par Nicolas Vescovacci
Article publié le 15/12/2008 Dernière mise à jour le 16/12/2008 à 10:54 TU
Abhisit Vejjajiva remercie les membres du Parlement thaïlandais après son élection au poste de Premier ministre, le 15 décembre 2008.
(Photo : Reuters)
Si le leader du Parti démocrate a pu ainsi se hisser au poste de Premier ministre, ce n’est pas grâce à son physique avenant de jeune premier, ni à son expérience politique : son ascension est liée à une décision de justice.
Le 2 décembre 2008, la Cour constitutionnelle du royaume dissout le Parti du pouvoir du peuple (PPP), la principale formation pro-Thaksin, accusée d’avoir frauduleusement remporté les élections générales du 23 décembre 2007.
Pour beaucoup, cette décision de la plus haute juridiction du royaume semble téléguidée par certaines élites qui souhaitent sortir de l’impasse sans intervention directe de l’armée. En septembre 2006, le coup d’Etat orchestré par plusieurs hauts gradés n’a rien réglé.
Vingt-et-un mois plus tard, la Cour constitutionnelle s’érige en dernier rempart de la nation ; quitte à apparaître favorable à une minorité : les militants de l’Alliance du peuple pour la démocratie qui bloquent les aéroports de Bangkok afin de faire tomber le gouvernement de Somchaï Wongsawat.
Opportunisme politique
La crise prend un tournant tellement opportun, que cette décision de la Cour est qualifiée de « coup d’Etat judiciaire » par de nombreux observateurs. Ceux-ci redoutent le retour déguisé des partisans d’un régime conservateur, incapables de se soumettre à la volonté des électeurs.
Le démantèlement en règle du Parti du pouvoir du peuple exclut les proches de Thaksin de toute coalition gouvernementale. Il ne résout pas en revanche un casse-tête parlementaire qui repose sur une arithmétique complexe. Car paradoxalement, la dissolution du PPP ne signifie pas la mort de ses partisans.
Renvoyé par la porte, le parti dissout pouvait revenir par la fenêtre et imposer, par un simple jeu d’alliances, un candidat au poste de Premier ministre. Ce risque, les militants royalistes de l’ordre nouveau ne pouvaient pas le prendre. Pour éviter un nouvel épisode rocambolesque du vaudeville bangkokois, une dizaine de jours de tractations ont été nécessaires pour installer au pouvoir Abhisit Vejjajiva qui apparaissait comme la seule alternative possible à la crise politique.
Abhisit manipulé ?
En peu de temps, de très nombreux députés affiliés à des partis pro-Thaksin ont ainsi accepté de changer de camp pour construire la majorité parlementaire du nouveau Premier ministre.
Dans une tribune, l’analyste politique Ji Ungpakorn explique « qu’il est de notoriété publique que l’armée a acheté des voix », puis rappelle « qu’Abhisit Vejjajiva s’est souvent opposé aux politiques de Thaksin en faveur des pauvres, puis a soutenu le coup d’Etat militaire de 2006. En cela, il incarne la pure tradition des élites urbaines de Bangkok.»
Autrement dit, celui dont le nom signifie « privilèges », serait manipulé par l’armée. L’ambitieux Abhisit aurait fait le choix des conservateurs pour accéder aux plus hautes fonctions de l’Etat et légitimer, a posteriori, le coup d’Etat judiciaire du 2 décembre 2008.
De ce point de vue, l’élection d’Abhisit Vejjajiva par la chambre basse du Parlement marquerait la fin d’une crise, comme un épilogue conclut la fin d’un ouvrage.
C’est vrai, le leader du Parti démocrate n’a jamais eu de grandes responsabilités gouvernementales.
Elu député en 1992, son action parlementaire a toujours été limitée. Et sur le terrain électoral, son programme n’a jamais remporté la majorité des suffrages. Ce surdiplômé formé en Grande-Bretagne est-il pour autant une marionnette au service d’un clan ?
« Sans réconciliation nationale, pas d’avenir »
Interrogé par RFI, le numéro deux du Parti démocrate, Kraisak Choonhavan, affirme que « l’histoire du Parti démocrate est faite de prises de position anti-coup d’Etat. Et ces soixante dernières années, on n’a jamais été du côté des pouvoirs militaires. Alors ce genre de soupçon, cela ne m’inquiète guère. Il n’y a aucune collusion, aucun accord secret. »
Qu’il soit manipulé ou simplement opportuniste, Abhisit Vejjajiva va devoir batailler ferme pour redorer le blason d’un royaume en perte de vitesse. Ses deux principaux atouts : la fraîcheur du débutant bardé de diplômes et ses nombreux soutiens au sein des cercles traditionnels du pouvoir.
Ses deux principaux handicaps : une majorité parlementaire très relative et le clivage toujours aussi important d’une société divisée entre les « pro » et les « anti » Thaksin.
Le parlementaire Kraisak Choonhavan le reconnaît volontiers: « la tâche du futur gouvernement est colossale. Ce ne sera pas facile de faire face à la situation. Et sans réconciliation nationale, nous n’aurons pas de stabilité gouvernementale. »
Or, « au pays du sourire », le climat politique est très loin d’être apaisé. Les partisans de Thaksin, toujours majoritaires, ont le sentiment d’avoir été volés. Ils font valoir que leur choix du 23 décembre 2007 n’a pas été respecté. Dans ce contexte, on voit mal comment l’opposition pourrait se ranger à la cause de la coalition gouvernementale pour le seul bien du royaume.
Sans véritable légitimité populaire, Abhisit Vejjajiva va avant tout devoir convaincre pour gagner la confiance d’une population qui le connaît mal. Dans un pays qui vénère les patriarches et les hommes d’expérience, ce ne sera pas facile. C’est l’une des inconnues de la nouvelle donne thaïlandaise.
A écouter
Le plus important est de venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin, les prix agricoles ont spectaculairement baissé... cela renvoie aux problèmes de corruption, cela aussi doit être une priorité.
16/12/2008
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