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Guinée-Bissau

Deux assassinats mystérieux

par  RFI

Article publié le 02/03/2009 Dernière mise à jour le 02/03/2009 à 18:52 TU

Le président bissau-guinéen Joao Bernardo Vieira a été assassiné lundi matin. Il a été abattu quelques heures après l’attentat qui a tué, dimanche, le chef de l'Etat-major des forces armées Tagmé Na Waié. L'armée assure qu'elle « respectera l'ordre constitutionnel et la démocratie » dans ce pays très instable d'Afrique de l'Ouest, dirigé pendant vingt ans par le président Vieira. Le gouvernement de Bissau a décrété un deuil national de sept jours et a demandé au parquet de « former une commission d'enquête pour tirer au clair les circonstances de la mort »  des deux dirigeants.

Joao Bernado Vieira, le 9 décembre 2008.( Photo : Reuters )

Joao Bernado Vieira, le 9 décembre 2008.
( Photo : Reuters )

Ce sont donc deux meurtres en quelques heures en Guinée-Bissau : d'abord le chef d'Etat major des armées, puis le président qui a été assassiné ce lundi matin. Joao Bernardo « Nino » Vieira est tombé sous les balles d'un commando d'hommes armées, vers 5 heures du matin. Ce que l'on sait à l'heure actuelle, c'est que la mort du chef d'état-major, Tagmé Na Waye, tué dans sa caserne dimanche lors d'un

attentat à la bombe, a entrainé une opération de représailles de la part de ses partisans, opération qui s'est soldée par la mort de Nino Vieira. Selon nos informations, un groupe de fidèles du chef d'état major assassiné a quitté dans la nuit la caserne de Mansoa pour venir à Bissau. Et ce sont ces hommes qui ont encerclé le palais présidentiel.

Il semblerait, toujours selon nos informations, que le président Vieira aurait voulu fuir son palais après la mort de son chef d'état-major mais il en aurait été empêché par un groupe de soldats. Il faut savoir que le général Tagme na Waye avait imposé des hommes à lui, au sein de la garde présidentielle. Toujours est-il que lundi matin, entre quatre et cinq heures, des tirs et des explosions ont retenti pendant plusieurs minutes dans l'enceinte du palais, puis on apprenait que le président Vieira avait été abattu d'une rafale de mitraillette.

Cette fin tragique n'est pas surprenante aux yeux de beaucoup de Bissau-guinéens car Nino Vieira et Tagmé Na Waié étaient depuis de longues années des ennemis des ennemis jurés, mais qui avaient opté pour une forme de cohabitation au retour de Nino Vieira au pouvoir en 2005. Cohabitation qui avait du plomb dans l’aile depuis quelques mois. Et leur querelle n'était pas un secret. En novembre dernier des soldats avaient tiré sur la résidence du président qui avait attendu en vain l'aide de l'armée, et en janvier Tagmé Na Wayé accusait, à son tour, la milice proche du président d'avoir voulu l'assassiner.

Reste que la mort du président ouvre une nouvelle période d'incertitude à Bissau, pays chroniquement instable depuis dix ans. Pour l'heure, l'armée assure qu'elle respectera l'ordre constitutionnel et la démocratie. Les généraux se sont réunis, ce lundi, avec le premier ministre Carlos Gomes Junior. S'ils s'entendent pour préserver, comme ils le disent, les règles démocratiques, ce serait théoriquement le président du parlement Raimundo Pereira qui assurerait l'intérim au poste de président.  En attendant à Bissau chacun retient son souffle. La situation était calme lundi en début de l’après-midi, comme l'explique cet habitant :

Un habitant de Bissau

02/03/2009

Cette guerre des chefs qui s'est terminée en bain de sang, est l'un des nombreux symptômes de l'instabilité politique chronique que traverse le pays depuis plusieurs mois. On écoute à ce propos Idrissa Diallo, le président du Parti de l'unité nationale (PUN), une formation d'opposition.

Idrissa Diallo

Président du PUN

« C'était un acteur majeur pour le pays qui a connu une histoire tragique. »

02/03/2009

Joao Bernardo Vieira, surnommé "Nino" le petit, était le personnage clé de l'histoire politique bissau-guinéenne. C'était à la fois un fin politique et un homme doté d'un courage physique que ses adversaires lui ont toujours reconnu. Entré au Parti africain pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC) d'Amilcar Cabral en 1962, il devient rapidement incontournable. Réputé pour son audace et ses qualités de commandement, Vieira s'impose rapidement comme le leader de l'aile militaire du PAIGC qui mène alors une lutte d'indépendance contre la puissance coloniale portugaise.

En 1974, c'est lui qui proclame l'indépendance du pays. Six ans plus tard, il renverse le président Luis Cabral, avant de se faire élire une première fois en 1981. Il est à son tour renversé en mai 1999, après un soulèvement militaire mené par son ex-bras droit Ansumane Mané. Il part alors en exil à Conakry chez son ami le président guinéen Lansana Conté. Il fait son retour triomphal en 2005 et remporte la présidentielle alors que le pays sombre dans la pauvreté et le chaos. Depuis, Vieira était politiquement isolé, il avait perdu l’essentiel de ses appuis politiques au sein du PAIGC  et il avait contre lui une grande partie des forces armées.

Condamnations de la communauté internationale

Les réactions des chancelleries ne se sont pas faites attendre. Les Etats-Unis, l'Union européenne ou encore la France condamnent, avec la plus grande fermeté, ces assassinats. Condamnation également du président sénégalais Abdoulaye Wade qui a rendu hommage à son homologue bissau-guinéen. L'ancienne puissance coloniale, le Portugal, dit se tenir prêt « pour aider à maintenir l'ordre constitutionnel ».

Du côté des institutions africaines, des émissaires sont sur le départ pour Bissau. La Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) va envoyer une délégation, avec à sa tête le secrétaire d'Etat portugais aux Affaires étrangères. Mardi, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) va dépêcher une délégation de ministres des Affaires étrangères. Enfin, l'Union africaine (UA) a dénoncé un acte « lâche et odieux ».  

Jean Ping, président de la commission de l'union africaine

« J'ai condamné fermement cet assassinat au nom de la commission de l'union africaine ».

02/03/2009 par Christophe Boisbouvier