par Stéphanie Maupas
Article publié le 20/11/2008 Dernière mise à jour le 21/11/2008 à 03:21 TU
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, a demandé aux juges, jeudi matin, de délivrer des mandats d’arrêt internationaux à l’encontre de trois commandants des forces rebelles, en guerre contre le gouvernement soudanais depuis 2003. Les trois hommes sont poursuivis pour crimes de guerre. Les faits reprochés remontent au 29 septembre 2007. Ce jour-là, un convoi de 30 véhicules et de 1000 hommes attaquait à l’arme lourde le camp des soldats de l’Union africaine à Haskanita, au Sud Darfour, faisant douze morts et huit blessés graves parmi les soldats de la paix.
Procureur de la Cour pénale internationale (CPI)
«Les soldats de la paix de l'UA protègent des milliers de civils. S'ils sont attaqués plus personne ne protègera les civils !»
Les noms des trois commandants sont, pour l’instant, conservés sous scellés, pour multiplier les chances d’arrestation, selon le procureur. « Malgré tous les rapports et notamment celui de l’Union africaine, ils ont continué à voyager. Il y a donc une possibilité de les arrêter », affirme Béatrice Le Frapper, conseiller politique du procureur. En théorie, les Etats qui ont ratifié le traité de la Cour (ils sont 108) - ce n’est pas le cas du Soudan, mais c’est en revanche celui du Tchad voisin - sont tenus de coopérer et de procéder aux arrestations. Selon le responsable d’une organisation non gouvernementale, « des négociations avec les Etats voisins » en vue de leur arrestation, « sont en cours. »
Reddition volontaire ?
Dans sa requête, le procureur propose aussi une alternative aux juges, délivrée sous forme d’invitation aux rebelles. « Tous les commandants des forces rebelles au Darfour ont la possibilité d’exprimer leur volonté de se rendre volontairement devant la Cour, écrit Luis Moreno Ocampo dans sa requête. Une citation à comparaître pourrait être une alternative poursuivie par la Cour, si la Cour reçoit des informations quant à l’éventuelle comparution volontaire des individus. » La délivrance effective des mandats pourrait prendre plusieurs semaines, le temps pour les juges de consulter les pièces à conviction déposées par le procureur. Le temps aussi pour les rebelles d’examiner les avantages politiques qu’ils pourraient retirer d’une éventuelle reddition.
Haut responsable des rebelles du MJE (Mouvement pour la justice et l'égalité)
«Le MJE n'a rien à voir avec cette attaque. Il est toutefois prêt à coopérer par tous les moyens pour que justice soit rendue à tous ceux qui sont morts.»
Une reddition volontaire des rebelles pourrait en effet compliquer la position du président soudanais, Omar el-Béchir, face à la CPI. Le 14 juillet 2008, le procureur avait déposé une demande de mandat d’arrêt à son encontre, l’accusant de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Depuis, le président soudanais a tenté de trouver des alliés – au sein de la Ligue arabe et de l’Union africaine, notamment – pour s’opposer au travail de la Cour. En septembre, plusieurs états se livraient à de multiples tractations au siège des Nations unies à New York, pour voter une suspension des procédures conduites sur le Darfour par la CPI, mais sans succès jusqu’ici.
Cette fois, l’inculpation des rebelles par le procureur offre des réponses multiples aux inquiétudes et aux oppositions exprimées par de nombreux Etats après les accusations lancées contre le président Béchir en juillet. La Ligue Arabe avait, entre autres, reproché au procureur de ne pas poursuivre aussi les rebelles et devra donc oublier cet argument. Les Nations unies craignaient, elles, que le président soudanais mette à exécution ses menaces contre les soldats de la mission hybride de l’Onu et de l’Union africaine, qui en décembre 2007 succédait à la mission conduite par la seule Union africaine. Le procureur apporte ici un soutien judiciaire concret aux soldats de la paix.
Les soldats dans l’incapacité de protéger les civils
Dans un communiqué, l’organisation Human Rights Watch affirme que suite à l’attaque d’Haskanita, la mission « a restreint toutes ses activités et confiné ses effectifs dans leurs bases, limitant sérieusement leur capacité à protéger les civils. » Les Nations unies estiment que le conflit aurait fait 200 000 morts et 2,5 millions de déplacés. Le procureur a ouvert son enquête sur le Darfour en juin 2005, suite à la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité des Nations unies. Outre la demande de mandat d’arrêt déposée en juillet 2008 contre le président du Soudan, et à laquelle les juges, quatre mois plus tard, n’ont toujours pas répondu, la Cour a émis deux autres mandats d’arrêt en avril 2007 à l’encontre d’un chef de milice Janjawid, Ali Kusheyb et de l’actuel ministre des Affaire humanitaires du Soudan, Ahmed Harun.
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