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UE / Russie / Ukraine

Crise du gaz : la solidarité européenne mise à mal

par Maud Czaja

Article publié le 09/01/2009 Dernière mise à jour le 09/01/2009 à 18:51 TU

Le Premier ministre tchèque Mirek Topolanek (g), dont le pays préside l'UE, avec son homologue norvégien Jens Stoltenberg à Prague, le 9 janvier 2009.(Photo : AFP)

Le Premier ministre tchèque Mirek Topolanek (g), dont le pays préside l'UE, avec son homologue norvégien Jens Stoltenberg à Prague, le 9 janvier 2009.
(Photo : AFP)

Les pays de l’Union européenne ont été frappés de manière disparate par l’arrêt des livraisons de gaz russe. Certains ont été plus durement touchés que d’autres, notamment les pays de l’Est, comme la Bulgarie, dépendante à 98% du gaz russe. Cette nouvelle crise du gaz russo-ukrainienne a soulevé le problème de la sécurité énergétique de l’UE mais aussi celui de la solidarité entre les Etats membres. Les ministres de l’Energie des Vingt-Sept se réunissent d’urgence ce lundi à Bruxelles pour évoquer ces questions.

En 2006, en réponse à la première guerre du gaz russo-ukrainienne, l’Union européenne a créé un groupe de coordination sur le gaz, regroupant des experts des 27 pays de l’UE et des représentants de l’industrie. Sa principale mission était de trouver à court et à long terme des solutions pour renforcer la sécurité de l’approvisionnement en gaz de l’Union européenne, très dépendante de la Russie. Moscou fournit en effet un quart du gaz consommé en Europe. Certains pays sont très dépendants, notamment les pays de l’Est, comme la Bulgarie qui dépend à 98% du gaz russe, ou les Etats baltes, dépendants à 100% des importations russes.

Trois ans plus tard, en 2009, le scénario se répète entre Kiev et Moscou, mais force est de constater que la situation n’a pas beaucoup évolué. Et les mécanismes de solidarité pouvant aider les pays les plus durement touchés par l’arrêt des livraisons russes ne fonctionnent pas ou très peu.

Le réseau de gazoducs à l’intérieur de l’UE est insuffisant

Il est très difficile de venir en aide aux pays d’Europe centrale, comme la Bulgarie, la Slovaquie et les Balkans. L’Union européenne se heurte à des problèmes d’infrastructures : le réseau de gazoducs à l’intérieur de l’Union européenne est insuffisant.

« Nous pouvons nous aider les uns les autres seulement si nous avons des gazoducs  qui nous lient. Si ce n’est pas le cas, nous ne pouvons pas nous aider mutuellement. En plus, il s’est avéré que l’approvisionnement arrive très rapidement à terme. L’Allemagne a une capacité de stockage assez importante, mais ce n’est pas le cas d’autres pays. Cette crise aura des conséquences pour la politique énergétique européenne. Il faut réfléchir au moyen d’augmenter nos réserves », a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel, lors d’une conférence de presse après sa rencontre avec le président français Nicolas Sarkozy à Paris, le 8 janvier.

Modifier la carte des gazoducs nécessite des investissements lourds et coûteux. De plus, la réorganisation d’un réseau doit se faire en fonction d’une politique énergétique européenne clairement établie. Or, l’Europe n’en a pas. Les Etats membres ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. L’Allemagne a par exemple choisi de devenir un partenaire privilégié de la Russie dans la construction d’un nouveau gazoduc, le Nord Stream, qui passe sous la mer Baltique, (au grand dam des Etats baltes). Berlin n’envisage donc pas sur le court terme de s’engager dans de nouveaux projets de pipeline. Pour Dominique Fache, directeur général en Russie du groupe énergétique italien Enel, l’une des alternatives possibles serait la mise en place d’un consortium réunissant l’Ukraine, la Russie et l’Union européenne de façon interdépendante.

L’Union européenne n’a pas de politique énergétique clairement établie

Mais le réseau des gazoducs n’est pas le seul problème auquel se confronte l’Union européenne. Les diplomates européens reconnaissent qu’en temps de crise, peu de pays membres sont vraiment prêts à venir piocher dans leurs réserves nationales pour aider leurs voisins. La solidarité au sein même de l’UE n’est pas aussi facile à faire qu’à dire. Les pays disposant d’importantes réserves de gaz se sont contenté de faire des gestes symboliques. Ainsi, l’Allemagne est venue en aide à la Hongrie. La Pologne a envoyé du gaz par camion en Slovaquie. L’Italie s’est dite prête à venir en aide à la Slovénie « en cas d’urgence ».

« Nous devons nous entraider si nous ne pouvons résoudre la situation il faudra interconnecter nos réseaux nationaux et nous débarrasser du rideau de fer de la sécurité énergétique », a martelé le Premier ministre hongrois.

Pour l’instant, seule une directive de 2004 sur la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel, prévoit quelques mesures à ce sujet. Elle encourage la coopération entre les Etats membres afin de garantir la sécurité des approvisionnements et fixe des mécanismes de contrôle pour assurer des connexions entre les systèmes gaziers des pays membres.

La Commission européenne a également lancé, en novembre 2008, un deuxième plan d’action en matière de sécurité et de solidarité énergétique, plan qui vise à renforcer la solidarité entre les Etats de l’UE et à accroître les investissements dans les réseaux de gazoducs. Il sera examiné lors du Conseil européen prévu au printemps prochain. Pour l’heure, il n’y a plus qu’à espérer que les Russes livrent du gaz avant que les stocks des pays de l’Est ne soient complètement vides. Auquel cas, il y aurait une Union européenne scindée en deux avec d’un côté les pays de l’Ouest moins frappés par la crise qui continueraient à consommer du gaz, et de l’autre une Europe de l’Est en panne. Une situation qui ne ferait qu’illustrer une politique énergétique européenne au point mort.

A écouter

Crise du gaz : François Fillon, Premier ministre français

« Le principe d'une solidarité énergétique entre les membres de l'Union européenne doit s'appliquer, nous devons promouvoir une approche européenne commune. »

09/01/2009