autorités de Pékin. La Chine a fait pression sur le gouvernement indien afin d’empêcher la réunion et continue d’accuser le Dalaï Lama d’être un séparatiste dissimulé sous les habits safrans du bouddhisme. Quelle sera la décision du  leader en exil si les partisans de la ligne dure à l’égard de la Chine sortent majoritaires de ce conclave ? La décision ne pourra avoir de l’écho hors de la petite bourgade himalayenne que relayée par le Dalaï Lama lui-même. Cela conduirait le chef Tibétain en exil à abandonner son éternel sourire et à reprendre tout haut, comme l’ont fait les délégués à la conférence ce lundi, la dernière strophe de l’hymne tibétain : « Puisse le Tibet garder à tout jamais son indépendance ». Autrement dit, oublier le pragmatisme et revendiquer officiellement l’indépendance.

A écouter

Marie Louville, spécialiste du Tibet

Le Dalaï Lama conforte l'idée de la non-violence mais il dit qu'il faut peut-être évoluer et non plus parler d'autonomie mais d'indépendance.

18/11/2008

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