par RFI
Article publié le 04/03/2009 Dernière mise à jour le 04/03/2009 à 03:01 TU
La Cour Pénale Internationale doit annoncer aujourd'hui (13h TU, 14h heure de Paris) si elle lance un mandat d'arrêt contre le président soudanais. Si la réponse est oui, Omar el-Béchir serait le quatrième chef d'Etat en exercice à être poursuivi par la justice internationale, après l'ancien président du Liberia Charles Taylor, l’ex-président yougoslave Slobodan Milosevic, et l’ex-président serbe Milan Milutinovic. Le procureur de la CPI, qui a réclamé un mandat contre le président soudanais en juillet 2008, affirmait encore ce mardi avoir « de lourdes preuves » contre lui. Au Darfour, région de l’ouest du Soudan, la guerre entre dans sa septième année. Alors que cette procédure divise la communauté internationale, Omar el-Béchir a inauguré en grande pompe mardi le barrage de Méroé, le plus important chantier sur le Nil depuis quarante ans.
Depuis le début, la procédure plonge la communauté internationale dans l'embarras. Il y a trois semaines seulement, lors d’une réunion informelle du Conseil de Sécurité de l'Onu, des représentants de l'Union africaine et de la Ligue arabe plaidaient pour la suspension des procédures judiciaires contre Omar el-Béchir.
Alors que les juges de la CPI doivent annoncer s'ils lancent ou non un mandat d'arrêt contre le président soudanais, le Conseil de sécurité peut réclamer le report de cette décision pour un an renouvelable. L’article 16 du Statut de Rome, qui a institué la Cour, lui donne en effet ce pouvoir.
Le Soudan lui-même demande cette suspension, « pour nous laisser le temps de travailler à la paix au Darfour », affirme son ministre des affaires étrangères...
La communauté internationale divisée
Selon des diplomates présents lors de cette réunion à New York, seuls six pays membres du Conseil de Sécurité voteront pour la suspension : la Chine, la Russie, le Burkina, la Libye, l'Ouganda et le Vietnam. Il en aurait fallu neuf pour que ça passe.
Les Etats-Unis, la France et le Royaume Uni, entre autres, refusent de brider la CPI. Divisée sur cette question, la communauté internationale s'inquiète.
De source diplomatique, des manifestations sont prévues ce mercredi devant les ambassades britanniques, américaines et françaises à Khartoum. Sur place, tout monde est fébrile : « on ne doit pas sous-estimer le risque d'un débordement », dit un porte-parole de la Mission de l'Onu au Darfour.
Chef du Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MJE)
« J'espère qu'il y aura un mandat d'arrêt contre Omar el-Béchir. On est tous prêts ici à fêter l'événement. »
Pied de nez à la justice internationale
De son côté, à la veille de l’annonce de la CPI, Omar el-Béchir semble avoir pris un malin plaisir à faire un pied de nez à ceux qui souhaiteraient le voir comparaître devant les juges.
Ce mardi, le président Omar el-Béchir a lancé en grande pompe la production électrique au grand barrage de Méroé.
(Photo: Reuters)
Ce mardi, à Méroé, sur le Nil, à 400 km au nord de Khartoum, le président soudanais a en effet inauguré le plus gros barrage jamais construit dans la région depuis celui d’Assouan, en Egypte. Et il s’est fait un plaisir de rappeler que la Chine, mais aussi l’Allemagne et la France, via Alstom, ont contribué à la construction de cet ouvrage. Le projet, initié en 2002-2003, correspond à peu de choses près au début de la crise du Darfour.
La contre-attaque d’Omar el-BéchirCes derniers mois, le numéro un soudanais a su se défendre. Depuis le 14 juillet 2008 et la demande d’un mandat d’arrêt international lancé contre lui par le procureur de la CPI, le Soudan a su s’assurer du soutien de l’Union africaine et de la Ligue Arabe, mais aussi de deux membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu, avec la Chine, et, plus récemment, la Russie.
De plus, Omar el-Béchir a pu profiter d’un calendrier favorable : il y a eu les vacances d’été en Europe, le Ramadan, les juges de la CPI en demande de preuves supplémentaires pour le chef d’inculpation de génocide, le Congo en ébullition, Gaza, l’investiture de Barack Obama… Bref : tout pour que la décision de la CPI soit ralentie et qu’on oublie le Soudan et son président.
Allée d’affiches à la gloire du président
Chez lui, le président soudanais jouit d’une relative popularité dans un pays peu habitué au culte de la personnalité. Pourtant, des effigies et des portraits à la gloire d’Omar el-Béchir n’ont cessé de pousser dans les rues de Khartoum ces dernières semaines.
Jusqu’alors discret, voire absent, des murs décatis de la capitale du Soudan, des effigies ont commencé à faire leur apparition dans la cité des deux Nils. Désormais, quand on arrive à Khartoum, une allée d’affiches à la gloire du président, qualifié de « martyr », enturbanné ou en képi, accompagnent les visiteurs de l’aéroport jusqu’au centre-ville.
Génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre |
Le procureur de la Cour Pénale Internationale accuse Omar el-Béchir de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Pour Luis Moreno-Ocampo, le président soudanais exerce un contrôle absolu, il est au sommet de la structure de l'Etat qu'il dirige personnellement. Selon le procureur, c'est bien lui qui a intégré les milices janjawides dans cette structure et qui a planifié les crimes de guerre au Darfour. Dans son acte d'accusation, le magistrat argentin estime qu'Omar el-Béchir a volontairement mis en place les mécanismes conduisant à la destruction des populations Four, Massalite, et Zaghawa, en raison de leur seule appartenance ethnique. Luis Moreno-Ocampo évoque les multiples attaques dont ces groupes ont été victimes, dans les villages et dans les camps de réfugiés. Il y voit la preuve que l'Etat soudanais, loin de vouloir protéger ces populations, cherche leur destruction. Pour le procureur, les motivations d'Omar el-Béchir sont politiques. Il prenait le prétexte de la lutte contre l'insurrection mais en fait, il visait le génocide. Selon lui, la responsabilité personnelle du président soudanais ne fait aucun doute. Le ciblage des civils, l'impunité dont bénéficient les auteurs de crimes, la mobilisation de l'appareil d'Etat, constituent autant de preuves qu'il s'agit bien d'un plan concerté et soigneusement appliqué. |
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